Traditionnellement, le contrôle de gestion permet de régir les
relations entre le supérieur et son subordonné : il s’inscrit dans une
lecture verticale des structures organisationnelles. Il repose alors sur
trois principes fondamentaux : le principe de responsabilité, le principe
de contrôlabilité et le principe d’exhaustivité.
Cependant, depuis une dizaine d’années,
cette vision « classique » du contrôle de gestion est remise en cause
par l’apparition du management de la performance qui repose sur une lecture
plutôt horizontale des structures de l’organisation : la
responsabilité des centres auparavant individuelle devient collective, des critères qualitatifs
émergent et la gestion de la performance se base sur la gestion de processus ou
de projets.
C’est
ce changement de perspective que retrace cette partie.
1- Contrôle de
gestion et structure organisationnelle verticale
ou classique
A. La notion de centre de responsabilité
Un centre de responsabilité est un sous ensemble de
l’entreprise, correspondant à la structure de celle-ci et qui
possède :
-
une délégation réelle d’autorité
assortie de moyens humains, financiers et matériels
-
pour atteindre des objectifs
quantifiés et datés,
-
dont on procède à un suivi
périodique à travers un contrôle budgétaire, un reporting.
a)
Ses principes fondamentaux
Le
principe de délégation et les centres de responsabilité reposent sur l’idée que
la délégation d’autorité va davantage responsabiliser et motiver le personnel
au sein d’une entreprise. Cette structure organisationnelle permettrait une
prise de décision au plus près du terrain. Le risque est cependant que les
intérêts de chaque centre soient privilégiés au dépit de l’intérêt de
l’entreprise dans son ensemble.
Les
principes qui gouvernent cette structure sont :
-
le principe gigogne de
responsabilité : le subordonné reçoit des moyens et un pouvoir de son
supérieur hiérarchique en contrepartie de l’engagement d’atteindre certains
objectifs. Il n’y a pas de fuite de responsabilité entre les niveaux
hiérarchique : au contraire, elle se démultiplie.
-
le principe de contrôlabilité :
le centre de responsabilité ne sera évalué que sur des éléments dont il a la
maîtrise. Dans la pratique, ce principe est souvent bafoué.
-
le principe
d’exhaustivité : il consiste à s’assurer que au moins un manager est
responsabilisé pour chacun des critères financiers dont la somme aboutit au
compte de résultat et au bilan.
b)
Typologie des centres de
responsabilité
Les centres de responsabilité sont classés en
fonction de leur action sur les éléments du bilan et du compte de résultat. On
distingue :
·
Les centres de
coût :
-
les centres de coût productifs :
leurs coûts sont estimés facilement par rapport à un volume de production donné
car ils sont en relation directe avec le processus de production. Il s’agit par
exemple d’usines ou d’ateliers. Les instruments de contrôle de gestion utilisés
sont classiques : mesures de quantités, qualité produite, coût standard…
-
les centres de coûts
discrétionnaires : il s’agit de centres pour lesquels il est difficile
d’établir une relation entre le niveau des coûts et la mesure de leur
prestation. C’est le cas de des activités comme l’informatique, les ressources
humaines, la comptabilité, le marketing… Il en résulte un problème de contrôle
et d’évaluation de ces centres.
·
Les centres de
revenus : ils sont plutôt rares. Ils maîtrisent uniquement le chiffre
d’affaire ou le volume des ventes. Leur objectif est l’atteinte d’un certain
volume de vente.
·
Les centres de
profit : ils correspondent au premier niveau de réelle délégation
puisque c’est ici qu’apparaît des arbitrages et des décisions pour jouer sur le
niveau des coûts. Ils correspondent par exemple aux directions, divisions qui
regroupent fabrication et commercialisation. Leur objectif est la réalisation
d’une marge.
