l s’agit de connaître les
autorités et procédés techniques qui donnent naissance à ces règles générales
dont l’ensemble forme le droit objectif.
La loi constitue la principale
source de ce droit objectif et ce qu’il s’agisse de la loi proprement dite
(celle qui est votée par le parlement : ces lois sont désignées par les
termes : textes législatifs) ou des règlements ou textes réglementaires
qui émanent du pouvoir exécutif.
Les principales sources de
droit marocain étant les lois et règlements, on peut légitiment se demander
s’il existe d’autres sources en droit positif.
Ainsi peut on se demander si la
coutume qui n’émane pas d’un corps constitué mais de simples pratiques
populaires est elle une source de notre droit ? De même, au Maroc la
religion n’étant pas séparée de l’Etat, peut on considérer les principes
traditionnels du droit musulman comme des sources de droit ? Pour répondre
à ces question, nous serons conduit à distinguer à travers deux chapitres, les
sources traditionnelles et les sources modernes du droit marocain.
CHAPITRE I :
SOURCES TRADITIONNELLES
I – Le droit musulman
La vie moderne ne cessant
d’engendrer des besoins nouveaux, on pourrait croire que la loi islamique n’est
plus tout à fait adaptée aux conditions de vie actuelle des marocains. A
l’exception de la Turquie ou de l’Albanie qui ont laïcisé leur droit et
remplacé la loi coranique par des codes européens, la plupart des pays
musulmans continuent à proclamer leur attachement à l’islam et au droit
musulman dans leur codes, constitution ou lois (cas de la constitution
marocaine du 7 octobre 1996 « royaume du Maroc est un Etat musulman et
l’islam est religion d’Etat »). Malgré ce courant favorable au droit
musulman, il reste que les régimes islamiques s’efforcent aux droits européens.
S’agissant du droit marocain, la loi marocaine d’unification du 26 janvier 1965
a introduit d’importantes réformes et a réduit le domaine d’application du
droit musulman classique. Si le droit musulman traditionnel constitue encore
une source fondamentale de notre droit positif, c’est surtout en matière de
statut personnel, familial et successoral et dans le cadre des immeubles non
immatriculés que cette assertion peut se vérifier.
A – Principales innovations introduites par le code du
statut personnel en 1957-1958 et en 1993
A deux reprises, la moudouana a
fait l’objet de réformes : déjà en 1957-1958, puis en 1993 où les
innovations introduites répondaient au souci d’améliorer davantage la condition
juridique de la femme et des enfants mineurs.
Mais ce n’est que le 16 janvier
2004 qu’un nouveau code est adopté à l’unanimité par le parlement et un mois
plus tard, il sera publié au bulletin officiel et son entrée en vigueur est
immédiate. Mohamed VI dans son discours du 10 octobre 2003, abolit par un texte
novateur des dispositions consacrant plusieurs siècles d’inégalités entre les
hommes et les femmes.
1 – Innovations introduites en 1957-1958
a – Age
matrimonial et le consentement au mariage
Age matrimonial :
Les rédacteurs ont voulus
mettre fin aux mariages précoces qui risquent de nuire à la santé et scolarité
de l’enfant. Ce sont ces préoccupations qui ont incité le législateur de 1957 à
substituer au critère archaïque de la puberté (degré de développement corporel
ou physique de l’individu), la notion d’âge moderne matrimonial (capacité de
contracter mariage à 18 ans pour l’homme et 15 ans révolus pour la femme)
Consentement au mariage :
Le consentement des futurs
époux est exigé de sorte que le père ne peut imposer le mariage à ses filles à
n’importe quel âge. Donc le mariage n’est plus valable si ceux qui ont décidé
de s’unir n’ont pas donné leur propre consentement.
b – Polygamie :
La femme a le droit de demander
que son mari s’engage dans l’acte de mariage à ne pas lui adjoindre de coépouse
et à lui reconnaître le droit de demander la dissolution du mariage au cas ou
cet engagement serait violé. Si elle ne s’est pas réservée ce droit d’option et
que le mari contracte un nouveau mariage, elle peut saisir le juge pour
apprécier le préjudice que lui cause la nouvelle union.
c – Dot :
La dot est la propriété
exclusive de la femme qui en a la libre disposition. Les biens dotaux ne sont
donc plus attribués au père de la future épouse. De même, l’époux n’est pas
fondé à exiger de sa future, un apport quelconque de meubles, literies ou
effets vestimentaires en contrepartie de la dot convenue.
d – Tutelle dative :
Dans le cadre du droit musulman
la tutelle peut être légale (exercée de plein droit par le père et à son décès
par le cadi), ou testamentaire (désignation du vivant du père et par testament
d’un tuteur à ses enfants incapables). L’innovation introduite par le code
réside dans la suppression de l’exercice de la tutelle légale par la cadi et
son remplacement par une tutelle dative. Autrement dit, la gestion des biens du
mineur doit être assurée dans le cadre familial par un proche parent et non par
le tuteur datif (mouquadam).
e – La répudiation :
Le législateur prive d’effet la
réputation conditionnée par l’ivresse, la contrainte ou colère irrésistible,
par l’accomplissement d’acte positif ou abstention.
