Introduction
Loin du rôle peu enviable
d’un "père fouettard", chiffrant les écarts et distribuant les
mauvais
points, le contrôleur de
gestion est le dénominateur commun d'un déploiement à trois niveaux
(stratégie,
contractualisation, exploitation) et sur trois dimensions (prévoir, mesurer,
agir).
Sa mission consiste à apporter
à la direction générale toutes les informations nécessaires à
l’élaboration de la
stratégie, à l’aider à la formaliser et à la valoriser, à favoriser le
déploiement de la stratégie
à l’horizon annuel et au niveau opérationnel. Il a un rôle important
de conseil, de gardien de la
cohérence, de diffusion de l’information, de communication et de
facilitateur du dialogue de
gestion. C’est un accompagnateur du changement.
Cependant, le contrôleur de
gestion n’a pas d’autorité hiérarchique dans l’ensemble de
l’entreprise sauf dans son
service s’il regroupe plusieurs personnes. En fait, sa place n’a pas
d’importance intrinsèque. La
place et le rôle du contrôleur de gestion dépendent de l’intérêt
que porte le décideur, le
manager au contrôle de gestion. Le service peut rester une "coquille
vide" ou à l’inverse
devenir l’"éminence grise" de la direction. L’identité de
l’entreprise, le
système de valeur et le
comportement du dirigeant sont déterminants pour fixer le rôle du
contrôleur de gestion.
Au travers de notre étude,
bien que définissant le métier du contrôleur de gestion, nous nous
attacherons plus
particulièrement à l’organisation de son travail dans les PME et les groupes.
Ainsi nous verrons dans un
premier temps, en guise d’approche, comment est apparu le
contrôle de gestion et
quelle a été son évolution. Puis, afin d’obtenir une vision plus précise
du sujet, nous aborderons
l'aspect purement théorique de l'organisation du travail du
contrôleur de gestion. Dans
un troisième temps, nous confronterons la théorie et la pratique au
travers d’entretiens
réalisés auprès de contrôleurs de gestion appartenant à différents types de
structure. Enfin, nous
élargirons le sujet en nous intéressant à l’organisation du travail du
contrôleur de gestion à
l'international.
I- Apparition et évolution du
contrôle de gestion
Il nous a semblé essentiel,
dans le cadre de notre sujet, de retracer l'apparition et l'évolution du
contrôle de gestion puisque
son organisation en découle de façon directe. Par conséquent,
nous y avons consacré une
part importante de notre étude.
1. Environnement
économique et technologique des entreprises
Il est possible de repérer
les évolutions majeures du contexte économique et technologique
des entreprises à partir du
début du XXème siècle et
du développement massif de
l'industrialisation.
a. Environnement économique
Pour bien comprendre les
outils d'aide élaborés par les gestionnaires dans leurs prises de
décision, il convient de
caractériser les forces et les contraintes de l'environnement actuel des
entreprises.
a) L'offre
Les producteurs industriels,
peu nombreux au début du XXème siècle et localisés
géographiquement dans
seulement quelques pays occidentaux, proposent des produits peu
diversifiés, qui satisfont
le marché.
L'offre en quantité,
nettement inférieure aux besoins qui s'expriment, trouve sans problème
des débouchés, de manière
stable dans le temps et l'espace.
Les entreprises y ont peu
besoin de lutter entre elles et leur mode de gestion est relativement
proche.
Le développement de
plusieurs pays et marchés, la forte croissance conjoncturelle après la
Seconde Guerre mondiale
provoquent de profondes modifications dans l'offre de production :
- des entreprises de plus en
plus nombreuses, situées dans des zones géographiques très
éloignées et très
différentes, proposent des produits assez similaires ;
- on aboutit aujourd'hui à
une mondialisation des échanges, des marchés autour de trois
pôles qui forment la triade
: zone Europe, zone Amérique, zone Asie ;
- cette extension du champ
d'action des entreprises modifie profondément leur gestion car la
concurrence s'intensifie et
les gestionnaires ont besoin de nombreux paramètres pour
différencier leurs produits.
b) La demande
Avec l'industrialisation du
début du siècle et l'apparition de produits satisfaisant des fonctions
et des besoins nouveaux, la
demande accepte et absorbe sans difficulté les productions des
entreprises.
Cette "première"
demande en forte croissance est seulement quantitative, peu évolutive dans
le temps et peu exigeante
dans les caractéristiques des produits.
Après une période de
production et de consommation de masse, avec des produits standard, la
demande devient plus précise
dans ses attentes, plus versatile dans sa fidélité aux entreprises
et à leurs marques, avec des
évolutions rapides et imprévisibles. Les produits doivent être plus
diversifiés et avec une
dimension qualitative certaine.
On est donc passé d'une
économie de production à une économie de sélection.
b. Environnement
technologique
Avec les contraintes
techniques du début du siècle, les entreprises disposaient de machines
"rigides"
destinées à une seule opération, une seule fonction, un seul produit. A partir
de
1960, grâce à la diffusion
des technologies de l'électronique pouvant s'intégrer dans tous les
métiers, à tous les niveaux
de gestion, les rigidités techniques disparaissent.
Les machines et les postes
de travail deviennent polyvalents, flexibles pouvant changer
d'outils, de fonctions, de
produits. Cette souplesse dans la production permet de réduire une
contrainte forte des
entreprises et de proposer des produits plus diversifiés en petite quantité.
Mais les potentialités des
technologies électroniques ne s'arrêtent pas au domaine de la
production ; l'information
et la communication sont particulièrement touchées par
l'électronique, la
télématique qui offrent des supports aux performances presque illimitées.
Les entreprises intègrent
ces nouvelles technologies de l'information et de la communication
tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur de leur organisation, modifiant ainsi sensiblement leur mode
de gestion, leur processus
décisionnel, leur structure de fonctionnement.
c. Évolution des modes de
production
De ces nombreuses évolutions
du contexte tant économique que technologique des
entreprises, il en découle
une adaptation nécessaire des modes de production.
· Les entreprises ont d'abord mis en place une organisation
taylorienne pour une production
standardisée.
· Puis face à une demande de plus en plus segmentée, les entreprises
ont élaboré une
organisation avec une
différenciation retardée des produits permettant une production
diversifiée.
· Aujourd'hui, les entreprises doivent souvent modifier leur
organisation et leurs
combinaisons productives
pour une production flexible.
Ainsi, l'environnement
économique et technologique paraît aujourd'hui instable, en
perpétuelle évolution dans
le temps et dans l'espace. Les besoins en information et la
conception des systèmes
d'information de l'entreprise dépendent fortement des degrés de
turbulence et de complexité
du contexte de gestion.
è Les entreprises doivent adapter leurs outils de production, la
structure et le fonctionnement
de leur organisation ; elles
doivent donc aussi réfléchir à des évolutions de leurs outils de
gestion, et au contrôle de
gestion en particulier.
2. L'entreprise et sa
gestion
La présentation des
objectifs et des variables actuelles de la gestion permet de mieux situer les
enjeux du contrôle de
gestion.
a. La gestion des entreprises
aujourd'hui
La gestion, science des
choix et de l'action, consiste à conduire une organisation en utilisant
de nombreuses techniques et
démarches pour aider aux décisions.
La gestion est à la fois théories
et pratiques, application de plusieurs sciences, hybride entre
des sciences
"dures" (sciences exactes) et des sciences "molles"
(sciences humaines),
carrefour de plusieurs
disciplines (économie, histoire, géographie, sciences politiques, droit,
sociologie, mathématiques).
Dans son acception actuelle,
la gestion (traduction du terme anglo-saxon management)
regroupe deux dimensions :
la gestion stratégique (ou gestion de marché) et la gestion
opérationnelle (ou gestion
de l'entreprise). Ainsi la gestion voit son champ d'action s'agrandir
tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur de l'organisation.
Dans ce contexte complexe et
incertain, les variables à gérer comme leviers des décisions se
multiplient et s'influencent
réciproquement, parfois de manière contradictoire ; ainsi, par
exemple, le gestionnaire
doit piloter la qualité tout en minimisant les coûts, et réduire les
délais tout en distribuant
des produits et des services sur un espace plus grand.
Le cadre actuel de la
gestion est celui de la recherche d'une compétitivité permanente, c'est-àdire
d'une position
concurrentielle forte tant par les prix que par d'autres paramètres.
Liés à la compétitivité,
deux concepts forts apparaissent aujourd'hui dans les objectifs de la
gestion. Nous allons les
présenter avant d'en déduire les variables à piloter : la valeur et la
performance.
b. Performance, valeur et
coût
a) La performance
Pour être compétitive, toute
entreprise doit être performante, c'est-à-dire meilleure que ses
concurrents tant dans sa
stratégie que dans son organisation.
è En gestion, le terme de performance est défini comme l'association
de l'efficacité et de
l'efficience. L'efficacité
consiste pour une entreprise à obtenir des résultats dans le cadre des
objectifs définis.
