L’organisation du travail du contrôle de gestion



Introduction
Loin du rôle peu enviable d’un "père fouettard", chiffrant les écarts et distribuant les mauvais
points, le contrôleur de gestion est le dénominateur commun d'un déploiement à trois niveaux
(stratégie, contractualisation, exploitation) et sur trois dimensions (prévoir, mesurer, agir).
Sa mission consiste à apporter à la direction générale toutes les informations nécessaires à
l’élaboration de la stratégie, à l’aider à la formaliser et à la valoriser, à favoriser le
déploiement de la stratégie à l’horizon annuel et au niveau opérationnel. Il a un rôle important
de conseil, de gardien de la cohérence, de diffusion de l’information, de communication et de
facilitateur du dialogue de gestion. C’est un accompagnateur du changement.
Cependant, le contrôleur de gestion n’a pas d’autorité hiérarchique dans l’ensemble de
l’entreprise sauf dans son service s’il regroupe plusieurs personnes. En fait, sa place n’a pas
d’importance intrinsèque. La place et le rôle du contrôleur de gestion dépendent de l’intérêt
que porte le décideur, le manager au contrôle de gestion. Le service peut rester une "coquille
vide" ou à l’inverse devenir l’"éminence grise" de la direction. L’identité de l’entreprise, le
système de valeur et le comportement du dirigeant sont déterminants pour fixer le rôle du
contrôleur de gestion.
Au travers de notre étude, bien que définissant le métier du contrôleur de gestion, nous nous
attacherons plus particulièrement à l’organisation de son travail dans les PME et les groupes.
Ainsi nous verrons dans un premier temps, en guise d’approche, comment est apparu le
contrôle de gestion et quelle a été son évolution. Puis, afin d’obtenir une vision plus précise
du sujet, nous aborderons l'aspect purement théorique de l'organisation du travail du
contrôleur de gestion. Dans un troisième temps, nous confronterons la théorie et la pratique au
travers d’entretiens réalisés auprès de contrôleurs de gestion appartenant à différents types de
structure. Enfin, nous élargirons le sujet en nous intéressant à l’organisation du travail du
contrôleur de gestion à l'international.

I- Apparition et évolution du contrôle de gestion

Il nous a semblé essentiel, dans le cadre de notre sujet, de retracer l'apparition et l'évolution du
contrôle de gestion puisque son organisation en découle de façon directe. Par conséquent,
nous y avons consacré une part importante de notre étude.

1. Environnement économique et technologique des entreprises

Il est possible de repérer les évolutions majeures du contexte économique et technologique
des entreprises à partir du début du XXème siècle et du développement massif de
l'industrialisation.
a. Environnement économique
Pour bien comprendre les outils d'aide élaborés par les gestionnaires dans leurs prises de
décision, il convient de caractériser les forces et les contraintes de l'environnement actuel des
entreprises.
a) L'offre
Les producteurs industriels, peu nombreux au début du XXème siècle et localisés
géographiquement dans seulement quelques pays occidentaux, proposent des produits peu
diversifiés, qui satisfont le marché.
L'offre en quantité, nettement inférieure aux besoins qui s'expriment, trouve sans problème
des débouchés, de manière stable dans le temps et l'espace.
Les entreprises y ont peu besoin de lutter entre elles et leur mode de gestion est relativement
proche.
Le développement de plusieurs pays et marchés, la forte croissance conjoncturelle après la
Seconde Guerre mondiale provoquent de profondes modifications dans l'offre de production :
- des entreprises de plus en plus nombreuses, situées dans des zones géographiques très
éloignées et très différentes, proposent des produits assez similaires ;
- on aboutit aujourd'hui à une mondialisation des échanges, des marchés autour de trois
pôles qui forment la triade : zone Europe, zone Amérique, zone Asie ;
- cette extension du champ d'action des entreprises modifie profondément leur gestion car la
concurrence s'intensifie et les gestionnaires ont besoin de nombreux paramètres pour
différencier leurs produits.
b) La demande
Avec l'industrialisation du début du siècle et l'apparition de produits satisfaisant des fonctions
et des besoins nouveaux, la demande accepte et absorbe sans difficulté les productions des
entreprises.
Cette "première" demande en forte croissance est seulement quantitative, peu évolutive dans
le temps et peu exigeante dans les caractéristiques des produits.
Après une période de production et de consommation de masse, avec des produits standard, la
demande devient plus précise dans ses attentes, plus versatile dans sa fidélité aux entreprises
et à leurs marques, avec des évolutions rapides et imprévisibles. Les produits doivent être plus
diversifiés et avec une dimension qualitative certaine.
On est donc passé d'une économie de production à une économie de sélection.
b. Environnement technologique
Avec les contraintes techniques du début du siècle, les entreprises disposaient de machines
"rigides" destinées à une seule opération, une seule fonction, un seul produit. A partir de
1960, grâce à la diffusion des technologies de l'électronique pouvant s'intégrer dans tous les
métiers, à tous les niveaux de gestion, les rigidités techniques disparaissent.
Les machines et les postes de travail deviennent polyvalents, flexibles pouvant changer
d'outils, de fonctions, de produits. Cette souplesse dans la production permet de réduire une
contrainte forte des entreprises et de proposer des produits plus diversifiés en petite quantité.
Mais les potentialités des technologies électroniques ne s'arrêtent pas au domaine de la
production ; l'information et la communication sont particulièrement touchées par
l'électronique, la télématique qui offrent des supports aux performances presque illimitées.
Les entreprises intègrent ces nouvelles technologies de l'information et de la communication
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de leur organisation, modifiant ainsi sensiblement leur mode
de gestion, leur processus décisionnel, leur structure de fonctionnement.
c. Évolution des modes de production
De ces nombreuses évolutions du contexte tant économique que technologique des
entreprises, il en découle une adaptation nécessaire des modes de production.
· Les entreprises ont d'abord mis en place une organisation taylorienne pour une production
standardisée.
· Puis face à une demande de plus en plus segmentée, les entreprises ont élaboré une
organisation avec une différenciation retardée des produits permettant une production
diversifiée.
· Aujourd'hui, les entreprises doivent souvent modifier leur organisation et leurs
combinaisons productives pour une production flexible.
Ainsi, l'environnement économique et technologique paraît aujourd'hui instable, en
perpétuelle évolution dans le temps et dans l'espace. Les besoins en information et la
conception des systèmes d'information de l'entreprise dépendent fortement des degrés de
turbulence et de complexité du contexte de gestion.
è Les entreprises doivent adapter leurs outils de production, la structure et le fonctionnement
de leur organisation ; elles doivent donc aussi réfléchir à des évolutions de leurs outils de
gestion, et au contrôle de gestion en particulier.
2. L'entreprise et sa gestion
La présentation des objectifs et des variables actuelles de la gestion permet de mieux situer les
enjeux du contrôle de gestion.
a. La gestion des entreprises aujourd'hui
La gestion, science des choix et de l'action, consiste à conduire une organisation en utilisant
de nombreuses techniques et démarches pour aider aux décisions.
La gestion est à la fois théories et pratiques, application de plusieurs sciences, hybride entre
des sciences "dures" (sciences exactes) et des sciences "molles" (sciences humaines),
carrefour de plusieurs disciplines (économie, histoire, géographie, sciences politiques, droit,
sociologie, mathématiques).
Dans son acception actuelle, la gestion (traduction du terme anglo-saxon management)
regroupe deux dimensions : la gestion stratégique (ou gestion de marché) et la gestion
opérationnelle (ou gestion de l'entreprise). Ainsi la gestion voit son champ d'action s'agrandir
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'organisation.
Dans ce contexte complexe et incertain, les variables à gérer comme leviers des décisions se
multiplient et s'influencent réciproquement, parfois de manière contradictoire ; ainsi, par
exemple, le gestionnaire doit piloter la qualité tout en minimisant les coûts, et réduire les
délais tout en distribuant des produits et des services sur un espace plus grand.
Le cadre actuel de la gestion est celui de la recherche d'une compétitivité permanente, c'est-àdire
d'une position concurrentielle forte tant par les prix que par d'autres paramètres.
Liés à la compétitivité, deux concepts forts apparaissent aujourd'hui dans les objectifs de la
gestion. Nous allons les présenter avant d'en déduire les variables à piloter : la valeur et la
performance.
b. Performance, valeur et coût
a) La performance
Pour être compétitive, toute entreprise doit être performante, c'est-à-dire meilleure que ses
concurrents tant dans sa stratégie que dans son organisation.