De même, consacre la fin de la
répudiation multiple ou répudiation innovée par trois. Ce sont celles qui se
réalisent par une seule formule : elles sont prohibés ou ne valent que
comme répudiation unique.
Enfin, en matière de
dissolution de mariage, le législateur au sein de l’article 52 bis de la
moudouana, à instauré une indemnité (don de consolation), dont le montant est
fonction des ressources du ménage et du tort causé par le mari qui aura abusé
de l’usage du droit de rompre unilatéralement le lien conjugal. Ce don est
obligatoire.
f – Durée de grossesse :
La durée de grossesse est
limitée à 1 an à compter du jour de la répudiation ou décès. Le législateur n’a
pas non plus totalement abandonné la théorie de l’enfant endormie car en cas de
doute, l’article 76 permet de prolonger la durée de grossesse mais cette
prolongation ne sera accordée que par voie de justice ou suite à une expertise
médicale.
g – Testament
obligatoire :
Vise le cas de l’enfant qui
décède avant le père ou en même temps que lui tout en laissant des descendants.
Or les petits enfants n’ont aucun droit sur la succession du grand père. Ils ne
peuvent revendiquer des droits successoraux que leur propre père n’avait pas
reçus. Pour résoudre cet obstacle, le droit positif dans certains pays
musulmans, a fait appel à une fiction juridique qui est celle du testament
obligatoire.
On présume que le grand père
manifesterait la volonté de disposer d’une partie de ses biens au profit de ses
petits enfants. En effet tout musulman a le droit de disposer par testament du
tiers de sa fortune et l’innovation consiste à faire de ce legs facultatif un
legs obligatoire destiné aux enfants du fils précédé.
2 – Les innovation introduites en 1993
En 1993 la moudouana a fait
l’objet d’une nouvelle réforme ; le défunt roi Hassan II ayant souligné
que la femme marocaine jouit de l’opportunité de prendre part de façon plus
active au développement durable de la société.
a – Les conditions du mariage
La femme majeure dont le père
est décédé, peut contracter mariage sans l’intervention du tuteur et le
consentement de la future épouse est assorti de sa signature au bas de l’acte
de mariage dressé par deux adouls. Obligation est faite aux époux de produire
lors de la conclusion du mariage, un certificat médical attestant qu’ils sont
indemnes des maladies contagieuses (MST).
b – Représentation légale des
enfants :
La mère est pour la première
fois investie de la tutelle légale mais cette tutelle est conditionnée car elle
n’est admise à faire valoir cette tutelle qu’en cas de décès du père ou s’il
est empêché pour cause d’aliénation mentale ou autre. De même, elle est limitée
du fait que la mère ne pourrait aliéner valablement les biens de ses enfants
mineurs que si elle obtient au préalable, l’autorisation du juge, gardien des
intérêts matériels des enfants mineurs.
c – Garde des enfants :
Ce droit est partagé à égalité
durant le mariage. Mais après la dissolution de ce dernier ou en cas de
divorce, la garde revenait en priorité à la mère, à la grande mère maternelle
ou autre selon l’ordre établi par la loi. Le père occupant le 13e
rang. En 1993, tout en confirmant la priorité de la mère, la moudouana
reconnaît au père la prééminence dans ce domaine sur les autres titulaires
potentiels de ce droit en particulier la grande mère maternelle. La loi dans le
même temps, permet à l’enfant de choisir le bénéficiaire de sa garde : dés
12 ans pour le garçon et 15 ans pour la fille.
d – Entretien des
enfants :
La pension alimentaire est à
charge du père ou de la mère si le père est insolvable et la mère fortunée ou
lorsqu’il s’agit d’un enfant naturel.
Cette pension est fonction des
ressources du débiteur et des usages du milieu du bénéficiaire. L’abandon
pécuniaire de la famille est réprimé par le code pénal (art 479-480 : 1
mois à 1 an de prison et amende de 200 à 2000 DH ou l’une de ces deux peines).
e – Divorce :
Les dispositions combinées des
articles 179 et 5 du code de procédure civile et 48 de la moudouana, font du
juge le conciliateur obligé entre les époux en cas de mésentente grave. La
tentative de réconciliation constitue une étape judiciaire gracieuse
indispensable. D’où l’autorisation du divorce par le juge ne peut avoir lieu
que si la tentative de conciliation s’avère infructueuse. Dans ce cas le juge
ordonne la consignation au tribunal d’une caution en garantie des obligations
pécuniaires quoi découlent de la décision de divorce (pension alimentaire et
don de consolation).
f – Création d’un conseil de
famille :
L’article 156 bis prévoit
auprès du juge, un conseil de famille pour l’assister dans sa mission relative
aux affaires familiales. Le conseil de famille assure l’arbitrage en vue de
dissiper les discordes graves entre époux si le divorce, répudiation sont à
craindre. Emet des avis en matière de mariage, dissolution, pension
alimentaire, représentations légales et procédures de statut personnel prévues
par le code de procédure civile.