L'efficience correspond à la meilleure gestion possible des moyens, des
capacités en relation avec
les résultats.
La performance oblige donc à
une vision globale interdépendante de tous les paramètres
internes et externes,
quantitatifs et qualitatifs, techniques et humains, physiques et financiers
de la gestion.
Le gestionnaire doit donc
rechercher la performance globale, qui intègre plusieurs niveaux
d'évaluation :
- pour la production, c'est
l'amélioration permanente de la productivité, donc un rendement
physique, associé à un
niveau élevé de qualité ;
- pour la vente, c'est la
compétitivité sur le marché ou la différence valeur-coût ;
- pour la finance, c'est la
rentabilité.
b) La valeur
Aujourd'hui, la notion de
valeur prend une importance cruciale dans la gestion, au-delà de son
sens économique premier. La
valeur concerne le produit et l'entreprise.
· La valeur d'un produit n'est pas seulement la différence entre un
prix de vente et un coût
de revient mais
l'appréciation subjective et fluctuante, par la demande, de l'utilité apportée
par les fonctions d'un
produit.
· La valeur d'un produit ne s'obtient pas seulement par l'activité
de transformation de
matières premières en biens
et ne se limite pas à la notion de valeur ajoutée ; elle découle
aussi de l'apport de toutes
les activités principales (logistique interne, opérations
(production), logistique
externe, marketing et ventes, services) et de soutien (infrastructure
de l'entreprise, gestion des
ressources humaines, développement de la technologie,
approvisionnement) de
l'organisation comme l'analyse la notion de "chaîne de valeur" de
M Porter.
La valeur de l'entreprise
dépendra ainsi, en partie, de la valeur de ses produits et de ses
activités.
Le gestionnaire n'agit plus
seulement en fonction des coûts mais doit piloter le couple valeurcoût.
L'approche en termes de
valeur oblige donc à gérer les activités, à remettre en cause
éventuellement
l'organisation et son système d'information.
c. Les variables de gestion
essentielles aujourd'hui
Dans cet environnement, face
à ces contraintes économiques et technologiques, quels sont les
leviers essentiels de
l'action pour le gestionnaire ?
Il semble possible de présenter
les dimensions essentielles de la gestion contemporaine. Pour
être compétitive et
performante, l'entreprise recherche la flexibilité sous de nombreuses
formes, induisant ainsi une
gestion de variables multiples : gestion du temps, du risque, de la
taille, des frontières, de
l'innovation, de la qualité, de la structure, des connaissances, des
coûts…
Tous ces problèmes actuels
conduisent le gestionnaire à piloter un changement permanent tant
dans les produits, les
activités que dans les structures, le management, les outils de gestion.
La problématique actuelle de
la gestion des entreprises peut donc être résumée de cette façon :
le contexte (mondialisation,
forte concurrence, segmentation des marchés, demande
hétérogène, instable,
technologies flexibles, complexité de l'environnement, incertitude de
l'environnement) influence
la détermination des objectifs pour l'entreprise (valeur,
performance, productivité,
flexibilité, coût, qualité, délai) qui conditionnent les variables de
gestion (variables stratégiques,
variables organisationnelles, temps, espace, taille, qualité,
innovation, risque,
connaissances, changement).
è Construits pour une économie de l'offre dans un environnement
stable et peu concurrentiel
dans la première moitié du
XXème siècle, la plupart des
outils de gestion et de contrôle de
gestion en particulier
doivent être rénovés pour aider au management, compte tenu des
besoins actuels.
3. L'apparition du
contrôle de gestion
a. Les premières
formalisations
a) Histoire des coûts
L'histoire du calcul des
coûts apparaît comme la plus ancienne car elle concerne toutes les
formes d'entreprise, dès
lors que s'instaure une activité économique.
La diffusion des pratiques
et des formalisations (pas nécessairement corrélées) sur le calcul et
l'analyse des coûts
progresse véritablement avec la première phase de la révolution
industrielle et ira en
s'amplifiant.
Bertrand Gille parle de
"socialisation de la technique" ; au-delà d'un processus technique,
le
calcul et l'analyse des coûts
comportent des aspects économiques, organisationnels, sociaux,
juridiques, donc
transmettent une vision transversale et pluridisciplinaire des entreprises.
Les modifications
organisationnelles de la production expliquent l'évolution des besoins dans
le calcul des coûts. C'est
le passage du système du "putting-out" (production externalisée chez
les ouvriers) au système de
"factory" (production regroupée dans une usine).
· Le système externalisé de production ou putting-out
Dans le système de
production le plus répandu avant la révolution industrielle, l'entrepreneur
est un intermédiaire qui se
déplace, apporte travail et matières premières chez l'artisan qui
possède ses outils puis
revient chercher le produit fini (d'où l'origine du terme "prix de
revient").
Dans ce système,
l'entrepreneur ne cherche pas à connaître le coût, puisque l'information de la
valeur ajoutée lui est
donnée par le "prix de revient" qu'il compare au prix d'achat des
matières.
· Le système regroupé de production ou factory
Les nouvelles technologies
du XVIIIè et du XIXè siècle bouleversent les
sources d'énergie et
les machines et poussent
ainsi à une organisation concentrée de la production : les machines
sont regroupées dans des
usines dans lesquelles les ouvriers viennent travailler.
L'entrepreneur n'est plus
alors seulement un intermédiaire marchand, il devient également un
investisseur et un
innovateur. Dès lors il cherche à mesurer des coûts et à contrôler le travail.
Dans l'histoire des coûts
appliquée aux entreprises industrielles, plusieurs étapes apparaissent
avec une évolution du
vocabulaire.
¨ D'abord c'est la comptabilité industrielle qui s'élabore et se
diffuse avec le développement
industriel occidental durant
tout le XIXè siècle
(même si des formalisations n'apparaissent,
en France, dans des traités
de comptabilité industrielle qu'à partit de 1870).
Elle consiste à mesurer les
coûts des flux internes à l'organisation, c'est-à-dire les coûts de
transformation des matières
premières sur les machines de l'usine avec des ouvriers. Elle doit
permettre au gestionnaire de
mesurer les coûts des processus de production, donc des produits
fabriqués, et d'aider à la
fixation des prix face à la concurrence des autres industriels.
¨ Vers 1915 avec l'OST (organisation scientifique du travail)
proposée par F. Taylor, la
comptabilité s'affine,
segmente les activités, calcule des normes (coûts standard, coûts
préétablis), des écarts par
rapport aux normes, contrôle des résultats, des responsabilités.
La comptabilité devient
analytique d'exploitation afin de prévoir et de vérifier les
réalisations de toutes les
organisations, et pas seulement industrielles.
¨ A l'heure actuelle, le terme comptabilité de gestion permet
d'intégrer toutes les démarches
et les techniques qui aident
les gestionnaires à connaître les coûts au sein de leur
organisation.
b) Histoire du
"contrôle"
Le contrôle des activités et
le domaine du contrôle de gestion qui en découle sont plutôt
corrélés à la phase
d'industrialisation de la fin du XIXè siècle et surtout du début du XXè
siècle.
· Né de l'évolution du monde technique et économique avec les
analyses de Taylor (1905)
sur le contrôle de
productivité, les recherches de Gantt (1915) sur les charges de structure
et les choix de General
Motors (1923) et de Saint-Gobain (1935) pour des structures par
division, le contrôle de
gestion concerne alors principalement l'activité de production mais
ne s'appelle pas encore
ainsi.
· Une première évolution dans les enjeux et le champ d'analyse des
premières formes de
contrôle de gestion va
apparaître avec l'accroissement de la taille des unités de production
et de leur diversification.
Il devient nécessaire de déléguer des tâches, des responsabilités
tout en exerçant un contrôle
sur les exécutants.
Ainsi, après l'analyse des
coûts, les entreprises mettent en place des budgets prévisionnels et
réels pour contrôler les
réalisations et mesurer les écarts ; c'est pourquoi le contrôle de gestion
est souvent considéré comme
synonyme, à tort, du contrôle budgétaire.
Si les premiers principes et
méthodes du contrôle de gestion sont apparus entre 1850 et 1910,
aux États-Unis et en Europe,
les pratiques se sont élaborées progressivement en fonction des
besoins des entreprises.
· Ensuite, avec le développement des produits et des services dans
une conjoncture en
croissance, les
gestionnaires vont chercher dans le contrôle de gestion une aide aux
décisions ainsi que des
pistes pour contrôler les acteurs dans la structure.
Jusqu'au début des années
70, les grandes entreprises françaises qui ont introduit un contrôle
de gestion ont reproduit
approximativement le modèle des firmes industrielles américaines :
- un processus de
planification, de gestion budgétaire, de contrôle budgétaire, allant du long
terme au court terme ;
- dans une structure
hiérarchique découpée verticalement en centres de responsabilité ;
- avec un système de
pilotage par le couple objectifs-moyens (c'est-à-dire des informations
sur des résultats qui
permettent de réguler les actions).