è En gestion, le terme de performance est défini comme l'association de l'efficacité et de
l'efficience. L'efficacité consiste pour une entreprise à obtenir des résultats dans le cadre des
objectifs définis. L'efficience correspond à la meilleure gestion possible des moyens, des
capacités en relation avec les résultats.
La performance oblige donc à une vision globale interdépendante de tous les paramètres
internes et externes, quantitatifs et qualitatifs, techniques et humains, physiques et financiers
de la gestion.
Le gestionnaire doit donc rechercher la performance globale, qui intègre plusieurs niveaux
d'évaluation :
- pour la production, c'est l'amélioration permanente de la productivité, donc un rendement
physique, associé à un niveau élevé de qualité ;
- pour la vente, c'est la compétitivité sur le marché ou la différence valeur-coût ;
- pour la finance, c'est la rentabilité.
b) La valeur
Aujourd'hui, la notion de valeur prend une importance cruciale dans la gestion, au-delà de son
sens économique premier. La valeur concerne le produit et l'entreprise.
· La valeur d'un produit n'est pas seulement la différence entre un prix de vente et un coût
de revient mais l'appréciation subjective et fluctuante, par la demande, de l'utilité apportée
par les fonctions d'un produit.
· La valeur d'un produit ne s'obtient pas seulement par l'activité de transformation de
matières premières en biens et ne se limite pas à la notion de valeur ajoutée ; elle découle
aussi de l'apport de toutes les activités principales (logistique interne, opérations
(production), logistique externe, marketing et ventes, services) et de soutien (infrastructure
de l'entreprise, gestion des ressources humaines, développement de la technologie,
approvisionnement) de l'organisation comme l'analyse la notion de "chaîne de valeur" de
M Porter.
La valeur de l'entreprise dépendra ainsi, en partie, de la valeur de ses produits et de ses
activités.
Le gestionnaire n'agit plus seulement en fonction des coûts mais doit piloter le couple valeurcoût.
L'approche en termes de valeur oblige donc à gérer les activités, à remettre en cause
éventuellement l'organisation et son système d'information.
c. Les variables de gestion essentielles aujourd'hui
Dans cet environnement, face à ces contraintes économiques et technologiques, quels sont les
leviers essentiels de l'action pour le gestionnaire ?
Il semble possible de présenter les dimensions essentielles de la gestion contemporaine. Pour
être compétitive et performante, l'entreprise recherche la flexibilité sous de nombreuses
formes, induisant ainsi une gestion de variables multiples : gestion du temps, du risque, de la
taille, des frontières, de l'innovation, de la qualité, de la structure, des connaissances, des
coûts…
Tous ces problèmes actuels conduisent le gestionnaire à piloter un changement permanent tant
dans les produits, les activités que dans les structures, le management, les outils de gestion.
La problématique actuelle de la gestion des entreprises peut donc être résumée de cette façon :
le contexte (mondialisation, forte concurrence, segmentation des marchés, demande
hétérogène, instable, technologies flexibles, complexité de l'environnement, incertitude de
l'environnement) influence la détermination des objectifs pour l'entreprise (valeur,
performance, productivité, flexibilité, coût, qualité, délai) qui conditionnent les variables de
gestion (variables stratégiques, variables organisationnelles, temps, espace, taille, qualité,
innovation, risque, connaissances, changement).
è Construits pour une économie de l'offre dans un environnement stable et peu concurrentiel
dans la première moitié du XXème siècle, la plupart des outils de gestion et de contrôle de
gestion en particulier doivent être rénovés pour aider au management, compte tenu des
besoins actuels.
3. L'apparition du contrôle de gestion
a. Les premières formalisations
a) Histoire des coûts
L'histoire du calcul des coûts apparaît comme la plus ancienne car elle concerne toutes les
formes d'entreprise, dès lors que s'instaure une activité économique.
La diffusion des pratiques et des formalisations (pas nécessairement corrélées) sur le calcul et
l'analyse des coûts progresse véritablement avec la première phase de la révolution
industrielle et ira en s'amplifiant.
Bertrand Gille parle de "socialisation de la technique" ; au-delà d'un processus technique, le
calcul et l'analyse des coûts comportent des aspects économiques, organisationnels, sociaux,
juridiques, donc transmettent une vision transversale et pluridisciplinaire des entreprises.
Les modifications organisationnelles de la production expliquent l'évolution des besoins dans
le calcul des coûts. C'est le passage du système du "putting-out" (production externalisée chez
les ouvriers) au système de "factory" (production regroupée dans une usine).
· Le système externalisé de production ou putting-out
Dans le système de production le plus répandu avant la révolution industrielle, l'entrepreneur
est un intermédiaire qui se déplace, apporte travail et matières premières chez l'artisan qui
possède ses outils puis revient chercher le produit fini (d'où l'origine du terme "prix de
revient").
Dans ce système, l'entrepreneur ne cherche pas à connaître le coût, puisque l'information de la
valeur ajoutée lui est donnée par le "prix de revient" qu'il compare au prix d'achat des
matières.
· Le système regroupé de production ou factory
Les nouvelles technologies du XVIIIè et du XIXè siècle bouleversent les sources d'énergie et
les machines et poussent ainsi à une organisation concentrée de la production : les machines
sont regroupées dans des usines dans lesquelles les ouvriers viennent travailler.
L'entrepreneur n'est plus alors seulement un intermédiaire marchand, il devient également un
investisseur et un innovateur. Dès lors il cherche à mesurer des coûts et à contrôler le travail.
Dans l'histoire des coûts appliquée aux entreprises industrielles, plusieurs étapes apparaissent
avec une évolution du vocabulaire.
¨ D'abord c'est la comptabilité industrielle qui s'élabore et se diffuse avec le développement
industriel occidental durant tout le XIXè siècle (même si des formalisations n'apparaissent,
en France, dans des traités de comptabilité industrielle qu'à partit de 1870).
Elle consiste à mesurer les coûts des flux internes à l'organisation, c'est-à-dire les coûts de
transformation des matières premières sur les machines de l'usine avec des ouvriers. Elle doit
permettre au gestionnaire de mesurer les coûts des processus de production, donc des produits
fabriqués, et d'aider à la fixation des prix face à la concurrence des autres industriels.
¨ Vers 1915 avec l'OST (organisation scientifique du travail) proposée par F. Taylor, la
comptabilité s'affine, segmente les activités, calcule des normes (coûts standard, coûts
préétablis), des écarts par rapport aux normes, contrôle des résultats, des responsabilités.
La comptabilité devient analytique d'exploitation afin de prévoir et de vérifier les
réalisations de toutes les organisations, et pas seulement industrielles.
¨ A l'heure actuelle, le terme comptabilité de gestion permet d'intégrer toutes les démarches
et les techniques qui aident les gestionnaires à connaître les coûts au sein de leur
organisation.
b) Histoire du "contrôle"
Le contrôle des activités et le domaine du contrôle de gestion qui en découle sont plutôt
corrélés à la phase d'industrialisation de la fin du XIXè siècle et surtout du début du XXè
siècle.
· Né de l'évolution du monde technique et économique avec les analyses de Taylor (1905)
sur le contrôle de productivité, les recherches de Gantt (1915) sur les charges de structure
et les choix de General Motors (1923) et de Saint-Gobain (1935) pour des structures par
division, le contrôle de gestion concerne alors principalement l'activité de production mais
ne s'appelle pas encore ainsi.
· Une première évolution dans les enjeux et le champ d'analyse des premières formes de
contrôle de gestion va apparaître avec l'accroissement de la taille des unités de production
et de leur diversification. Il devient nécessaire de déléguer des tâches, des responsabilités
tout en exerçant un contrôle sur les exécutants.
Ainsi, après l'analyse des coûts, les entreprises mettent en place des budgets prévisionnels et
réels pour contrôler les réalisations et mesurer les écarts ; c'est pourquoi le contrôle de gestion
est souvent considéré comme synonyme, à tort, du contrôle budgétaire.
Si les premiers principes et méthodes du contrôle de gestion sont apparus entre 1850 et 1910,
aux États-Unis et en Europe, les pratiques se sont élaborées progressivement en fonction des
besoins des entreprises.
· Ensuite, avec le développement des produits et des services dans une conjoncture en
croissance, les gestionnaires vont chercher dans le contrôle de gestion une aide aux
décisions ainsi que des pistes pour contrôler les acteurs dans la structure.
Jusqu'au début des années 70, les grandes entreprises françaises qui ont introduit un contrôle
de gestion ont reproduit approximativement le modèle des firmes industrielles américaines :
- un processus de planification, de gestion budgétaire, de contrôle budgétaire, allant du long
terme au court terme ;
- dans une structure hiérarchique découpée verticalement en centres de responsabilité ;
- avec un système de pilotage par le couple objectifs-moyens (c'est-à-dire des informations
sur des résultats qui permettent de réguler les actions).