·
Les centres
d’investissements : Ce sont des centres de profit qui maîtrisent des
actifs économiques. Les deux critères utilisés pour mesurer leur performance
sont le retour sur investissement (ROI) ou le bénéfice résiduel.
|
c)
Le problème de la cohérence
du système de contrôle de gestion
Afin d’assurer la cohérence du système de contrôle de
gestion lors de la mise en place d’une structure en centre de responsabilité,
la nature et les objectifs des centres doivent être en cohérence avec :
-
leur champ d’action
-
les critères d’évaluation de la
performance définis pour ce centre
-
les règles qui gouvernent les
achats et transactions internes et les prix de cession internes
Exemple : Un service
informatique pourrait être un centre de coût. Ses objectifs porteraient sur son
coût, la qualité et la fiabilité des données. S’il est mis en concurrence avec
un prestataire extérieur, il va devoir dégager une rentabilité suffisante pour
subsister. Il devient alors un centre de profit et son objectif premier est la
rentabilité.
Le plus important n’est pas le choix de la nature du
centre de responsabilité (qui reste politique) mais bien la cohérence de ce
choix avec son degré d’autonomie, son pouvoir de décision et les critères
d’évaluation de la performance.
d)
Les critères financiers
d’évaluation de la performance
Le
système de mesure de la performance de la structure organisationnelle classique
repose essentiellement sur des critères financiers et en particulier sur le B/A
(ou ROI). Celui-ci pose pourtant un certain nombre de problèmes.
Tout
d’abord, il apparaît complexe à calculer en raison de la difficile mesure du
bénéfice et de l’actif. De nombreuses questions sont à résoudre lors de leur calcul :
comment répartir les coûts du siège ? Quelle méthode comptable utiliser
concernant les amortissements par exemple ? Faut-il utiliser l’actif en
valeur nette, brute ou de remplacement ? Etc.…
Ensuite,
l’utilisation du B/A comme critère unique de mesure de la performance a des
limites. Trop synthétique, il reste abstrait et peu parlant. Plus grave, il
peut cacher la dégradation d’autres indicateurs et induire des réflexes
individualistes et de court terme de la part des responsables. Enfin, les
projets de recherche, de développement, d’innovation technologique sont
difficiles à traduire et à justifier dans le B/A.
B. Les échanges entre centres de responsabilité basés sur
l’établissement d’un prix de cession
interne
a)
Définition et objectifs des
prix de cession internes
Un prix de cession interne (PCI) est la valeur à
laquelle un bien ou un service est cédé entre deux entités d’une même
entreprise.
Un
système de prix de cession interne est l’ensemble des règles de
valorisation des échanges adopté par une firme. C’est un mode de
réintroduction du marché dans l’entreprise. La mise en œuvre d’un système de
PCI consiste au premier abord à répartir le résultat global entre centres de
responsabilité. Mais c’est également un moyen de responsabilisation. Par
exemple, dans le cas d’un centre de coût, la facturation des prestations doit
inciter à réduire les dépenses.
Les
objectifs d’un système de PCI :
-
déléguer la prise de décision
-
tout en préservant l’intérêt
économique global de l’entreprise
-
mesurer la performance des centres
de responsabilité
Cependant, le système de PCI peut poser deux
problèmes :
-
il peut aboutir à l’établissement
de rentes de situation au profit de certaines divisions
-
l’intérêt à court terme d’une
unité peut aller à l’encontre de ceux de l’entreprise.
b)
Les deux logiques régissant
le choix des prix de cession interne
La
logique de la relation client-fournisseur est à la base de la valorisation des
transferts. Elle créé à l’intérieur même de l’entreprise, une relation de
marché comme une autre.
La relation client-fournisseur entre centre de
responsabilité
Il
existe deux façons d’approcher la relation client-fournisseur :
· La logique
d’intégration :
Ø
L’entreprise
est le seul lieu d’échange
Ø
L’enjeu
pour chaque unité est la maîtrise des coûts
Ø
La
facturation interne est basée sur le coût
· La logique de marché :
Ø
Chaque
entité de l’entreprise est libre de s’approvisionner en interne ou sur un
marché
Ø
Toute
entité est centre de profit
Ø
La
facturation interne est basée sur le prix du marché
c)
Les méthodes de
valorisation
Il s’agit du
choix entre une logique de coût et la référence au marché.
1)
La valorisation au coût
standard (logique d’intégration)
On
peut utiliser le coût standard variable ou un coût standard complet de la
prestation cédée qui intègre les coûts fixes mais seul le premier est
utilisable sans risques.
Avantages du
coût standard
|
Inconvénients du
coût standard
|
· Le fournisseur est
responsable du coût réel.
· Le client est responsable des quantités consommées.