Ainsi, depuis le début du
siècle, le contrôle de gestion a été conçu dans le cadre d'une gestion
taylorienne fondée sur
quatre principes :
- stabilité dans le temps ;
- information parfaite des
dirigeants ;
- recherche d'une
minimisation des coûts ;
- coût de production
dominant dans le coût total.
Le contrôle de gestion est
alors un modèle pour mesurer et contrôler la productivité
industrielle et en
particulier la productivité du travail direct.
· A partir des années 70, les perturbations extérieures et intérieures
aux organisations
obligent à une remise en
cause assez profonde de ce modèle dans ses objectifs, ses outils,
ses utilisations.
b. Des évolutions
permanentes
Tout système d'information
d'aide à la gestion d'une performance doit tenir compte des
contraintes et des
opportunités de l'environnement économique, des orientations stratégiques
des entreprises, des
contraintes de structure des organisations.
Ainsi de nombreuses
pressions et évolutions ont fait émerger un contrôle de gestion avec des
objectifs plus larges, des
démarches et des outils diversifiés.
4. Les différentes formes
de contrôle
a. La notion de contrôle
· Contrôler une situation signifie être capable de la maîtriser et
de la diriger dans le sens
voulu. Tout contrôle vise à
mesurer les résultats d'une action et à comparer ces résultats
avec les objectifs fixés à
priori pour savoir s'il y a concordance ou divergence.
Le contrôle doit donc
aboutir, si nécessaire, à un retour sur l'amont pour rectifier les décisions
et les actions entreprises.
Pour une entreprise, le contrôle est d'abord compris et analysé
comme le respect d'une norme
; c'est un contrôle de régularité. Il participe alors au "processus
de la gestion" :
Information è Décision è Action è Contrôle
Au sein d'une organisation,
le contrôle se développe de manière dynamique ; c'est pourquoi il
faut plutôt parler du
processus de contrôle.
· Le processus de contrôle comprend toutes les étapes qui préparent,
coordonnent, vérifient
les décisions et les actions
d'une organisation. Le processus comprend donc en général
trois phases :
Décision è Action è Résultat
Avant Pendant Après
Ces trois étapes sont
repérées par des questions et des tâches précises :
- finalisation : quels
objectifs ? quelles ressources ? comment employer au mieux ces
ressources ? comment évaluer
les résultats ?
- pilotage : pendant
l'action, quelles corrections mettre en place si nécessaire pour réorienter
le déroulement en fonction
des finalités choisies ?
- évaluation : quelle mesure
des résultats ? quelle efficience ? quelle efficacité ?
Le processus de contrôle
touche toutes les décisions et actions d'une entreprise.
Ainsi il est possible
d'appliquer ces trois étapes sur les trois niveaux de décision mis en
évidence par I. Ansoff : décision
stratégique, décision tactique, décision opérationnelle. On
obtient un processus de
contrôle distinct pour chaque niveau de décision ; cette définition
permet de délimiter le
contrôle de gestion.
b. Décisions de gestion et
niveaux de contrôle
Avec un découpage temporel
de la gestion, clair plus que réaliste, il est possible de définir
plusieurs contrôles corrélés
à chaque niveau de gestion.
· La gestion stratégique oriente les activités sur le long terme de
l'entreprise : à ce niveau,
un contrôle stratégique doit
aider les prises de décisions stratégiques par la planification
stratégique, l'intégration
de données futures en fonction d'un diagnostic interne et externe.
· La gestion quotidienne ou courante suit les actions de court terme
(un an) et très court
terme (moins d'un an) :
c'est alors un contrôle d'exécution ou contrôle opérationnel qui
doit permettre de réguler
les processus répétitifs (productifs ou administratifs) en vérifiant
que les règles de
fonctionnement sont respectées.
Dans cette décomposition du
temps, le contrôle de gestion est alors positionné comme
interface entre le contrôle
stratégique et le contrôle opérationnel. Il permettrait de réguler sur
le moyen terme en contrôlant
la transformation des objectifs de long terme en actions
courantes.
c. La place du contrôle de
gestion
Désormais, il est possible
d'enrichir les premières définitions du contrôle de gestion :
- le contrôle de gestion
doit permettre de gérer au mieux les décisions et les actions de
moyen terme, en général un
an ;
- le contrôle de gestion est
aussi l'interface entre la stratégie et les actions de routine et doit
assurer la cohérence entre
les deux ;
- en tant que processus de
contrôle il est possible de préciser, pour les trois étapes, les
tâches du contrôle de gestion
:
· la finalisation du contrôle de gestion consiste à planifier les
actions (planification
budgétaire) et à établir les
rôles des acteurs,
· le pilotage dans le contrôle de gestion consiste à déclencher des
actions correctives en
fonction des écarts, des
tableaux de bord mis en place,
· l'évaluation dans le contrôle de gestion correspond à la mesure
des résultats et de la
performance des actions.
è H. Bouquin propose alors la définition suivante : "Le
contrôle de gestion est formé des
processus et des systèmes
qui permettent aux dirigeants d'avoir l'assurance que les choix
stratégiques et les actions
courantes seront, sont et ont été cohérents, notamment grâce au
contrôle d'exécution."
L'idée essentielle à retenir est que le contrôle de gestion est un
système d'information qui
s'est construit par étapes, sur l'organisation interne de
l'entreprise. Il s'appuie sur une représentation, une modélisation, à un
moment donné, de
l'organisation de
l'entreprise.
5. Les sources
d'information
a. La comptabilité, matière
première essentielle du contrôle de gestion
Le système d'information
financier comptable, commun à toute entreprise, est la première
source de données pour
mesurer et analyser l'activité économique. Mais la comptabilité
générale n'est pas suffisante
pour décomposer les coûts et calculer des rentabilités.
Dès le début du siècle, des
ingénieurs et des gestionnaires américains et français (Gantt)
élaborent des méthodes
d'analyse des coûts : séparation coût fixe-coût variable, notion de
point mort, imputation
rationnelle proposée en France en 1928 par Rimailho.
La comptabilité est donc,
jusqu'aux années 70, la source essentielle des analyses menées par
le contrôle de gestion ;
d'ailleurs l'organisation du travail fondée sur les principes tayloriens se
retrouve dans ce système
d'information comptable et correspond aux objectifs assignés au
contrôle de gestion.
En France, c'est le PCG 1982
qui définit les notions fondamentales de coût et utilise le terme
de "comptabilité
analytique" et non "comptabilité de gestion". Le PCG doit
permettre une
harmonisation du
vocabulaire, des procédures et des analyses.
b. Comptabilité de gestion
et comptabilité financière
Si les deux termes existent,
la frontière entre ces deux comptabilités n'est pas très nette et les
gestionnaires utilisent les
deux conjointement. D'ailleurs la comptabilité financière a besoin
de la comptabilité de
gestion pour établir ses résultats.
Les angles d'attaque de ces
comptabilités diffèrent par les utilisations de leurs informations ;
en effet, la comptabilité
financière est "réservée" à ceux qui financent les activités, les
tiers
qui ont besoin d'évaluer la
situation de l'entreprise, alors que la comptabilité de gestion est
utilisée par ceux qui gèrent
pour aider à positionner l'entreprise par rapport aux concurrents.
Cette dichotomie simple ne
reflète pas complètement la réalité car les pratiques conduisent à
utiliser les informations
d'où qu'elles viennent pourvu qu'elles soient pertinentes pour les
décisions. Il n'est pas
possible de faire un classement des comptabilités selon les utilisateurs
car alors chaque décideur ou
responsable, selon sa position et son métier, aurait besoin de son
propre système
d'information.
Il est difficile d'élaborer
des passerelles entre la comptabilité de gestion et la comptabilité
financière même si la
gestion actuelle a besoin de cette association et si des logiciels peuvent
aider à cette intégration.
c. Vers une normalisation
internationale
L'internationalisation des
marchés et des échanges commerciaux et financiers, la
multiplication des alliances
transnationales entre entreprises, nécessitent une homogénéisation
des indicateurs de
performance des entreprises.
Au-delà des associations
nationales de comptables et de contrôleurs de gestion qui discutent
de leurs problèmes et
harmonisent leurs pratiques, des consortiums ou des fédérations
internationales essaient de
rassembler ces professions pour élaborer des procédures
communes. Mais les
convergences sont difficiles à trouver et l'observation de la réalité fait
apparaître une juxtaposition
de référentiels.
Depuis une vingtaine
d'années, une institution internationale réfléchit au problème de la
mondialisation des règles
comptables.
· En 1973, des associations professionnelles de comptables ont
constitué un comité
international pour la
normalisation comptable, l'IASC (International Accounting Standards
Comittee), organe privé sans
pouvoir institutionnel sur les entreprises.