Ainsi, depuis le début du siècle, le contrôle de gestion a été conçu dans le cadre d'une gestion
taylorienne fondée sur quatre principes :
- stabilité dans le temps ;
- information parfaite des dirigeants ;
- recherche d'une minimisation des coûts ;
- coût de production dominant dans le coût total.
Le contrôle de gestion est alors un modèle pour mesurer et contrôler la productivité
industrielle et en particulier la productivité du travail direct.
· A partir des années 70, les perturbations extérieures et intérieures aux organisations
obligent à une remise en cause assez profonde de ce modèle dans ses objectifs, ses outils,
ses utilisations.
b. Des évolutions permanentes
Tout système d'information d'aide à la gestion d'une performance doit tenir compte des
contraintes et des opportunités de l'environnement économique, des orientations stratégiques
des entreprises, des contraintes de structure des organisations.
Ainsi de nombreuses pressions et évolutions ont fait émerger un contrôle de gestion avec des
objectifs plus larges, des démarches et des outils diversifiés.
4. Les différentes formes de contrôle
a. La notion de contrôle
· Contrôler une situation signifie être capable de la maîtriser et de la diriger dans le sens
voulu. Tout contrôle vise à mesurer les résultats d'une action et à comparer ces résultats
avec les objectifs fixés à priori pour savoir s'il y a concordance ou divergence.
Le contrôle doit donc aboutir, si nécessaire, à un retour sur l'amont pour rectifier les décisions
et les actions entreprises. Pour une entreprise, le contrôle est d'abord compris et analysé
comme le respect d'une norme ; c'est un contrôle de régularité. Il participe alors au "processus
de la gestion" :
Information è Décision è Action è Contrôle
Au sein d'une organisation, le contrôle se développe de manière dynamique ; c'est pourquoi il
faut plutôt parler du processus de contrôle.
· Le processus de contrôle comprend toutes les étapes qui préparent, coordonnent, vérifient
les décisions et les actions d'une organisation. Le processus comprend donc en général
trois phases :
Décision è Action è Résultat
Avant Pendant Après
Ces trois étapes sont repérées par des questions et des tâches précises :
- finalisation : quels objectifs ? quelles ressources ? comment employer au mieux ces
ressources ? comment évaluer les résultats ?
- pilotage : pendant l'action, quelles corrections mettre en place si nécessaire pour réorienter
le déroulement en fonction des finalités choisies ?
- évaluation : quelle mesure des résultats ? quelle efficience ? quelle efficacité ?
Le processus de contrôle touche toutes les décisions et actions d'une entreprise.
Ainsi il est possible d'appliquer ces trois étapes sur les trois niveaux de décision mis en
évidence par I. Ansoff : décision stratégique, décision tactique, décision opérationnelle. On
obtient un processus de contrôle distinct pour chaque niveau de décision ; cette définition
permet de délimiter le contrôle de gestion.
b. Décisions de gestion et niveaux de contrôle
Avec un découpage temporel de la gestion, clair plus que réaliste, il est possible de définir
plusieurs contrôles corrélés à chaque niveau de gestion.
· La gestion stratégique oriente les activités sur le long terme de l'entreprise : à ce niveau,
un contrôle stratégique doit aider les prises de décisions stratégiques par la planification
stratégique, l'intégration de données futures en fonction d'un diagnostic interne et externe.
· La gestion quotidienne ou courante suit les actions de court terme (un an) et très court
terme (moins d'un an) : c'est alors un contrôle d'exécution ou contrôle opérationnel qui
doit permettre de réguler les processus répétitifs (productifs ou administratifs) en vérifiant
que les règles de fonctionnement sont respectées.
Dans cette décomposition du temps, le contrôle de gestion est alors positionné comme
interface entre le contrôle stratégique et le contrôle opérationnel. Il permettrait de réguler sur
le moyen terme en contrôlant la transformation des objectifs de long terme en actions
courantes.
c. La place du contrôle de gestion
Désormais, il est possible d'enrichir les premières définitions du contrôle de gestion :
- le contrôle de gestion doit permettre de gérer au mieux les décisions et les actions de
moyen terme, en général un an ;
- le contrôle de gestion est aussi l'interface entre la stratégie et les actions de routine et doit
assurer la cohérence entre les deux ;
- en tant que processus de contrôle il est possible de préciser, pour les trois étapes, les
tâches du contrôle de gestion :
· la finalisation du contrôle de gestion consiste à planifier les actions (planification
budgétaire) et à établir les rôles des acteurs,
· le pilotage dans le contrôle de gestion consiste à déclencher des actions correctives en
fonction des écarts, des tableaux de bord mis en place,
· l'évaluation dans le contrôle de gestion correspond à la mesure des résultats et de la
performance des actions.
è H. Bouquin propose alors la définition suivante : "Le contrôle de gestion est formé des
processus et des systèmes qui permettent aux dirigeants d'avoir l'assurance que les choix
stratégiques et les actions courantes seront, sont et ont été cohérents, notamment grâce au
contrôle d'exécution." L'idée essentielle à retenir est que le contrôle de gestion est un
système d'information qui s'est construit par étapes, sur l'organisation interne de
l'entreprise. Il s'appuie sur une représentation, une modélisation, à un moment donné, de
l'organisation de l'entreprise.
5. Les sources d'information
a. La comptabilité, matière première essentielle du contrôle de gestion
Le système d'information financier comptable, commun à toute entreprise, est la première
source de données pour mesurer et analyser l'activité économique. Mais la comptabilité
générale n'est pas suffisante pour décomposer les coûts et calculer des rentabilités.
Dès le début du siècle, des ingénieurs et des gestionnaires américains et français (Gantt)
élaborent des méthodes d'analyse des coûts : séparation coût fixe-coût variable, notion de
point mort, imputation rationnelle proposée en France en 1928 par Rimailho.
La comptabilité est donc, jusqu'aux années 70, la source essentielle des analyses menées par
le contrôle de gestion ; d'ailleurs l'organisation du travail fondée sur les principes tayloriens se
retrouve dans ce système d'information comptable et correspond aux objectifs assignés au
contrôle de gestion.
En France, c'est le PCG 1982 qui définit les notions fondamentales de coût et utilise le terme
de "comptabilité analytique" et non "comptabilité de gestion". Le PCG doit permettre une
harmonisation du vocabulaire, des procédures et des analyses.
b. Comptabilité de gestion et comptabilité financière
Si les deux termes existent, la frontière entre ces deux comptabilités n'est pas très nette et les
gestionnaires utilisent les deux conjointement. D'ailleurs la comptabilité financière a besoin
de la comptabilité de gestion pour établir ses résultats.
Les angles d'attaque de ces comptabilités diffèrent par les utilisations de leurs informations ;
en effet, la comptabilité financière est "réservée" à ceux qui financent les activités, les tiers
qui ont besoin d'évaluer la situation de l'entreprise, alors que la comptabilité de gestion est
utilisée par ceux qui gèrent pour aider à positionner l'entreprise par rapport aux concurrents.
Cette dichotomie simple ne reflète pas complètement la réalité car les pratiques conduisent à
utiliser les informations d'où qu'elles viennent pourvu qu'elles soient pertinentes pour les
décisions. Il n'est pas possible de faire un classement des comptabilités selon les utilisateurs
car alors chaque décideur ou responsable, selon sa position et son métier, aurait besoin de son
propre système d'information.
Il est difficile d'élaborer des passerelles entre la comptabilité de gestion et la comptabilité
financière même si la gestion actuelle a besoin de cette association et si des logiciels peuvent
aider à cette intégration.
c. Vers une normalisation internationale
L'internationalisation des marchés et des échanges commerciaux et financiers, la
multiplication des alliances transnationales entre entreprises, nécessitent une homogénéisation
des indicateurs de performance des entreprises.
Au-delà des associations nationales de comptables et de contrôleurs de gestion qui discutent
de leurs problèmes et harmonisent leurs pratiques, des consortiums ou des fédérations
internationales essaient de rassembler ces professions pour élaborer des procédures
communes. Mais les convergences sont difficiles à trouver et l'observation de la réalité fait
apparaître une juxtaposition de référentiels.
Depuis une vingtaine d'années, une institution internationale réfléchit au problème de la
mondialisation des règles comptables.
· En 1973, des associations professionnelles de comptables ont constitué un comité
international pour la normalisation comptable, l'IASC (International Accounting Standards
Comittee), organe privé sans pouvoir institutionnel sur les entreprises.