· Le système est simple,
lisible, rapide.
|
· Le calcul du coût standard requiert une grande
stabilité de l’environnement et du volume d’activité
· Ce système suppose que les coûts du fournisseur sont
budgétisables.
· Le standard peut manquer de réalisme par rapport au
marché et aux coûts réels.
|
2)
La valorisation au prix du
marché (logique de marché)
Chaque unité est en situation de concurrence car
chacun peut vendre ou s’approvisionner sur le marché extérieur. La limite
supérieure du PCI est alors le prix pratiqué sur l’ensemble du marché.
Avantages du prix
du marché
|
Inconvénients du
prix du marché
|
· Les protagonistes sont
considérés comme des entités autonomes.
· La performance de chacun ne dépend que du centre de
responsabilité lui-même et du marché
· Le profit constitue un
critère pertinent d’évaluation de la performance.
|
· La comptabilisation des transactions est
considérablement alourdie.
· La présence d’un marché concurrentiel est nécessaire.
· Le système nécessite un arbitrage externe et/ou la
mise en place de règles de concurrence.
|
3)
Autres méthodes de
valorisation
·
La gratuité des échanges
internes : utilisable lorsque la mise en place d’un système de PCI est
trop coûteux mais la gratuité peut mener à des excès.
·
La valorisation au coût
comptable réel : ce système de facturation permet de faciliter les
procédures comptables mais il ne répond pas à la logique de fonctionnement en
centres de responsabilité.
·
Les logiques
mélangées : elles ne peuvent concerner que des cas temporaires ou
transitoires. Il s’agit par exemple de la situation où le fournisseur est en
logique d’intégration et le client en logique de marché.
Synthèse :
Objectifs du
système de PCI
|
Valorisation
possible
|
|||
Coût standard
variable
|
Coût standard
complet
|
Coût réel
|
Prix du marché
|
|
Suivre le résultat
comptable
|
|
|
×
|
|
Evaluer la responsabilité financière des centres
|
×
|
|
|
×
|
Prendre des décisions
|
×
|
×
|
×
|
×
|
2- Contrôle
de gestion et nouvelles structures organisationnelles
Le
contrôle de gestion se base donc sur une vision hiérarchique et verticale de
l’organisation dans son approche traditionnelle. Au final, cette forme
organisationnelle n’est pas forcément la plus efficace pour piloter et gérer
une entreprise. Dans cette partie deux autres formes vont être
présentées : la gestion des processus et la gestion par projet.
A. Le management des activités et
des processus
a)
Pourquoi gérer un
processus ?
L’organigramme
d’une entreprise ne reflète pas la façon dont le travail est organisé pour
produire un bien ou un service. Par exemple, dans un hôpital, un malade
hospitalisé dans un service va se rendre à la radiographie, au bloc opératoire,
passer dans les services administratifs… La compétitivité d’un entreprise est
mesurée par sa capacité à gérer cet ensemble d’activités qui traversent de
façon horizontale l’organigramme alors que le contrôle de gestion dans sa
vision traditionnelle se focalise sur l’articulation entre les différents
niveaux hiérarchiques au sein de chaque fonction.
La
maîtrise de la dimension horizontale, c’est-à-dire la maîtrise de la
coordination entre les différents services apparaît nécessaire car c’est en
elle que se trouvent les principaux gisements d’amélioration de la firme. La
gestion des processus a pour but de réintroduire cette dimension transversale.
b)
Qu’est-ce qu’un
processus ?
Bien qu’il n’existe pas de consensus véritable sur sa
définition, on peut admettre qu’un processus est un enchaînement d’activités
qui concourent à la création d’un bien ou d’un service destiné à un client
final ou à d’autres services dans l’entreprise.
Ø
Processus et activités :
une activité n’appartient qu’à un seul service alors que le processus peut
mettre en cause plusieurs services.
Ø Processus et projet :
Processus
|
Projet
|
· Répétitif
· Continu, permanent
· Des éléments de processus pris isolément peuvent
avoir une valeur
· Des outputs multiples
|
· Unique
· Limité dans le temps
· N’a de valeur que dans son ensemble
· Un seul ouput
|
c)
Comment contrôler un
processus ?