Pendant une première
période, de 1973 à 1995, le comité a essayé d'élaborer des normes
internationales en comparant
les normes de chaque pays et en choisissant les plus pertinentes.
Les normes internationales
étaient déterminées de telle manière qu'elles soient les plus
cohérentes possibles avec
des référentiels nationaux très différents.
L'IASC avait alors un rôle
d'harmonisateur pour des pratiques financières transnationales
(fusions, consolidations,
achats) sans pour autant avoir un quelconque pouvoir de contrainte
sur les entreprises pour
leur adoption.
Le comité a ainsi édicté
trente-deux normes comptables internationales (IAS, International
Accounting Standard).
· En 1995, l'IASC a conclu un accord avec un organisme regroupant
les commissions de
bourse (IOSCO) pour proposer
une panoplie complète de normes permettant aux
entreprises de se faire
coter à l'étranger avec les mêmes états financiers.
Ainsi, l'IASC n'est plus
seulement un harmonisateur mais devient un concepteur de normes ex
nihilo sans référence à une pratique déjà existante dans un pays.
Mais l'IASC n'est pas le
seul organe de réflexion et des divergences, des rapports de force
apparaissent.
Ainsi le Financial
Accounting Standards Board (FASB), comité américain travaillant
davantage sur la finance, a
émis des normes moins strictes que l'IASC dans le domaine des
dépréciations d'actifs,
favorisant éventuellement des entreprises qui souhaiteraient se
présenter sur des marchés
boursiers américains.
De même, le SEC (Securities
and Exchange Commission), organe très puissant de la bourse
américaine, essaie
d'influencer les orientations de l'IASC pour maintenir sa suprématie.
Ainsi en 1998, il existe
deux référentiels adaptés aux firmes transnationales : le premier est
américain et le deuxième est
celui de l'IASC ; les entreprises hésitent parfois à opter pour les
normes IASC car elles
craignent des difficultés pour pénétrer le marché américain.
La tendance d'un
rapprochement des référentiels nationaux vers une norme internationale
semble inéluctable : sinon
comment lire et comparer des bilans de sociétés de nationalité
différente ? La convergence
apparaîtra certainement dans quelques années.
Le contrôle de gestion est
dépendant de tendances d'harmonisation internationale car il utilise
des données comptables et
financières issues des systèmes comptables imposés, mais les
démarches et les techniques
du contrôle de gestion ne sont pas soumises à des normalisations
européennes ou
internationales ; chaque entreprise élabore ses systèmes de prévisions, de
contrôle, ses tableaux de
bord "sur mesure" en fonction de ses besoins.
De la même façon que les
entreprises ont évolué avec le contexte et l'environnement
économique, le contrôle de
gestion, sa place, son organisation se sont adaptés aux différentes
structures d'entreprise.
II- Organisation du contrôle
de gestion : généralités
Dans cette seconde partie,
nous allons tenter de définir quelle est la place et le rôle du
contrôleur de gestion dans
l’organisation ou la PME. Plus précisément, l’étude portera dans
un premier temps sur la
structure organisationnelle propre à chaque type d’entreprise, puis,
dans un deuxième temps, nous
élaborerons les différents organigrammes possibles.
1. La structure
organisationnelle
Les organisations offrent
une grande diversité de structures en même temps qu’une stabilité et
une efficacité très
différentes. Depuis le début du siècle, chercheurs et praticiens ont tenté
d’expliquer les causes
profondes de ces différences. Leurs réponses, très variées, peuvent être
appréhendées au travers de
l’examen d’écoles, de doctrines qui caractérisent les tendances
dominantes de certaines
approches.
Du foisonnement de ces
théories, Henry Mintzberg, professeur de management à l’université
McGill de Montréal, a tiré
une synthèse particulièrement intéressante. Dans son célèbre
ouvrage Structure et
dynamique des organisations, il définit la structure d’une organisation
comme "la somme totale
des moyens employés pour diviser le travail entre tâches distinctes
pour ensuite assurer la
coordination nécessaire entre ces tâches".
D’après Mintzberg, les
organisations sont composées de cinq éléments de base :
· le centre opérationnel : il rassemble les membres de
l’organisation (opérateurs) dont le
travail est directement lié
à la production des biens et des services. Il procure les entrées
nécessaires à la production,
fabrique et distribue les produits, assure la maintenance.
· le sommet stratégique : sa fonction est de faire en sorte que
l’organisation remplisse sa
mission de façon efficace et
qu’elle serve les besoins de ceux qui la contrôlent ou qui ont
sur elle du pouvoir
(propriétaires, administrations…). Il exerce des fonctions de
supervision directe :
allocation des ressources, règlement des conflits, contrôle, diffusion
de l’information,
leadership. Il est également chargé de la gestion des conditions de
frontière de l’organisation
et de ses relations avec l’environnement(contacts à haut niveau,
négociation…). Enfin, il
doit développer la stratégie de l’organisation.
· la ligne hiérarchique : c’est la ligne d'autorité, composée de
cadres, contremaîtres, etc., qui
joint le sommet stratégique
au centre opérationnel. Chaque membre de la chaîne
hiérarchique accomplit, à
son niveau, le travail du sommet hiérarchique.
· la technostructure : elle est composée d’analystes, chargés de la
conception et de
l’adaptation de la
structure, qui agissent sur le flux de travail par le biais de la
standardisation.
· les unités fonctionnelles logistiques : il s’agit des unités qui
ont une fonction particulière à
remplir : recherche,
contentieux, relations publiques, etc. Elles interviennent indirectement
dans le flux de travail.
Le contrôleur de gestion
trouve sa place dans la technostructure : il aide la ligne hiérarchique
et le centre opérationnel,
et a une influence sur la façon dont les autres travaillent.
A partir de son étude,
Mintzberg déduit qu’il existe cinq formes de configurations
structurelles parmi
lesquelles on peut classer toutes les organisations. Chaque forme se
distingue des autres par le
type de contexte dans lequel elle est envisageable, mais aussi par
des différences
fondamentales dans le style de contrôle qui s’y exerce et dans la nature et la
localisation des pouvoirs
des cinq catégories d’acteurs.
a. La structure simple
La structure simple (PME en
râteau) : elle concentre les pouvoirs au sommet, repose sur une
faible formalisation des
procédures, laisse peu de place au contrôle de gestion. En effet, le
contrôle de gestion est ici
un outil de gestion prévisionnel et le contrôleur, quand il existe, est
polyvalent.
b. La bureaucratie mécaniste
La bureaucratie mécaniste
(administration, entreprises publiques caricaturales) : elle s’adapte
bien à un environnement
simple et stable, elle comporte un poids important de règles de
normalisation des tâches
adaptées à la production de masse. Le contrôleur de gestion a un rôle
de gestion prévisionnelle,
notamment vers les fonctionnels, qui est marginalisé et
technocratique.
c. La bureaucratie
professionnelle
La bureaucratie
professionnelle (hôpital, université) : elle laisse une place beaucoup plus
faible au contrôle
d’exécution au profit d’un contrôle de gestion orienté vers les résultats. On
la rencontre dans les
environnements stables mais complexes (expertise-comptable) où il faut
déléguer les opérations à un
personnel qualifié capable de prendre en charge de façon
autonome tous les éléments
d’une situation, guidé par des obligations de résultats que la
stabilité de l’environnement
permet de décrire de manière précise sur un horizon à court
terme.
Le contrôleur de gestion y
rencontre un problème de légitimité, de compréhension mutuelle.
Mais sa situation dépend de
la répartition du pouvoir entre les opérationnels et les
fonctionnels administratifs,
et de son talent pour faire comprendre les processus transversaux.
d. La structure
divisionnelle
La structure divisionnelle
(grandes entreprises diversifiées) : elle s’adapte à un environnement
relativement simple et
stable. Le contrôleur de gestion y a un rôle fondamental : cette
structure repose sur la
délégation en objectifs-moyens que permet le processus de contrôle de
gestion, "inventé"
dans sa forme actuelle en même temps que la structure par produits et
marchés (Alfred Sloan,
Donaldson Brown, Pierre Du Pont, Pennsylvania Railways au milieu
du XIXè, selon la description de A.D.
Chandler).
e. L'adhocratie
L’adhocratie (gestion par
projets) : sa fluidité n’y circonscrit pas une structure de pouvoir
stable. Le jeu
interpersonnel du pouvoir s’y exerce pleinement alors que dans les autres
configurations le pouvoir
est plus ou moins concentré. C’est une des raisons pour lesquelles P.
Drucker parle de
"structure systémique" à son propos.
Le contrôleur de gestion y a
un rôle fondamental de délégation et suivi dans les projets. Mais
il a des concurrents pour la
coordination, surtout si le contrôle est très comptable et que le
contrôleur s’isole.