Pendant une première période, de 1973 à 1995, le comité a essayé d'élaborer des normes
internationales en comparant les normes de chaque pays et en choisissant les plus pertinentes.
Les normes internationales étaient déterminées de telle manière qu'elles soient les plus
cohérentes possibles avec des référentiels nationaux très différents.
L'IASC avait alors un rôle d'harmonisateur pour des pratiques financières transnationales
(fusions, consolidations, achats) sans pour autant avoir un quelconque pouvoir de contrainte
sur les entreprises pour leur adoption.
Le comité a ainsi édicté trente-deux normes comptables internationales (IAS, International
Accounting Standard).
· En 1995, l'IASC a conclu un accord avec un organisme regroupant les commissions de
bourse (IOSCO) pour proposer une panoplie complète de normes permettant aux
entreprises de se faire coter à l'étranger avec les mêmes états financiers.
Ainsi, l'IASC n'est plus seulement un harmonisateur mais devient un concepteur de normes ex
nihilo sans référence à une pratique déjà existante dans un pays.
Mais l'IASC n'est pas le seul organe de réflexion et des divergences, des rapports de force
apparaissent.
Ainsi le Financial Accounting Standards Board (FASB), comité américain travaillant
davantage sur la finance, a émis des normes moins strictes que l'IASC dans le domaine des
dépréciations d'actifs, favorisant éventuellement des entreprises qui souhaiteraient se
présenter sur des marchés boursiers américains.
De même, le SEC (Securities and Exchange Commission), organe très puissant de la bourse
américaine, essaie d'influencer les orientations de l'IASC pour maintenir sa suprématie.
Ainsi en 1998, il existe deux référentiels adaptés aux firmes transnationales : le premier est
américain et le deuxième est celui de l'IASC ; les entreprises hésitent parfois à opter pour les
normes IASC car elles craignent des difficultés pour pénétrer le marché américain.
La tendance d'un rapprochement des référentiels nationaux vers une norme internationale
semble inéluctable : sinon comment lire et comparer des bilans de sociétés de nationalité
différente ? La convergence apparaîtra certainement dans quelques années.
Le contrôle de gestion est dépendant de tendances d'harmonisation internationale car il utilise
des données comptables et financières issues des systèmes comptables imposés, mais les
démarches et les techniques du contrôle de gestion ne sont pas soumises à des normalisations
européennes ou internationales ; chaque entreprise élabore ses systèmes de prévisions, de
contrôle, ses tableaux de bord "sur mesure" en fonction de ses besoins.
De la même façon que les entreprises ont évolué avec le contexte et l'environnement
économique, le contrôle de gestion, sa place, son organisation se sont adaptés aux différentes
structures d'entreprise.
II- Organisation du contrôle de gestion : généralités
Dans cette seconde partie, nous allons tenter de définir quelle est la place et le rôle du
contrôleur de gestion dans l’organisation ou la PME. Plus précisément, l’étude portera dans
un premier temps sur la structure organisationnelle propre à chaque type d’entreprise, puis,
dans un deuxième temps, nous élaborerons les différents organigrammes possibles.
1. La structure organisationnelle
Les organisations offrent une grande diversité de structures en même temps qu’une stabilité et
une efficacité très différentes. Depuis le début du siècle, chercheurs et praticiens ont tenté
d’expliquer les causes profondes de ces différences. Leurs réponses, très variées, peuvent être
appréhendées au travers de l’examen d’écoles, de doctrines qui caractérisent les tendances
dominantes de certaines approches.
Du foisonnement de ces théories, Henry Mintzberg, professeur de management à l’université
McGill de Montréal, a tiré une synthèse particulièrement intéressante. Dans son célèbre
ouvrage Structure et dynamique des organisations, il définit la structure d’une organisation
comme "la somme totale des moyens employés pour diviser le travail entre tâches distinctes
pour ensuite assurer la coordination nécessaire entre ces tâches".
D’après Mintzberg, les organisations sont composées de cinq éléments de base :
· le centre opérationnel : il rassemble les membres de l’organisation (opérateurs) dont le
travail est directement lié à la production des biens et des services. Il procure les entrées
nécessaires à la production, fabrique et distribue les produits, assure la maintenance.
· le sommet stratégique : sa fonction est de faire en sorte que l’organisation remplisse sa
mission de façon efficace et qu’elle serve les besoins de ceux qui la contrôlent ou qui ont
sur elle du pouvoir (propriétaires, administrations…). Il exerce des fonctions de
supervision directe : allocation des ressources, règlement des conflits, contrôle, diffusion
de l’information, leadership. Il est également chargé de la gestion des conditions de
frontière de l’organisation et de ses relations avec l’environnement(contacts à haut niveau,
négociation…). Enfin, il doit développer la stratégie de l’organisation.
· la ligne hiérarchique : c’est la ligne d'autorité, composée de cadres, contremaîtres, etc., qui
joint le sommet stratégique au centre opérationnel. Chaque membre de la chaîne
hiérarchique accomplit, à son niveau, le travail du sommet hiérarchique.
· la technostructure : elle est composée d’analystes, chargés de la conception et de
l’adaptation de la structure, qui agissent sur le flux de travail par le biais de la
standardisation.
· les unités fonctionnelles logistiques : il s’agit des unités qui ont une fonction particulière à
remplir : recherche, contentieux, relations publiques, etc. Elles interviennent indirectement
dans le flux de travail.
Le contrôleur de gestion trouve sa place dans la technostructure : il aide la ligne hiérarchique
et le centre opérationnel, et a une influence sur la façon dont les autres travaillent.
A partir de son étude, Mintzberg déduit qu’il existe cinq formes de configurations
structurelles parmi lesquelles on peut classer toutes les organisations. Chaque forme se
distingue des autres par le type de contexte dans lequel elle est envisageable, mais aussi par
des différences fondamentales dans le style de contrôle qui s’y exerce et dans la nature et la
localisation des pouvoirs des cinq catégories d’acteurs.
a. La structure simple
La structure simple (PME en râteau) : elle concentre les pouvoirs au sommet, repose sur une
faible formalisation des procédures, laisse peu de place au contrôle de gestion. En effet, le
contrôle de gestion est ici un outil de gestion prévisionnel et le contrôleur, quand il existe, est
polyvalent.
b. La bureaucratie mécaniste
La bureaucratie mécaniste (administration, entreprises publiques caricaturales) : elle s’adapte
bien à un environnement simple et stable, elle comporte un poids important de règles de
normalisation des tâches adaptées à la production de masse. Le contrôleur de gestion a un rôle
de gestion prévisionnelle, notamment vers les fonctionnels, qui est marginalisé et
technocratique.
c. La bureaucratie professionnelle
La bureaucratie professionnelle (hôpital, université) : elle laisse une place beaucoup plus
faible au contrôle d’exécution au profit d’un contrôle de gestion orienté vers les résultats. On
la rencontre dans les environnements stables mais complexes (expertise-comptable) où il faut
déléguer les opérations à un personnel qualifié capable de prendre en charge de façon
autonome tous les éléments d’une situation, guidé par des obligations de résultats que la
stabilité de l’environnement permet de décrire de manière précise sur un horizon à court
terme.
Le contrôleur de gestion y rencontre un problème de légitimité, de compréhension mutuelle.
Mais sa situation dépend de la répartition du pouvoir entre les opérationnels et les
fonctionnels administratifs, et de son talent pour faire comprendre les processus transversaux.
d. La structure divisionnelle
La structure divisionnelle (grandes entreprises diversifiées) : elle s’adapte à un environnement
relativement simple et stable. Le contrôleur de gestion y a un rôle fondamental : cette
structure repose sur la délégation en objectifs-moyens que permet le processus de contrôle de
gestion, "inventé" dans sa forme actuelle en même temps que la structure par produits et
marchés (Alfred Sloan, Donaldson Brown, Pierre Du Pont, Pennsylvania Railways au milieu
du XIXè, selon la description de A.D. Chandler).
e. L'adhocratie
L’adhocratie (gestion par projets) : sa fluidité n’y circonscrit pas une structure de pouvoir
stable. Le jeu interpersonnel du pouvoir s’y exerce pleinement alors que dans les autres
configurations le pouvoir est plus ou moins concentré. C’est une des raisons pour lesquelles P.
Drucker parle de "structure systémique" à son propos.
Le contrôleur de gestion y a un rôle fondamental de délégation et suivi dans les projets. Mais
il a des concurrents pour la coordination, surtout si le contrôle est très comptable et que le
contrôleur s’isole.