Un processus
doit comporter :
·
Un responsable :
Il est appelé responsable de processus. La création
d’une structure de responsabilité horizontale mène souvent à une combinaison
avec la structure verticale c'est-à-dire à une structure matricielle qui peut
conduire à la domination de la fonction ou des processus.
·
Des objectifs :
La définition des objectifs part du produit fini,
c'est-à-dire du client en remontant les étapes du processus. Il peut exister
des conflits entre la fixation des objectifs au niveau horizontal et vertical.
Certaines solutions sont envisageables (comme la segmentation des objectifs
selon leur nature, l’harmonisation par négociation…) mais aucune n’est pour
l’instant parfaite.
·
Un système de mesure de
la performance :
Les pratiques d’évaluation de la performance
dépendent de la structure organisationnelle adoptée :
-
Si le processus existe en tant que
structure organisationnelle (avec une autorité et un pouvoir) alors le
responsable sera jugé sur les objectifs du processus. Il doit obtenir la
collaboration des différentes activités.
-
Si
le processus n’est pas doté d’une structure organisationnelle, il sera
nécessaire d’utiliser une grille d’évaluation qui inclut des critères
économiques mais aussi des critères permettant de mesurer la contribution du
service aux procédures.
De
façon générale si on veut contrôler un processus, l’objectif général doit être
assorti d’indicateurs qui restent fluctuants car ils sont fonction de l’attente
des clients. Ce contrôle peut se limiter à certains points critiques.
B. Le management par projet
a)
Pourquoi le management par
projet ?
·
Raisons économiques :
Le
contexte concurrentiel actuel, qui se base sur un accroissement important de la
variable temps dans la compétition d’entreprise, est une des raisons de
développement du management par projet. Il permet de mieux mobiliser les ressources surtout humaines.
·
Raisons
organisationnelles :
Face
à une demande de plus en plus flexible, les organisations traditionnelles
faites pour la production de biens ou de services en grande quantité ne sont
plus adaptées. Cette nouvelle exigence de flexibilité et réactivité implique la
coordination de tâches transversales qui peut-être réalisée par le management
par projet.
b)
Qu’est-ce qu’un
projet ?
·
Tentative de
définition :
Définition
anglo-saxonne : un projet est une entreprise dans laquelle des
ressources humaines, matérielles et financières sont mises en œuvre de manière
nouvelle pour gérer un champ unique de travail, de spécification définies, avec
des contraintes de temps et de coût, de manière à aboutir à un changement
positif défini par des objectifs quantitatifs et qualitatifs.
Définition adoptée en France : un projet est
une démarche spécifique qui permet de structurer méthodiquement et
progressivement une réalité à venir.
·
Nature et
caractéristiques d’un projet
-
Il est unique et non répétitif et
possède un début et des délais.
-
Il se caractérise par une gestion
de temps assortie de la gestion d’une équipe. La difficulté est de faire
travailler ensemble des acteurs dont le langage et la culture professionnelle
divergent.
Ces
caractéristiques diffèrent selon le type de projet considéré.
c)
Techniques et typologies du
management par projet
·
La méthodologie de
gestion de projet :
La gestion de projet s’articule autour de 8
pôles :
- Projets à vocation économique et projets
organisationnels
-
Projets à vocation
économique : il s’agit de la mise sur le marché de produits nouveaux,
du développement d’activités sur d’autres territoires. Ce sont ceux qui se
prêtent le mieux à l’utilisation d’une méthode rigoureuse proche de celle ci-dessus.
-
Projets organisationnels :
il s’agit de projets dont il est plus complexe de mesurer la valeur ajoutée et
la rentabilité économique (par exemple, la mise en œuvre d’un nouveau système
de comptabilité de gestion, le changement des modes de travail…)
Dans la réalité, aucun projet n’est totalement
économique ou organisationnel.
d)
L’évaluation de la
performance des projets
L’évaluation contient deux étapes :
-
En amont, au moment du choix de
l’allocation des ressources et dans le suivi et le contrôle de ces choix. Il
s’agit de réaliser une évaluation stratégique et économique des projets.
-
En cours de projet, où il sera
réalisé un pilotage opérationnel.
Ces deux
étapes de l’évaluation pourront tirer profit des nouveaux outils du contrôle de
gestion et en particulier de la démarche OVAR.