2. Un positionnement
hiérarchique adapté
Le contrôleur de gestion est
le navigateur de l’entreprise. Il connaît le but (qu’il a aidé à
définir) et les plans
d’actions qui permettront de l’atteindre. Il suit en permanence la marche
réelle de l’entreprise et
avise les responsables des écarts avec la route prévue afin que ceux-ci
puissent prendre à temps les
mesures correctives nécessaires.
Il est à la fois :
- le conseiller économique
de l’entreprise (c’est-à-dire de tous les responsables, et pas
seulement du directeur
général) ;
- le "mécanicien"
du système budgétaire (c’est-à-dire celui qui conçoit, anime et
entretient le système) ;
- l’"animateur" du
système de contrôle de gestion.
Alors quel positionnement au
sein de la structure ?
Le contrôleur de gestion se
trouve placé le plus souvent en position "fonctionnelle", et est
rattaché directement au
directeur général, au directeur financier ou à un autre positionnement.
a. Rattachement au directeur
général
C’est la meilleure solution
:
· la légitimité du contrôleur de gestion qui ne dispose pas de
pouvoir hiérarchique est
renforcée par ce bon
positionnement. Ce dernier se justifie également par l’étendue du
terrain d’action :
stratégie, contractualisation, exploitation.
· les préoccupations du contrôleur de gestion sont également plus
larges que celles du
directeur administratif et
financier.
b. Rattachement au directeur
financier
Cette solution présente
plusieurs inconvénients :
- le directeur financier
peut constituer un "écran" plus ou moins opaque entre le directeur
général et le contrôleur de
gestion ;
- le contrôleur de gestion
porte l’étiquette "direction financière" qui peut rendre plus
difficile
ses rapports avec les
opérationnels eux-mêmes et leurs responsables, car il sera à la fois juge
et partie ;
- les sources d’information
seront prioritairement de nature économique et financière au
détriment de données
opérationnelles (volume, qualité, délai).
c. Autre positionnement
Certaines organisations ont
placé la fonction au même niveau que les principaux responsables
de l’entreprise, ce qui peut
faciliter les communications.
Rattachement au Directeur
Général
Dans les PME, le contrôleur
de gestion est souvent confondu avec le directeur administratif et
financier ou avec le
secrétaire général. Il occupe alors une position hiérarchique sans que cela
présente les mêmes
inconvénients que dans une grande entreprise.
Enfin, dans une structure
par divisions ou centres de profit, le contrôleur de gestion peut être
décentralisé : le contrôleur
de gestion de la division est rattaché hiérarchiquement au
responsable de la division
et fonctionnellement au contrôleur de gestion central.
Quoi qu’il en soit, il est
impératif qu’il soit le plus "terrain" possible. Passer plus de 20 %
de
son temps dans un bureau est
déjà beaucoup. N’oublions pas que son champ d'action s’étend
de la direction générale aux
opérationnels. Ce n’est qu’à l’écoute active du terrain qu’il pourra
remplir efficacement sa
mission.
d. La problématique du
positionnement
La question du
positionnement "idéal" revient régulièrement. Les échanges qui en
découlent
font apparaître que, quel
que soit le type de rattachement (même celui au directeur général),
les insatisfactions
demeurent nombreuses.
En fait, derrière cette
question se pose celle du pouvoir et du rapport de force au sein de
l’entreprise. Ce rapport se
compose d’un certain nombre d’éléments :
- autorité
- image
- influence
- sanction
- information
- temps.
C’est ce que l’on appelle
également les curseurs du pouvoir. Au-delà de son rattachement, les
véritables questions sont au
nombre de trois :
- comment se positionne
chacun des curseurs à l’égard de la direction générale ?
- comment se positionne
chacun des curseurs à l’égard des opérationnels ?
- quels sont les leviers
dont le contrôleur de gestion dispose pour rééquilibrer voire inverser le
rapport de force en sa
faveur ?
En effet, aucun rattachement
ne contribue jamais, pour des raisons tant liées à l’organisation
qu’à lui-même, à positionner
tous ces curseurs de son côté. Cela tient au fait qu’en matière de
pouvoir, il existe trois
composantes :
- les curseurs qui représentent
le pouvoir intrinsèque résultant de son positionnement ;
- la volonté à utiliser ce
pouvoir. Cela dépend des enjeux stratégiques et financiers des
missions que le contrôleur
de gestion conduit ;
- la capacité personnelle à
l'exercer. Celle-ci est fortement conditionnée par son expertise, sa
capacité à persuader, à oser
et à entreprendre.
Nous allons à présent
confronter la théorie à la pratique à travers l'analyse de trois entreprises
présentant des organisations
différentes en ce qui concerne le contrôle de gestion.
III- Organisation du contrôle
de gestion : pratique
1. Questionnaire type sur
l’organisation du travail du contrôle de gestion
Ce questionnaire a été
utilisé lors des entretiens avec les contrôleurs de gestion des trois
entreprises.
I/ Présentation générale
de l’entreprise
II/ Présentation de
l’organisation du travail du contrôle de gestion
1) Quel statut avez-vous
dans l’entreprise ?
2) Quel est votre rôle en
tant que contrôleur de gestion dans l’organisation ?
3) Comment définissez-vous
la fonction du contrôleur de gestion : plutôt "bureau" ou plutôt
"terrain" ?
4) Quelles sont :
- vos tâches ?
- vos objectifs ?
Existe-il un travail
quotidien répétitif ?
Quelles sont les échéances à
respecter ?
5) Quel rôle jouez-vous
entre les différents services ?
6) Quelle est votre position
dans l’organigramme ?
7) Votre service est-il
indépendant ou est-il rattaché à un autre service (comme le service
financier par exemple, etc.)
?
Cela pose-t-il problème ?
8) Quels sont les facteurs
qui déterminent telle ou telle organisation ?
9) Comment fonctionne le
service de contrôle de gestion en interne ?
III/ Conséquences de
l’organisation de l'entreprise
1) Quels sont les avantages
et les inconvénients de votre position ?
2) Quel est votre rôle dans
la stratégie de l’entreprise ?
3) Quel est votre pouvoir
dans l’organisation de l’entreprise ?
4) Comment les autres
acteurs vous perçoivent-ils ?
IV/ Point de vue personnel
du contrôleur de gestion
1) Si vous en aviez le
pouvoir, changeriez-vous l’organisation du contrôle de gestion ?
2) Selon vous, le contrôle
de gestion est-il à sa véritable place dans cette organisation ?
2. L’organisation du
travail du contrôle de gestion dans une PME
I/ Présentation de
l'entreprise
Il s’agit d’une banque de
dépôt classique dont l'activité est répartie sur huit agences. Son
activité peut être
décomposée de la façon suivante :
- 20% pour le réseau
d’agences (activité domestique) ;
- 80% pour la salle des
marchés.
Tout d'abord, cette banque
contribue au financement de l’économie du Portugal par l'accord
de crédits aux entreprises
portugaises. D'un point de vue fiscal il est en effet plus intéressant
pour ces entreprises de se
financer à l’étranger. Ensuite, 50% du portefeuille d'activité de la
banque concerne des entreprises
nord-américaines.
En outre, cette entreprise
emploie 150 à 160 salariés en France.
II/ Présentation de
l'organisation du travail du contrôle de gestion
Au sein de cette entreprise,
le contrôle de gestion dépend de la direction financière. Il n’est
pas rattaché à la
comptabilité qui constitue un service à part.
· Les missions du contrôle de gestion
Dans le cas présent, le
contrôle de gestion possède une fonction de production des états de
synthèse quotidiens ou
mensuels. De plus, il effectue le contrôle de l’activité et affine les
documents comptables. Il est
également en charge de la réalisation d'une étude de rentabilité
lors du lancement d’un
nouveau produit. Enfin, il donne une explication dynamique des
chiffres comptables.
· Les fonctions du contrôleur de gestion
Dans cette entreprise, le
contrôleur de gestion effectue plutôt un travail administratif. En effet,
il établit des plans
budgétaires : ceux-ci sont réalisés en fonction des directives générales à 2-3
ans. Selon des taux
préétablis, il détermine un compte d’exploitation prévisionnel. Ainsi, le
responsable d'agence peut
comparer les chiffres réalisés aux prévisions. Il doit également
réaliser le budget, son
suivi, et discuter avec les responsables des écarts constatés.
Il doit donc :
- analyser les nouveaux
produits à mettre en place ;
- établir le budget et le
suivre ;
- réaliser des tableaux de
synthèse.
Il est impératif d'obtenir
une certaine cohérence entre les prévisions et les résultats définitifs.
Si cela est nécessaire, il
faut procéder à des ajustements.
Enfin, le contrôleur de
gestion diffuse l’information aux responsables pour juger de la
réalisation de leurs
objectifs : il est un fournisseur d’informations motivantes.
· Le rôle du contrôle de gestion
A la différence de la
comptabilité qui a pour rôle de constater, le contrôle gestion explique.