2. Un positionnement hiérarchique adapté
Le contrôleur de gestion est le navigateur de l’entreprise. Il connaît le but (qu’il a aidé à
définir) et les plans d’actions qui permettront de l’atteindre. Il suit en permanence la marche
réelle de l’entreprise et avise les responsables des écarts avec la route prévue afin que ceux-ci
puissent prendre à temps les mesures correctives nécessaires.
Il est à la fois :
- le conseiller économique de l’entreprise (c’est-à-dire de tous les responsables, et pas
seulement du directeur général) ;
- le "mécanicien" du système budgétaire (c’est-à-dire celui qui conçoit, anime et
entretient le système) ;
- l’"animateur" du système de contrôle de gestion.
Alors quel positionnement au sein de la structure ?
Le contrôleur de gestion se trouve placé le plus souvent en position "fonctionnelle", et est
rattaché directement au directeur général, au directeur financier ou à un autre positionnement.
a. Rattachement au directeur général
C’est la meilleure solution :
· la légitimité du contrôleur de gestion qui ne dispose pas de pouvoir hiérarchique est
renforcée par ce bon positionnement. Ce dernier se justifie également par l’étendue du
terrain d’action : stratégie, contractualisation, exploitation.
· les préoccupations du contrôleur de gestion sont également plus larges que celles du
directeur administratif et financier.
b. Rattachement au directeur financier
Cette solution présente plusieurs inconvénients :
- le directeur financier peut constituer un "écran" plus ou moins opaque entre le directeur
général et le contrôleur de gestion ;
- le contrôleur de gestion porte l’étiquette "direction financière" qui peut rendre plus difficile
ses rapports avec les opérationnels eux-mêmes et leurs responsables, car il sera à la fois juge
et partie ;
- les sources d’information seront prioritairement de nature économique et financière au
détriment de données opérationnelles (volume, qualité, délai).
c. Autre positionnement
Certaines organisations ont placé la fonction au même niveau que les principaux responsables
de l’entreprise, ce qui peut faciliter les communications.
Rattachement au Directeur Général
Dans les PME, le contrôleur de gestion est souvent confondu avec le directeur administratif et
financier ou avec le secrétaire général. Il occupe alors une position hiérarchique sans que cela
présente les mêmes inconvénients que dans une grande entreprise.
Enfin, dans une structure par divisions ou centres de profit, le contrôleur de gestion peut être
décentralisé : le contrôleur de gestion de la division est rattaché hiérarchiquement au
responsable de la division et fonctionnellement au contrôleur de gestion central.
Quoi qu’il en soit, il est impératif qu’il soit le plus "terrain" possible. Passer plus de 20 % de
son temps dans un bureau est déjà beaucoup. N’oublions pas que son champ d'action s’étend
de la direction générale aux opérationnels. Ce n’est qu’à l’écoute active du terrain qu’il pourra
remplir efficacement sa mission.
d. La problématique du positionnement
La question du positionnement "idéal" revient régulièrement. Les échanges qui en découlent
font apparaître que, quel que soit le type de rattachement (même celui au directeur général),
les insatisfactions demeurent nombreuses.
En fait, derrière cette question se pose celle du pouvoir et du rapport de force au sein de
l’entreprise. Ce rapport se compose d’un certain nombre d’éléments :
- autorité
- image
- influence
- sanction
- information
- temps.
C’est ce que l’on appelle également les curseurs du pouvoir. Au-delà de son rattachement, les
véritables questions sont au nombre de trois :
- comment se positionne chacun des curseurs à l’égard de la direction générale ?
- comment se positionne chacun des curseurs à l’égard des opérationnels ?
- quels sont les leviers dont le contrôleur de gestion dispose pour rééquilibrer voire inverser le
rapport de force en sa faveur ?
En effet, aucun rattachement ne contribue jamais, pour des raisons tant liées à l’organisation
qu’à lui-même, à positionner tous ces curseurs de son côté. Cela tient au fait qu’en matière de
pouvoir, il existe trois composantes :
- les curseurs qui représentent le pouvoir intrinsèque résultant de son positionnement ;
- la volonté à utiliser ce pouvoir. Cela dépend des enjeux stratégiques et financiers des
missions que le contrôleur de gestion conduit ;
- la capacité personnelle à l'exercer. Celle-ci est fortement conditionnée par son expertise, sa
capacité à persuader, à oser et à entreprendre.
Nous allons à présent confronter la théorie à la pratique à travers l'analyse de trois entreprises
présentant des organisations différentes en ce qui concerne le contrôle de gestion.
III- Organisation du contrôle de gestion : pratique
1. Questionnaire type sur l’organisation du travail du contrôle de gestion
Ce questionnaire a été utilisé lors des entretiens avec les contrôleurs de gestion des trois
entreprises.
I/ Présentation générale de l’entreprise
II/ Présentation de l’organisation du travail du contrôle de gestion
1) Quel statut avez-vous dans l’entreprise ?
2) Quel est votre rôle en tant que contrôleur de gestion dans l’organisation ?
3) Comment définissez-vous la fonction du contrôleur de gestion : plutôt "bureau" ou plutôt
"terrain" ?
4) Quelles sont :
- vos tâches ?
- vos objectifs ?
Existe-il un travail quotidien répétitif ?
Quelles sont les échéances à respecter ?
5) Quel rôle jouez-vous entre les différents services ?
6) Quelle est votre position dans l’organigramme ?
7) Votre service est-il indépendant ou est-il rattaché à un autre service (comme le service
financier par exemple, etc.) ?
Cela pose-t-il problème ?
8) Quels sont les facteurs qui déterminent telle ou telle organisation ?
9) Comment fonctionne le service de contrôle de gestion en interne ?
III/ Conséquences de l’organisation de l'entreprise
1) Quels sont les avantages et les inconvénients de votre position ?
2) Quel est votre rôle dans la stratégie de l’entreprise ?
3) Quel est votre pouvoir dans l’organisation de l’entreprise ?
4) Comment les autres acteurs vous perçoivent-ils ?
IV/ Point de vue personnel du contrôleur de gestion
1) Si vous en aviez le pouvoir, changeriez-vous l’organisation du contrôle de gestion ?
2) Selon vous, le contrôle de gestion est-il à sa véritable place dans cette organisation ?
2. L’organisation du travail du contrôle de gestion dans une PME
I/ Présentation de l'entreprise
Il s’agit d’une banque de dépôt classique dont l'activité est répartie sur huit agences. Son
activité peut être décomposée de la façon suivante :
- 20% pour le réseau d’agences (activité domestique) ;
- 80% pour la salle des marchés.
Tout d'abord, cette banque contribue au financement de l’économie du Portugal par l'accord
de crédits aux entreprises portugaises. D'un point de vue fiscal il est en effet plus intéressant
pour ces entreprises de se financer à l’étranger. Ensuite, 50% du portefeuille d'activité de la
banque concerne des entreprises nord-américaines.
En outre, cette entreprise emploie 150 à 160 salariés en France.
II/ Présentation de l'organisation du travail du contrôle de gestion
Au sein de cette entreprise, le contrôle de gestion dépend de la direction financière. Il n’est
pas rattaché à la comptabilité qui constitue un service à part.
· Les missions du contrôle de gestion
Dans le cas présent, le contrôle de gestion possède une fonction de production des états de
synthèse quotidiens ou mensuels. De plus, il effectue le contrôle de l’activité et affine les
documents comptables. Il est également en charge de la réalisation d'une étude de rentabilité
lors du lancement d’un nouveau produit. Enfin, il donne une explication dynamique des
chiffres comptables.
· Les fonctions du contrôleur de gestion
Dans cette entreprise, le contrôleur de gestion effectue plutôt un travail administratif. En effet,
il établit des plans budgétaires : ceux-ci sont réalisés en fonction des directives générales à 2-3
ans. Selon des taux préétablis, il détermine un compte d’exploitation prévisionnel. Ainsi, le
responsable d'agence peut comparer les chiffres réalisés aux prévisions. Il doit également
réaliser le budget, son suivi, et discuter avec les responsables des écarts constatés.
Il doit donc :
- analyser les nouveaux produits à mettre en place ;
- établir le budget et le suivre ;
- réaliser des tableaux de synthèse.
Il est impératif d'obtenir une certaine cohérence entre les prévisions et les résultats définitifs.
Si cela est nécessaire, il faut procéder à des ajustements.
Enfin, le contrôleur de gestion diffuse l’information aux responsables pour juger de la
réalisation de leurs objectifs : il est un fournisseur d’informations motivantes.
· Le rôle du contrôle de gestion
A la différence de la comptabilité qui a pour rôle de constater, le contrôle gestion explique.
III/ Conséquences de l’organisation de l'entreprise
· Le pouvoir du contrôle de gestion dans l’organisation
Le contrôleur de gestion participe à l’élaboration du plan à court et moyen terme. Il prend part
aux discussions. C’est pourquoi il possède une influence "théorique" grâce au dialogue. Il
travaille également avec le service organisationnel pour la mise en place des procédures et
doit lui faire part des dysfonctionnements.
· Les avantages et les inconvénients de l’organisation
La situation du contrôleur de gestion lui permet de suivre de près l’activité de l’entreprise
(vision dynamique). Cependant, il rencontre des difficultés avec les centres productifs : ceuxci
comprennent difficilement comment sont "bâtis" les chiffres car ils n’en ont pas la même
vision. Il s’agit avant tout d’un problème relationnel entre les opérationnels et les
fonctionnels, souvent rencontré dans les grands groupes, mais également dans les PME.
IV/ Point de vue personnel du contrôleur de gestion
Le contrôleur de gestion que nous avons rencontré n'estime pas qu'un changement
d’organisation soit nécessaire. Cependant, il pense que l’organisation n’est pas quelque chose
de figé et qu’il faut toujours s’adapter aux nouveaux produits et à la réglementation. Il estime
également que le contrôle de gestion est à sa place dans cette organisation et ce,
vraisemblablement, du fait de la proximité des services dans une PME.
3. L’organisation du travail du contrôle de gestion dans un groupe
a. Merck Eurolab S.A.
I/ Présentation de l'entreprise
L’entreprise MERCK a été créée en 1668. Elle est aujourd’hui présente dans 45 pays à travers
le monde et emploie près de 28.000 personnes. MERCK est reconnu dans le monde entier en
tant que fabriquant et fournisseur de produits chimiques et pharmaceutiques de qualité. En
1999, le groupe MERCK EUROLAB S.A. a été créé suite à la fusion de la société PROLABO
et de sa filiale COFROLAB, toutes deux filiales à 100% du groupe MERCK.
L’activité est centrée principalement sur le marché européen, qui représente, à lui seul, 70%
des transactions. Mais le groupe MERCK EUROLAB est également présent sur les autres
grands marchés : les USA, l’Asie du sud-est et l’Amérique Latine.
II/ Présentation de l'organisation du travail du contrôle de gestion
Au sein du groupe MERCK EUROLAB, le service du contrôle de gestion dépend du service
financier pour des raisons économiques consécutives aux différentes fusions. Avant cette
situation, le service du contrôle de gestion dépendait de la direction générale.
· Les missions du contrôle de gestion
Dans cette entreprise, le contrôleur de gestion :
- pilote et contrôle de manière permanente les objectifs acceptés pour l’année : gère des
centres de profit en baissant les coûts pour obtenir des centres de profits rentables ;
- fournit à la direction les renseignements nécessaires pour éclairer son action (analyses
ponctuelles ou reporting) ;
- pilote l’établissement des budgets internes et externes ;
- révise les budgets deux fois par an ;
- élabore les tableaux de bord pour contrôler la performance des activités ;
- assure les travaux de clôture mensuels et annuels ;
- établit les comptes de résultats mensuels ;
- surveille les prix standard (détermine et contrôle les coûts standard de production) ;
- assure le reporting interne et externe (chiffre d’affaires, marges, résultats, effectifs,
investissements) ;
- met en place les procédures de gestion (stocks, cut off…).
· Le rôle du contrôle de gestion
Le rôle du contrôle de gestion est d'aider et de conseiller les opérationnels et les managers.
· Les qualités du contrôleur de gestion
Il doit, avant tout, être un excellent technicien. Il doit avoir le sens du relationnel et de la
négociation, afin de pouvoir accéder à tous les métiers de l’entreprise et de pouvoir "jongler"
entre les opérationnels et la direction. Enfin il doit savoir être à l’écoute.
Au sein du groupe MERCK, le contrôleur de gestion est une personne de terrain puisqu'elle va
se déplacer dans toute la France afin de mieux comprendre les problèmes rencontrés par les
opérationnels dans les différentes usines et, ainsi, mieux les conseiller.
III/ Conséquences de l’organisation de l'entreprise
· Le pouvoir du contrôle de gestion dans l’organisation
Au sein du groupe MERCK, le contrôle de gestion est un service décisionnel et influent. Par
exemple, les contrôleurs de gestion peuvent décider de continuer ou non une activité, car ils
sont les mieux placés pour déterminer si cette activité sera profitable à l’entreprise.
· Les liens avec les autres services
Comme on a pu le constater ci-dessus, le contrôle de gestion est surtout en rapport avec le
service financier. Leur lien le plus important se situe au niveau de la mise au point sur
l’exactitude des comptes. En effet, les deux services doivent obtenir les mêmes résultats. On
peut également décrire leur lien de la manière suivante : la finance est un outil pour le
contrôle de gestion.
De manière générale, le service du contrôle de gestion entretient de bonnes relations avec les
autres services. Il existe cependant quelques tensions avec certaines fonctions : par exemple,
lorsque l'entreprise rencontre certaines difficultés avec les centres de profits, c'est au service
du contrôle de gestion qu'il appartient de trouver les responsables et celui-ci recouvre alors
l'image d'un "père fouettard". Mais les relations les plus difficiles sont celles entretenues avec
le service financier.
· La vision des autres acteurs sur le contrôle de gestion
Les autres acteurs de l'entreprise estiment que les contrôleurs de gestion sont "doués" pour les
chiffres mais qu’ils sont "mauvais" pour les conseils.
IV/ Point de vue personnel du contrôleur de gestion
Le contrôleur de gestion que nous avons rencontré pense que l’organisation était meilleure
lorsque son service était rattaché à la direction générale plutôt qu'à la direction financière : le
soutien était plus fort, le contrôle de gestion était plus libre et il était enfin plus crédible.
b. Lucent Technologies
I/ Présentation de l'entreprise
Lucent Technologies est un groupe américain composé de différentes filiales réparties par
zones géographiques. En ce qui concerne le site du Plessis-Robinson, celui-ci fait partie de la
zone Middle-est - Afrique et emploie 700 salariés.
Lucent est un des leaders mondiaux sur le marché des solutions de télécommunication : il
offre aux opérateurs et aux grandes entreprises un large éventail de produits.
Le groupe se concentre sur les secteurs stratégiques à forte croissance tels que les réseaux
optiques et mobiles, les infrastructures Internet, les logiciels de communication et les services
de conseil pour opérateurs et grandes entreprises.
Lucent est une entreprise d'envergure mondiale : en janvier 2001, elle comptait plus de
120.000 collaborateurs avec des entités ou des distributeurs dans plus de 65 pays. Son siège
est situé à Murray Hill dans le New Jersey aux USA.
II/ Présentation de l'organisation du travail du contrôle de gestion
· Les missions du contrôle de gestion
Contrairement à la finance, qui travaille essentiellement pour l’extérieur, le contrôle de
gestion ne travaille que pour l’entreprise elle-même (en interne) et est centré sur l’activité
commerciale. Il est possible de lui définir trois rôles principaux :
- définition des objectifs quantitatifs des commerciaux en fonction des opportunités de
l'environnement, du marché ;
- établissement des prévisions liées à la prospection ;
- mesure des écarts entre prévisions et réalisations.
En conséquence, le travail du contrôleur de gestion au sein de Lucent Technologies est plutôt
"bureau". Le contrôleur de gestion travaille au jour le jour : les reportings sont journaliers
contrairement à ce qui se pratique généralement (reporting mensuel), ce qui en fait un travail
quotidien obligatoire répétitif.
· Les liens avec les autres services de l’organisation
Le contrôle de gestion doit faire remonter le plus d’informations possibles à la direction
générale. En fonction des résultats, cette dernière met ensuite la pression sur l’équipe
commerciale.
Toutes les données comptables concernant les commerciaux sont transférées par le service de
la comptabilité au service du contrôle de gestion afin que celui-ci procède à des vérifications.
De plus, le service du contrôle de gestion informe régulièrement la comptabilité afin qu'elle
relance les mauvais payeurs.
· La position du contrôle de gestion dans l’organisation
Il s’agit d’une structure pyramidale où la direction générale, orientée plutôt commerciale, se
distingue de la direction comptable. Ces deux sous-ensembles ne sont pas responsables l’un
de l’autre mais collaborent comme nous avons pu le constater ci-dessus.
III/ Conséquences de l’organisation de l'entreprise
· Le pouvoir du contrôle de gestion dans l’organisation
Le contrôle de gestion n’a aucune influence sur les décisions stratégiques et
organisationnelles. Les décisions stratégiques sont prises au niveau international puis
appliquées au niveau local par les différentes directions générales nationales.