III/ Conséquences de
l’organisation de l'entreprise
· Le pouvoir du contrôle de gestion dans l’organisation
Le contrôleur de gestion
participe à l’élaboration du plan à court et moyen terme. Il prend part
aux discussions. C’est
pourquoi il possède une influence "théorique" grâce au dialogue. Il
travaille également avec le
service organisationnel pour la mise en place des procédures et
doit lui faire part des
dysfonctionnements.
· Les avantages et les inconvénients de l’organisation
La situation du contrôleur
de gestion lui permet de suivre de près l’activité de l’entreprise
(vision dynamique).
Cependant, il rencontre des difficultés avec les centres productifs : ceuxci
comprennent difficilement
comment sont "bâtis" les chiffres car ils n’en ont pas la même
vision. Il s’agit avant tout
d’un problème relationnel entre les opérationnels et les
fonctionnels, souvent
rencontré dans les grands groupes, mais également dans les PME.
IV/ Point de vue personnel
du contrôleur de gestion
Le contrôleur de gestion que
nous avons rencontré n'estime pas qu'un changement
d’organisation soit
nécessaire. Cependant, il pense que l’organisation n’est pas quelque chose
de figé et qu’il faut
toujours s’adapter aux nouveaux produits et à la réglementation. Il estime
également que le contrôle de
gestion est à sa place dans cette organisation et ce,
vraisemblablement, du fait
de la proximité des services dans une PME.
3. L’organisation du
travail du contrôle de gestion dans un groupe
a. Merck Eurolab S.A.
I/ Présentation de
l'entreprise
L’entreprise MERCK a été
créée en 1668. Elle est aujourd’hui présente dans 45 pays à travers
le monde et emploie près de
28.000 personnes. MERCK est reconnu dans le monde entier en
tant que fabriquant et
fournisseur de produits chimiques et pharmaceutiques de qualité. En
1999, le groupe MERCK
EUROLAB S.A. a été créé suite à la fusion de la société PROLABO
et de sa filiale COFROLAB,
toutes deux filiales à 100% du groupe MERCK.
L’activité est centrée
principalement sur le marché européen, qui représente, à lui seul, 70%
des transactions. Mais le
groupe MERCK EUROLAB est également présent sur les autres
grands marchés : les USA,
l’Asie du sud-est et l’Amérique Latine.
II/ Présentation de
l'organisation du travail du contrôle de gestion
Au sein du groupe MERCK
EUROLAB, le service du contrôle de gestion dépend du service
financier pour des raisons
économiques consécutives aux différentes fusions. Avant cette
situation, le service du
contrôle de gestion dépendait de la direction générale.
· Les missions du contrôle de gestion
Dans cette entreprise, le
contrôleur de gestion :
- pilote et contrôle de
manière permanente les objectifs acceptés pour l’année : gère des
centres de profit en
baissant les coûts pour obtenir des centres de profits rentables ;
- fournit à la direction les
renseignements nécessaires pour éclairer son action (analyses
ponctuelles ou reporting) ;
- pilote l’établissement des
budgets internes et externes ;
- révise les budgets deux
fois par an ;
- élabore les tableaux de
bord pour contrôler la performance des activités ;
- assure les travaux de
clôture mensuels et annuels ;
- établit les comptes de
résultats mensuels ;
- surveille les prix
standard (détermine et contrôle les coûts standard de production) ;
- assure le reporting
interne et externe (chiffre d’affaires, marges, résultats, effectifs,
investissements) ;
- met en place les
procédures de gestion (stocks, cut off…).
· Le rôle du contrôle de gestion
Le rôle du contrôle de
gestion est d'aider et de conseiller les opérationnels et les managers.
· Les qualités du contrôleur de gestion
Il doit, avant tout, être un
excellent technicien. Il doit avoir le sens du relationnel et de la
négociation, afin de pouvoir
accéder à tous les métiers de l’entreprise et de pouvoir "jongler"
entre les opérationnels et
la direction. Enfin il doit savoir être à l’écoute.
Au sein du groupe MERCK, le
contrôleur de gestion est une personne de terrain puisqu'elle va
se déplacer dans toute la
France afin de mieux comprendre les problèmes rencontrés par les
opérationnels dans les
différentes usines et, ainsi, mieux les conseiller.
III/ Conséquences de
l’organisation de l'entreprise
· Le pouvoir du contrôle de gestion dans l’organisation
Au sein du groupe MERCK, le
contrôle de gestion est un service décisionnel et influent. Par
exemple, les contrôleurs de
gestion peuvent décider de continuer ou non une activité, car ils
sont les mieux placés pour déterminer
si cette activité sera profitable à l’entreprise.
· Les liens avec les autres services
Comme on a pu le constater
ci-dessus, le contrôle de gestion est surtout en rapport avec le
service financier. Leur lien
le plus important se situe au niveau de la mise au point sur
l’exactitude des comptes. En
effet, les deux services doivent obtenir les mêmes résultats. On
peut également décrire leur
lien de la manière suivante : la finance est un outil pour le
contrôle de gestion.
De manière générale, le service
du contrôle de gestion entretient de bonnes relations avec les
autres services. Il existe
cependant quelques tensions avec certaines fonctions : par exemple,
lorsque l'entreprise
rencontre certaines difficultés avec les centres de profits, c'est au service
du contrôle de gestion qu'il
appartient de trouver les responsables et celui-ci recouvre alors
l'image d'un "père
fouettard". Mais les relations les plus difficiles sont celles entretenues
avec
le service financier.
· La vision des autres acteurs sur le contrôle de gestion
Les autres acteurs de
l'entreprise estiment que les contrôleurs de gestion sont "doués"
pour les
chiffres mais qu’ils sont
"mauvais" pour les conseils.
IV/ Point de vue personnel
du contrôleur de gestion
Le contrôleur de gestion que
nous avons rencontré pense que l’organisation était meilleure
lorsque son service était
rattaché à la direction générale plutôt qu'à la direction financière : le
soutien était plus fort, le
contrôle de gestion était plus libre et il était enfin plus crédible.
b. Lucent Technologies
I/ Présentation de
l'entreprise
Lucent Technologies est un
groupe américain composé de différentes filiales réparties par
zones géographiques. En ce
qui concerne le site du Plessis-Robinson, celui-ci fait partie de la
zone Middle-est - Afrique et
emploie 700 salariés.
Lucent est un des leaders
mondiaux sur le marché des solutions de télécommunication : il
offre aux opérateurs et aux
grandes entreprises un large éventail de produits.
Le groupe se concentre sur
les secteurs stratégiques à forte croissance tels que les réseaux
optiques et mobiles, les
infrastructures Internet, les logiciels de communication et les services
de conseil pour opérateurs
et grandes entreprises.
Lucent est une entreprise
d'envergure mondiale : en janvier 2001, elle comptait plus de
120.000 collaborateurs avec
des entités ou des distributeurs dans plus de 65 pays. Son siège
est situé à Murray Hill dans
le New Jersey aux USA.
II/ Présentation de
l'organisation du travail du contrôle de gestion
· Les missions du contrôle de gestion
Contrairement à la finance,
qui travaille essentiellement pour l’extérieur, le contrôle de
gestion ne travaille que
pour l’entreprise elle-même (en interne) et est centré sur l’activité
commerciale. Il est possible
de lui définir trois rôles principaux :
- définition des objectifs
quantitatifs des commerciaux en fonction des opportunités de
l'environnement, du marché ;
- établissement des
prévisions liées à la prospection ;
- mesure des écarts entre
prévisions et réalisations.
En conséquence, le travail
du contrôleur de gestion au sein de Lucent Technologies est plutôt
"bureau". Le
contrôleur de gestion travaille au jour le jour : les reportings sont
journaliers
contrairement à ce qui se
pratique généralement (reporting mensuel), ce qui en fait un travail
quotidien obligatoire
répétitif.
· Les liens avec les autres services de l’organisation
Le contrôle de gestion doit
faire remonter le plus d’informations possibles à la direction
générale. En fonction des
résultats, cette dernière met ensuite la pression sur l’équipe
commerciale.
Toutes les données
comptables concernant les commerciaux sont transférées par le service de
la comptabilité au service
du contrôle de gestion afin que celui-ci procède à des vérifications.
De plus, le service du
contrôle de gestion informe régulièrement la comptabilité afin qu'elle
relance les mauvais payeurs.
· La position du contrôle de gestion dans l’organisation
Il s’agit d’une structure
pyramidale où la direction générale, orientée plutôt commerciale, se
distingue de la direction
comptable. Ces deux sous-ensembles ne sont pas responsables l’un
de l’autre mais collaborent
comme nous avons pu le constater ci-dessus.
III/ Conséquences de
l’organisation de l'entreprise
· Le pouvoir du contrôle de gestion dans l’organisation
Le contrôle de gestion n’a
aucune influence sur les décisions stratégiques et
organisationnelles. Les
décisions stratégiques sont prises au niveau international puis
appliquées au niveau local
par les différentes directions générales nationales.