· Les relations avec les autres services
Étant donné que le service du contrôle de gestion n'influence pas les décisions qui sont prises,
ce dernier n’entretient pas de relations conflictuelles avec les autres services. Cela signifie
également que son image est bonne au sein de l’entreprise. Les relations entre responsables de
services sont saines puisque l’information circule avec fluidité et efficacité avant de parvenir à
la direction.
IV/ Point de vue personnel du contrôleur de gestion
Le problème rencontré dans l’organisation est le suivant : les responsabilités ne sont pas
clairement définies, excepté à très haut niveau. En conséquence, tout le monde a tendance à se
"renvoyer la balle" et on constate donc une perte de temps effective.
De plus, le contrôle de gestion n’a pas sa véritable place dans l’organisation puisque Lucent
Technologies n’a pas d’activité de production mais uniquement une activité de distribution.
Par conséquent, le contrôle de gestion n’a pas pour rôle de gérer les coûts de production alors
que cette mission constitue son métier de base. Au sein de cette entreprise, le contrôle de
gestion perd donc de sa valeur : il en découle une certaine marginalisation par rapport à la
conception de la stratégie.
4. Conclusion
L'aspect dominant qui ressort de ces entretiens est que chaque société, PME ou groupe,
possède et utilise son propre contrôle de gestion. En effet, chaque entreprise définit son
contrôle de gestion en fonction de son activité (industrielle ou commerciale) et de ses
objectifs. C’est pourquoi, en pratique, il n’existe pas un type d’organisation du travail du
contrôle de gestion, mais de multiples types, tous adaptés aux spécificités des entreprises au
sein desquelles ils évoluent.
L'internationalisation de l'économie a vu naître des groupes d'envergure mondiale et la
multiplication de l'implantation de filiales à l'étranger. C'est pourquoi il est intéressant
d'aborder à présent l'aspect spécifique des groupes et l'organisation du contrôle de gestion
dans les filiales à l'étranger.
IV- Les groupes internationaux : le contrôle de gestion des filiales à
l’étranger
Plus le développement international prend de l’ampleur, plus le contrôle de gestion doit être
organisé, pensé et adapté en fonction du marché et de la stratégie de l’entreprise. La
complexité et la "sophistication" doivent être évitées. Une direction générale attend d’abord
du contrôle de gestion la fourniture d’éléments de décision dans des délais de plus en plus
courts. Les structures doivent être légères, flexibles et dotées d’outils simples mais souvent
remis à jour.
Dans cette recherche de rapidité et d'efficacité de transmission des informations, le contrôle
de gestion doit traiter des informations pertinentes, claires et adaptées à un coût acceptable.
Tout système ne fonctionne que si les hommes sont compétents et bien préparés.
Beaucoup d’entreprises suivent encore leur activité à travers des "reportings" d’origine
essentiellement comptable (tendance renforcée par la contrainte de publication trimestrielle
des résultats aux USA. Les directives européennes vont d’ailleurs dans le même sens). Entre
des entreprises où les produits et les stratégies se ressemblent de plus en plus, avec des cycles
de vie des produits de plus en plus rapides, c’est la disposition et l’utilisation correcte de
l’information qui souvent fera la différence (c’est un avantage concurrentiel). Mais gérer une
telle mission sur une base internationale va exiger une organisation et une discipline
rigoureuse si l’on veut recueillir, sélectionner, traiter, diffuser l’information de façon efficace.
Pour cela, il est nécessaire au préalable de créer des éléments de cohérence par des règles de
procédure communes, servant pour le reporting, les tableaux de bord, la gestion logistique, la
planification...
Dans un groupe multinational, le système de contrôle de gestion doit faire en sorte que :
- la société mère puisse apprécier les performances de ses filiales et analyser leur
évolution ;
- les directeurs de filiales se fixent et atteignent des objectifs conformes à l’intérêt du
groupe;
- l’autonomie consentie à la filiale soit compatible avec le besoin de contrôle de la
société mère.
A priori, le problème posé par la mise en oeuvre d’un tel système n’est pas fondamentalement
différent de celui auquel se trouve confrontée une grande firme purement nationale, structurée
en divisions ou en unités juridiquement indépendantes. Mais dans un groupe multinational, la
distance géographique, économique et culturelle entre la filiale et la société mère le rend
beaucoup plus ardu et en change même la nature.
Par rapport au contrôle de divisions ou de filiales nationales, deux séries de difficultés
apparaissent :
- des obstacles d’ordre économique ou comptable qui rendent difficile la mesure de la
performance de la filiale ;
- des obstacles d’ordre organisationnel ou stratégique qui nuisent au bon déroulement
du contrôle et contribuent à entretenir une zone de flou dans le fonctionnement du
système.
Afin de rester fidèle à notre sujet nous traiterons uniquement des obstacles d’ordre
organisationnel.
Tout d’abord, attardons-nous, dans une première partie, sur les "modalités du contrôle de
gestion au sein d’un groupe international".
1. Les caractéristiques du système de contrôle de gestion au sein d'un groupe
international
Le système de contrôle d’un groupe multinational présente habituellement les caractéristiques
suivantes :
a. Un budget d’investissement non délégué
Le choix des investissements constitue une sorte de contrôle ultime sur les activités d’une
unité à l’étranger et, en tant que tel, il est presque toujours le domaine réservé de la maisonmère.
En conséquence, les filiales étrangères seront, non des centres d’investissement, mais
des centres de profit.
b. Une procédure d’élaboration des budgets rigoureusement définie mais pouvant
relever d’une approche "autonomiste" ou "intégratrice"
La coordination et l’homogénéité des prévisions budgétaires sont généralement assurées par
un épais manuel de procédures. Ce document, source de lourdeurs dans le fonctionnement du
système, contraint les acteurs à utiliser un mode de raisonnement commun et à présenter le
fruit de leur réflexion sur des formulaires standard. Toutefois, selon la culture du groupe, la
procédure de détermination des budgets peut suivre une logique d’intégration ou de laisserfaire.
· L’approche "intégratrice"
Le responsable de division expose aux responsables de zone, les objectifs à suivre en matière
de politique de produits. Sur cette base, les responsables de zone établissent, pour chaque
filiale, une note d’orientation qui fixe les objectifs et les performances à atteindre selon les
caractéristiques du pays d’implantation. Partant de ces indications, le directeur de filiale
propose un plan d’action, un budget correspondant et un programme d’investissements. Une
négociation s’engage alors avec les supérieurs hiérarchiques et les contrôleurs de gestion sur
le bien fondé des propositions. Si celles-ci sont acceptées, la prévision devient l’objectif du
responsable de filiale, l’acceptation du programme d’investissements n’étant toutefois
définitive que lorsque la maison mère a donné son accord.
Cette méthode est préférable lorsque les besoins de coordination des activités sont grands
(l’interdépendance des capacités de production est mieux prise en compte). Elle accélère
l’élaboration des budgets (évite des navettes inutiles). D’emblée, les responsables de filiale se
fixent des objectifs compatibles avec ceux du groupe. Cette méthode facilite également la
prise en compte de toutes les contraintes qui dépassent le cadre étroit de la filiale (concurrence
internationale...).
La contrepartie est qu’elle peut conduire à des prévisions moins fiables localement et qu’elle
laisse peu d’initiatives aux responsables de filiale et devient source de démotivation.
· L’approche "autonomiste"
Ce système se caractérise par une variété de procédures selon les types de filiales, ce qui
permet de bien appréhender les spécificités des différentes situations. Les budgets sont établis
dans la monnaie, la langue et les normes locales et ne font pas l’objet de consolidation. Ils
sont certes approuvés par la maison-mère, mais il s’agit le plus souvent d’un acte formel, car
le siège fait confiance aux filiales.
Pour construire le budget du groupe, la maison-mère demandera aux unités de lui fournir des
données déterminées par grandes masses (en respectant le manuel des procédures) ou
exprimées de façon plus ou moins qualitative.
Cette approche nécessite plus de temps et d’échanges d’informations entre les parties, puisque
le projet d’ensemble et les prévisions établies localement ne seront rendus compatibles qu’ex
post. Mais, en laissant plus d’initiatives aux unités, elle est habituellement plus motivante.
· Un système de reporting complexe
Le système de reporting est un élément clé du système d’information de gestion. Il assure la
remontée de l’information, depuis les unités élémentaires jusqu’au sommet du groupe. Grâce
à lui, les responsables de tous niveaux ont connaissance des résultats et peuvent entreprendre
la mise en oeuvre d’actions correctives ou les suggérer simplement. Il fournit également les
données nécessaires aux besoins locaux des filiales (détermination de l’impôt, dossier de
crédit...) et à l’établissement des comptes consolidés du groupe.
Le fait de répondre à des missions aussi diverses entraîne cependant des difficultés. Selon les
préoccupations, la nature des informations à transmettre (leur fréquence d’émission) n’est pas
forcément la même. La consolidation demande une homogénéisation préalable des procédures
comptables. L’obtention des résultats par filiale, par secteur d’activité ou par zone
géographique est souvent peu commode, car les structures juridiques du groupe ne coïncident
pas avec ses structures de gestion. Un travail important de retraitement et de mise en forme de
l’information s’avère donc nécessaire.
Aussi, abordons désormais le problème des obstacles au fonctionnement d’un système de
contrôle de gestion à l’international.
2. Les obstacles au fonctionnement d’un système de contrôle de gestion à l’international
Le contrôle de gestion des filiales à l’étranger bute, entre autres, sur deux difficultés :
- la distance (géographique, économique et culturelle) existant entre la maison-mère et ses
filiales, qui rend toute gestion prévisionnelle à la fois plus indispensable et plus délicate à
mettre en oeuvre ;
- l’incompatibilité qu’il peut y avoir entre la construction d’un système efficace de contrôle
de gestion et la volonté de réaliser des arbitrages financiers ou commerciaux que
l’environnement international rend possible.
a. Les inconvénients de la distance
La distance entre la filiale et la société mère pousse à la décentralisation, à l’autonomie des
filiales, mais elle tend aussi à diminuer l’efficacité du contrôle au niveau de l’ensemble du
groupe.
Lorsque le contrôle s’effectue par le biais d’un système budgétaire, les différences culturelles
de pays à pays risquent de rendre inopérantes les observations de la société mère aux
propositions budgétaires de la filiale. Cette dernière est en effet en mesure de se retrancher
derrière des particularités locales pour négocier un budget trop facile à respecter, ou justifier
en fin d’année des écarts négatifs par rapport à celui-ci. Les dirigeants de la maison-mère
peuvent ne pas être en mesure d’apprécier la valeur des arguments avancés.
Dans un groupe purement national, les dirigeants de la société mère ont une connaissance
profonde et intuitive de l’environnement économique, puisqu’ils y vivent depuis toujours.
Toute assertion pourra être appréciée et toute explication évaluée.
Cette connaissance profonde et intuitive n’existe pas pour des filiales à l’étranger. Ici, le
spécialiste est le directeur de la filiale : c’est lui qui connaît mieux que quiconque
l’environnement local, qu’il soit originaire du pays ou envoyé par la maison-mère. Personne
dans la société mère n’est vraiment en mesure de contester ce qu’il affirme.
La distance constitue donc un obstacle au contrôle de la maison-mère, et cette situation est
d’autant plus critique que le nombre de pays d’implantation est grand et que ces pays sont
hétérogènes, tant au niveau de leur développement économique, de leur culture ou de leur
système politique, administratif et social.
b. Quelques solutions
a) La mise en place de directions régionales
La création de directions régionales, chargées du contrôle des filiales situées dans une zone
géographique donnée, présente les avantages suivants :
- elle réduit la distance entre l’unité contrôlée et le centre de contrôle ;
- elle permet une meilleure connaissance des particularités locales et une meilleure
coordination de l’action des filiales qui dépendent d’une même zone.
Mais il arrive aussi que la création d’une zone géographique ne fasse que déplacer le
problème de la communication à un échelon plus élevé. La direction régionale peut faire écran
entre les filiales étrangères et la maison-mère, accroître les distorsions dans les messages
transmis.
b) Une bonne politique des ressources humaines
Un système de contrôle de gestion efficace nécessite une bonne circulation de l’information
donc une communication fluide. Cela entraîne une bonne gestion de la mobilité du personnel
dirigeant.
Une des solutions consiste à gérer les filiales avec des cadres locaux et à employer, au niveau
de la société mère, des spécialistes de zone géographique qui seront capables de communiquer
avec les cadres des filiales.
Une autre solution consiste à employer des cadres étrangers ou des cadres du pays de la
société mère ayant une expérience internationale. Dans la filiale, les cadres seraient
principalement du pays de la filiale mais auraient l’expérience de la société mère.
c. L’existence d’arbitrages internationaux
Dans le domaine financier, la scène internationale permet une plus grande variété des sources
de financement, un plus grand éventail de placements possibles, une multiplicité des
monnaies utilisables, une multiplicité des structures légales utilisables et des différences
fiscales de pays à pays. Cela implique d’une part, une certaine centralisation, contradictoire
avec l’autonomie de la filiale, et d’autre part une modulation des profits au moyen de prix de
cessions internes trop élevés ou trop bas, de prêts interfiliales à des taux d’intérêt très bas ou
très élevés, de facturations de prestations de services à des prix excessifs ou trop faibles,
d’arrêtés de compte à des dates différentes, toute chose qui introduit de l’arbitraire dans la
mesure de la performance des filiales.
3. Une solution de synthèse aux problèmes rencontrés : le système unifié d’information
de groupe (SUIG)
a. Principe
Il s’agit d’un système unique qui répond aux besoins d’information dans les domaines de la
comptabilité, du contrôle de gestion et de la trésorerie, et qui assure la cohérence des données
remontées des différentes filiales pour les trois domaines précités.
L’unification n’est souhaitable que si les trois domaines ont des préoccupations suffisamment
communes et si les entités de base partagent les mêmes facteurs clé de succès. La mise en
place d’un SUIG suppose aussi que le groupe puisse se satisfaire d’un reporting
essentiellement financier. Ce système est recommandé pour les groupes décentralisés, ceux où
le contrôle de la gestion opérationnelle (gestion commerciale, gestion industrielle) se réalise
au niveau de la filiale à partir de ses propres indicateurs (essentiellement physiques), et où le
contrôle de gestion du siège est surtout un contrôle financier. Le SUIG est aussi recommandé
aux groupes à activité unique (sidérurgie, presse, édition…). Dans une telle situation, un
contrôle de gestion depuis le siège est efficace, car les informations sont pertinentes et
suffisantes pour appréhender l’activité de chaque entité.
Par contre, le SUIG est déconseillé pour les petits groupes diversifiés sans réel contrôle de
gestion dans les unités. La disposition de la seule information financière est insuffisante pour
assurer le contrôle depuis le siège.
b. Fonctionnement
La comptabilité réalise ses calculs en faisant référence aux structures juridiques. Le contrôle
de gestion analyse les résultats par branche, par zone géographique, par fonction, etc.
A l’intérieur d’un groupe, nombreuses sont les filiales qui ont des activités multibranches.
Aucun problème ne se pose pour celles où chaque métier est exercé par un établissement
distinct ayant sa propre comptabilité. Mais, dans les filiales à comptabilité unique, le SUIG
doit permettre une comptabilité par branche.
Une première solution consiste à restructurer le groupe et l’information comptable d’une
manière telle que l’unité de base soit une entité opérationnelle mono-branche. Toutes les
informations seront saisies à ce niveau et une table des structures les agrégera selon les
besoins, soit par branche, par pays, par entité juridique.
Une deuxième solution consiste à conserver l’organisation actuelle et à associer à chaque
donnée un code dépendant du type d’analyse et du type de document que l’on souhaite
obtenir. Toute donnée se verra ainsi attribuée un code branche, un code pays, un code
fonction, etc., et les états comptables et de gestion seront la résultante de tris effectués sur tel
ou tel code.
Conclusion
Dans notre première partie, nous avons mis en évidence l'influence de l'environnement
économique sur le fonctionnement de l'entreprise et, par conséquent, sur l'organisation du
travail du contrôle de gestion. Dans notre seconde partie, nous avons développé l'aspect
théorique de cette organisation. Puis nous avons, dans notre troisième partie, confronté la
théorie à la pratique avant d'aborder, dans notre quatrième et dernière partie, l'aspect
spécifique de l'organisation du travail du contrôle de gestion à l'international.
En conclusion, il faut noter que les techniques du contrôleur peuvent être les mêmes dans
toutes les entreprises mais que le rôle, l'importance et la place accordés au contrôle de gestion
sont fonction des stratégies adoptées, dans le cadre du métier de l'entreprise, ainsi que de la
culture de l'entreprise et des comportements psychosociologiques des acteurs et des
dirigeants. Il n'existe donc pas un modèle unique et universel d'organisation du travail du
contrôle de gestion, mais autant d'organisations possibles qu'il existe d'entreprises.


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