· Les relations avec les autres services
Étant donné que le service
du contrôle de gestion n'influence pas les décisions qui sont prises,
ce dernier n’entretient pas
de relations conflictuelles avec les autres services. Cela signifie
également que son image est
bonne au sein de l’entreprise. Les relations entre responsables de
services sont saines puisque
l’information circule avec fluidité et efficacité avant de parvenir à
la direction.
IV/ Point de vue personnel
du contrôleur de gestion
Le problème rencontré dans
l’organisation est le suivant : les responsabilités ne sont pas
clairement définies, excepté
à très haut niveau. En conséquence, tout le monde a tendance à se
"renvoyer la
balle" et on constate donc une perte de temps effective.
De plus, le contrôle de
gestion n’a pas sa véritable place dans l’organisation puisque Lucent
Technologies n’a pas
d’activité de production mais uniquement une activité de distribution.
Par conséquent, le contrôle
de gestion n’a pas pour rôle de gérer les coûts de production alors
que cette mission constitue
son métier de base. Au sein de cette entreprise, le contrôle de
gestion perd donc de sa
valeur : il en découle une certaine marginalisation par rapport à la
conception de la stratégie.
4. Conclusion
L'aspect dominant qui
ressort de ces entretiens est que chaque société, PME ou groupe,
possède et utilise son
propre contrôle de gestion. En effet, chaque entreprise définit son
contrôle de gestion en
fonction de son activité (industrielle ou commerciale) et de ses
objectifs. C’est pourquoi,
en pratique, il n’existe pas un type d’organisation du travail du
contrôle de gestion, mais de
multiples types, tous adaptés aux spécificités des entreprises au
sein desquelles ils évoluent.
L'internationalisation de
l'économie a vu naître des groupes d'envergure mondiale et la
multiplication de
l'implantation de filiales à l'étranger. C'est pourquoi il est intéressant
d'aborder à présent l'aspect
spécifique des groupes et l'organisation du contrôle de gestion
dans les filiales à
l'étranger.
IV- Les groupes internationaux
: le contrôle de gestion des filiales à
l’étranger
Plus le développement
international prend de l’ampleur, plus le contrôle de gestion doit être
organisé, pensé et adapté en
fonction du marché et de la stratégie de l’entreprise. La
complexité et la
"sophistication" doivent être évitées. Une direction générale attend
d’abord
du contrôle de gestion la
fourniture d’éléments de décision dans des délais de plus en plus
courts. Les structures
doivent être légères, flexibles et dotées d’outils simples mais souvent
remis à jour.
Dans cette recherche de
rapidité et d'efficacité de transmission des informations, le contrôle
de gestion doit traiter des
informations pertinentes, claires et adaptées à un coût acceptable.
Tout système ne fonctionne
que si les hommes sont compétents et bien préparés.
Beaucoup d’entreprises
suivent encore leur activité à travers des "reportings" d’origine
essentiellement comptable
(tendance renforcée par la contrainte de publication trimestrielle
des résultats aux USA. Les
directives européennes vont d’ailleurs dans le même sens). Entre
des entreprises où les
produits et les stratégies se ressemblent de plus en plus, avec des cycles
de vie des produits de plus
en plus rapides, c’est la disposition et l’utilisation correcte de
l’information qui souvent
fera la différence (c’est un avantage concurrentiel). Mais gérer une
telle mission sur une base
internationale va exiger une organisation et une discipline
rigoureuse si l’on veut
recueillir, sélectionner, traiter, diffuser l’information de façon efficace.
Pour cela, il est nécessaire
au préalable de créer des éléments de cohérence par des règles de
procédure communes, servant
pour le reporting, les tableaux de bord, la gestion logistique, la
planification...
Dans un groupe
multinational, le système de contrôle de gestion doit faire en sorte que :
- la société mère puisse
apprécier les performances de ses filiales et analyser leur
évolution ;
- les directeurs de filiales
se fixent et atteignent des objectifs conformes à l’intérêt du
groupe;
- l’autonomie consentie à la
filiale soit compatible avec le besoin de contrôle de la
société mère.
A priori, le problème posé
par la mise en oeuvre d’un tel système n’est pas fondamentalement
différent de celui auquel se
trouve confrontée une grande firme purement nationale, structurée
en divisions ou en unités
juridiquement indépendantes. Mais dans un groupe multinational, la
distance géographique,
économique et culturelle entre la filiale et la société mère le rend
beaucoup plus ardu et en
change même la nature.
Par rapport au contrôle de
divisions ou de filiales nationales, deux séries de difficultés
apparaissent :
- des obstacles d’ordre
économique ou comptable qui rendent difficile la mesure de la
performance de la filiale ;
- des obstacles d’ordre
organisationnel ou stratégique qui nuisent au bon déroulement
du contrôle et contribuent à
entretenir une zone de flou dans le fonctionnement du
système.
Afin de rester fidèle à
notre sujet nous traiterons uniquement des obstacles d’ordre
organisationnel.
Tout d’abord,
attardons-nous, dans une première partie, sur les "modalités du contrôle
de
gestion au sein d’un groupe
international".
1. Les caractéristiques du
système de contrôle de gestion au sein d'un groupe
international
Le système de contrôle d’un
groupe multinational présente habituellement les caractéristiques
suivantes :
a. Un budget
d’investissement non délégué
Le choix des investissements
constitue une sorte de contrôle ultime sur les activités d’une
unité à l’étranger et, en
tant que tel, il est presque toujours le domaine réservé de la maisonmère.
En conséquence, les filiales
étrangères seront, non des centres d’investissement, mais
des centres de profit.
b. Une procédure
d’élaboration des budgets rigoureusement définie mais pouvant
relever d’une approche
"autonomiste" ou "intégratrice"
La coordination et
l’homogénéité des prévisions budgétaires sont généralement assurées par
un épais manuel de
procédures. Ce document, source de lourdeurs dans le fonctionnement du
système, contraint les
acteurs à utiliser un mode de raisonnement commun et à présenter le
fruit de leur réflexion sur
des formulaires standard. Toutefois, selon la culture du groupe, la
procédure de détermination
des budgets peut suivre une logique d’intégration ou de laisserfaire.
· L’approche "intégratrice"
Le responsable de division
expose aux responsables de zone, les objectifs à suivre en matière
de politique de produits.
Sur cette base, les responsables de zone établissent, pour chaque
filiale, une note
d’orientation qui fixe les objectifs et les performances à atteindre selon les
caractéristiques du pays
d’implantation. Partant de ces indications, le directeur de filiale
propose un plan d’action, un
budget correspondant et un programme d’investissements. Une
négociation s’engage alors
avec les supérieurs hiérarchiques et les contrôleurs de gestion sur
le bien fondé des
propositions. Si celles-ci sont acceptées, la prévision devient l’objectif du
responsable de filiale,
l’acceptation du programme d’investissements n’étant toutefois
définitive que lorsque la
maison mère a donné son accord.
Cette méthode est préférable
lorsque les besoins de coordination des activités sont grands
(l’interdépendance des
capacités de production est mieux prise en compte). Elle accélère
l’élaboration des budgets
(évite des navettes inutiles). D’emblée, les responsables de filiale se
fixent des objectifs
compatibles avec ceux du groupe. Cette méthode facilite également la
prise en compte de toutes
les contraintes qui dépassent le cadre étroit de la filiale (concurrence
internationale...).
La contrepartie est qu’elle
peut conduire à des prévisions moins fiables localement et qu’elle
laisse peu d’initiatives aux
responsables de filiale et devient source de démotivation.
· L’approche "autonomiste"
Ce système se caractérise
par une variété de procédures selon les types de filiales, ce qui
permet de bien appréhender
les spécificités des différentes situations. Les budgets sont établis
dans la monnaie, la langue
et les normes locales et ne font pas l’objet de consolidation. Ils
sont certes approuvés par la
maison-mère, mais il s’agit le plus souvent d’un acte formel, car
le siège fait confiance aux
filiales.
Pour construire le budget du
groupe, la maison-mère demandera aux unités de lui fournir des
données déterminées par
grandes masses (en respectant le manuel des procédures) ou
exprimées de façon plus ou
moins qualitative.
Cette approche nécessite
plus de temps et d’échanges d’informations entre les parties, puisque
le projet d’ensemble et les
prévisions établies localement ne seront rendus compatibles qu’ex
post. Mais, en laissant plus d’initiatives aux unités, elle est
habituellement plus motivante.
· Un système de reporting complexe
Le système de reporting est
un élément clé du système d’information de gestion. Il assure la
remontée de l’information,
depuis les unités élémentaires jusqu’au sommet du groupe. Grâce
à lui, les responsables de
tous niveaux ont connaissance des résultats et peuvent entreprendre
la mise en oeuvre d’actions
correctives ou les suggérer simplement. Il fournit également les
données nécessaires aux
besoins locaux des filiales (détermination de l’impôt, dossier de
crédit...) et à
l’établissement des comptes consolidés du groupe.
Le fait de répondre à des
missions aussi diverses entraîne cependant des difficultés. Selon les
préoccupations, la nature
des informations à transmettre (leur fréquence d’émission) n’est pas
forcément la même. La
consolidation demande une homogénéisation préalable des procédures
comptables. L’obtention des
résultats par filiale, par secteur d’activité ou par zone
géographique est souvent peu
commode, car les structures juridiques du groupe ne coïncident
pas avec ses structures de
gestion. Un travail important de retraitement et de mise en forme de
l’information s’avère donc
nécessaire.
Aussi, abordons désormais le
problème des obstacles au fonctionnement d’un système de
contrôle de gestion à
l’international.
2. Les obstacles au
fonctionnement d’un système de contrôle de gestion à l’international
Le contrôle de gestion des
filiales à l’étranger bute, entre autres, sur deux difficultés :
- la distance (géographique,
économique et culturelle) existant entre la maison-mère et ses
filiales, qui rend toute
gestion prévisionnelle à la fois plus indispensable et plus délicate à
mettre en oeuvre ;
- l’incompatibilité qu’il
peut y avoir entre la construction d’un système efficace de contrôle
de gestion et la volonté de
réaliser des arbitrages financiers ou commerciaux que
l’environnement
international rend possible.
a. Les inconvénients de la
distance
La distance entre la filiale
et la société mère pousse à la décentralisation, à l’autonomie des
filiales, mais elle tend
aussi à diminuer l’efficacité du contrôle au niveau de l’ensemble du
groupe.
Lorsque le contrôle
s’effectue par le biais d’un système budgétaire, les différences culturelles
de pays à pays risquent de
rendre inopérantes les observations de la société mère aux
propositions budgétaires de
la filiale. Cette dernière est en effet en mesure de se retrancher
derrière des particularités
locales pour négocier un budget trop facile à respecter, ou justifier
en fin d’année des écarts
négatifs par rapport à celui-ci. Les dirigeants de la maison-mère
peuvent ne pas être en
mesure d’apprécier la valeur des arguments avancés.
Dans un groupe purement
national, les dirigeants de la société mère ont une connaissance
profonde et intuitive de
l’environnement économique, puisqu’ils y vivent depuis toujours.
Toute assertion pourra être
appréciée et toute explication évaluée.
Cette connaissance profonde
et intuitive n’existe pas pour des filiales à l’étranger. Ici, le
spécialiste est le directeur
de la filiale : c’est lui qui connaît mieux que quiconque
l’environnement local, qu’il
soit originaire du pays ou envoyé par la maison-mère. Personne
dans la société mère n’est
vraiment en mesure de contester ce qu’il affirme.
La distance constitue donc
un obstacle au contrôle de la maison-mère, et cette situation est
d’autant plus critique que
le nombre de pays d’implantation est grand et que ces pays sont
hétérogènes, tant au niveau
de leur développement économique, de leur culture ou de leur
système politique,
administratif et social.
b. Quelques solutions
a) La mise en place de
directions régionales
La création de directions
régionales, chargées du contrôle des filiales situées dans une zone
géographique donnée,
présente les avantages suivants :
- elle réduit la distance
entre l’unité contrôlée et le centre de contrôle ;
- elle permet une meilleure
connaissance des particularités locales et une meilleure
coordination de l’action des
filiales qui dépendent d’une même zone.
Mais il arrive aussi que la
création d’une zone géographique ne fasse que déplacer le
problème de la communication
à un échelon plus élevé. La direction régionale peut faire écran
entre les filiales
étrangères et la maison-mère, accroître les distorsions dans les messages
transmis.
b) Une bonne politique des
ressources humaines
Un système de contrôle de
gestion efficace nécessite une bonne circulation de l’information
donc une communication
fluide. Cela entraîne une bonne gestion de la mobilité du personnel
dirigeant.
Une des solutions consiste à
gérer les filiales avec des cadres locaux et à employer, au niveau
de la société mère, des
spécialistes de zone géographique qui seront capables de communiquer
avec les cadres des
filiales.
Une autre solution consiste
à employer des cadres étrangers ou des cadres du pays de la
société mère ayant une
expérience internationale. Dans la filiale, les cadres seraient
principalement du pays de la
filiale mais auraient l’expérience de la société mère.
c. L’existence d’arbitrages
internationaux
Dans le domaine financier,
la scène internationale permet une plus grande variété des sources
de financement, un plus
grand éventail de placements possibles, une multiplicité des
monnaies utilisables, une
multiplicité des structures légales utilisables et des différences
fiscales de pays à pays.
Cela implique d’une part, une certaine centralisation, contradictoire
avec l’autonomie de la
filiale, et d’autre part une modulation des profits au moyen de prix de
cessions internes trop
élevés ou trop bas, de prêts interfiliales à des taux d’intérêt très bas ou
très élevés, de facturations
de prestations de services à des prix excessifs ou trop faibles,
d’arrêtés de compte à des
dates différentes, toute chose qui introduit de l’arbitraire dans la
mesure de la performance des
filiales.
3. Une solution de
synthèse aux problèmes rencontrés : le système unifié d’information
de groupe (SUIG)
a. Principe
Il s’agit d’un système
unique qui répond aux besoins d’information dans les domaines de la
comptabilité, du contrôle de
gestion et de la trésorerie, et qui assure la cohérence des données
remontées des différentes
filiales pour les trois domaines précités.
L’unification n’est
souhaitable que si les trois domaines ont des préoccupations suffisamment
communes et si les entités
de base partagent les mêmes facteurs clé de succès. La mise en
place d’un SUIG suppose
aussi que le groupe puisse se satisfaire d’un reporting
essentiellement financier.
Ce système est recommandé pour les groupes décentralisés, ceux où
le contrôle de la gestion
opérationnelle (gestion commerciale, gestion industrielle) se réalise
au niveau de la filiale à
partir de ses propres indicateurs (essentiellement physiques), et où le
contrôle de gestion du siège
est surtout un contrôle financier. Le SUIG est aussi recommandé
aux groupes à activité
unique (sidérurgie, presse, édition…). Dans une telle situation, un
contrôle de gestion depuis
le siège est efficace, car les informations sont pertinentes et
suffisantes pour appréhender
l’activité de chaque entité.
Par contre, le SUIG est
déconseillé pour les petits groupes diversifiés sans réel contrôle de
gestion dans les unités. La
disposition de la seule information financière est insuffisante pour
assurer le contrôle depuis
le siège.
b. Fonctionnement
La comptabilité réalise ses
calculs en faisant référence aux structures juridiques. Le contrôle
de gestion analyse les
résultats par branche, par zone géographique, par fonction, etc.
A l’intérieur d’un groupe,
nombreuses sont les filiales qui ont des activités multibranches.
Aucun problème ne se pose
pour celles où chaque métier est exercé par un établissement
distinct ayant sa propre
comptabilité. Mais, dans les filiales à comptabilité unique, le SUIG
doit permettre une
comptabilité par branche.
Une première solution
consiste à restructurer le groupe et l’information comptable d’une
manière telle que l’unité de
base soit une entité opérationnelle mono-branche. Toutes les
informations seront saisies
à ce niveau et une table des structures les agrégera selon les
besoins, soit par branche,
par pays, par entité juridique.
Une deuxième solution
consiste à conserver l’organisation actuelle et à associer à chaque
donnée un code dépendant du
type d’analyse et du type de document que l’on souhaite
obtenir. Toute donnée se
verra ainsi attribuée un code branche, un code pays, un code
fonction, etc., et les états
comptables et de gestion seront la résultante de tris effectués sur tel
ou tel code.
Conclusion
Dans notre première partie,
nous avons mis en évidence l'influence de l'environnement
économique sur le
fonctionnement de l'entreprise et, par conséquent, sur l'organisation du
travail du contrôle de
gestion. Dans notre seconde partie, nous avons développé l'aspect
théorique de cette
organisation. Puis nous avons, dans notre troisième partie, confronté la
théorie à la pratique avant
d'aborder, dans notre quatrième et dernière partie, l'aspect
spécifique de l'organisation
du travail du contrôle de gestion à l'international.
En conclusion, il faut noter
que les techniques du contrôleur peuvent être les mêmes dans
toutes les entreprises mais
que le rôle, l'importance et la place accordés au contrôle de gestion
sont fonction des stratégies
adoptées, dans le cadre du métier de l'entreprise, ainsi que de la
culture de l'entreprise et
des comportements psychosociologiques des acteurs et des
dirigeants. Il n'existe donc
pas un modèle unique et universel d'organisation du travail du
contrôle de gestion, mais
autant d'organisations possibles qu'il existe d'entreprises.
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