B – Nouvelles reformes :
Mohamed VI a révolutionné le
statut de la femme marocaine qui va – presque – devenir l’égale de l’homme. Ce
nouveau code rapprochera la femme marocaine de la tunisienne libérée et
l’éloignera du monde algérien. Sur ce sujet sensible, qui fracture la société
marocaine entre traditionalistes et « modernistes », le roi a tranché
clairement en faveur de ces derniers. Le nouveau Code de la famille régit
quatre grandes périodes de la vie conjugale : avant le mariage, le
mariage, le divorce et ses suites. Il nous faut les décortiquées pour mieux
cerner les réelles avancées mais aussi les lacunes des propositions de la
commission.
1 – Avant le mariage :
Age du mariage, égalité sans
concession.
En effet, l’âge légal du
mariage qui était de 15 ans jusqu’alors pour les filles, vient d’être fixé à 18
ans, consacrant ainsi l’égalité entre sexes. Dorénavant, un père désirant
marier sa fille avant 18 ans, devra en formuler la demande auprès du juge du
tribunal familial et justifier la nécessité de cette union.
Quant les femmes deviennent
majeures !
La fin de la tutelle (wilaya),
consacre l’entrée de la femme dans le monde des adultes. Majeure, cette
citoyenne à 100%, jouira désormais d’une identité pleine et entière. A ce
titre, elle pourra, dès sa majorité, être maîtresse de ses choix, exercer sa
propre volonté et son libre consentement. Corollaire de cette majorité arrachée
de haute lutte, plus besoin de la signature du père ou, si elle est orpheline,
de son frère ou de son oncle pour se marier.
2 – Le mariage :
Egalité des droits et
devoirs :
Contracté devant le juge du
tribunal familial, et non plus devant l’adoul ce dernier se voyant reléguer au
rang de simple « rédacteur » jusqu’à présent, le mariage était défini
comme « un contrat légal par lequel un homme et une femme s’unissent en
vue d’une vie conjugale commune et durable », placée « sous la
direction du mari » Dorénavant, la formule proposée parle d’un contrat
légal par lequel un homme et une femme consentent à s’unir en vue d’une vie
conjugale commune et durable » et ce, « sous la direction des deux
époux ». Le changement de formule, lourd de conséquences, institue de
fait, une égalité de droits et de devoirs entre conjoints.
Qu’est-ce à dire des Droits et
des devoirs, pour l’un comme l’autre
C’en est fini de la notion
« d’obéissance de l’épouse au mari ». La notion d’autorité ou de
soumission tombe. Dorénavant, la femme a droit à la parole, être informé des
décisions engageant le couple ou les enfants. Conséquence immédiate de cette
nouvelle philosophie égalitaire, la suppression du devoir de « prise en
charge » pour l’époux (l’épouse ne pourra plus invoquer cette raison comme
motif de divorce). On parle dorénavant de responsabilité mutuelle ».
Deux chefs pour une même
famille
Les deux conjoints sont
dorénavant responsables, au même titre. Ainsi, la bonne marche du foyer, tout
comme l’éducation des enfants, incomberont à M. et Mme.
Du partage des biens
Autre nouveauté, l’institution
du régime de la communauté pour les biens acquis pendant le mariage. Le
rédacteur a introduit la possibilité pour les époux de se mettre d’accord, dans
un document séparé de l’acte de mariage, sur la répartition des biens acquis au
cours de leur union. Le but de cet acte séparé est de « définir un cadre
pour la gestion et la fructification des biens acquis durant le mariage ».
Ainsi, pour la première fois, une femme pourra récupérer, en cas de divorce,
les biens qu’elle aura achetés. Tout le problème sera de prouver qui a acheter
quoi. Or, l’avant-projet évoque, en l’absence d’accord, le fait de recourir
pour le juge « aux moyens généraux de preuve, tout en prenant en
considération le travail de chacun des époux et les efforts qu’il a accomplis
en vue du développement des biens de la famille ».
Mais qu’est-ce que cela
signifie ? à titre d’exemple, le juge considèrera-t-il le travail de la
femme au foyer comme une contribution à l’enrichissement du couple ? Rien
n’est moins sûr, puisqu’en parlant de « moyens généraux de preuve »,
il est ici clairement fait référence au Dahir des Obligations et Contrats (DOC).
Or, ce dernier ne parle pas de « contribution morale » mais seulement
matérielle. La règle étant qu’un justificatif, une facture ou un témoin doit
être produit pour chaque somme supérieure à 250 DH. Ainsi, tout reposerait sur
la bonne volonté de monsieur à mettre au nom de madame certains biens acquis,
pour que celle-ci, dans le cas où elle n’a pas de ressources propres, puisse
les garder après le divorce.
Le polygamie toujours de mise
Interdite ou pas ? En
fait, ni l’un ni l’autre. Disons que cette atteinte flagrante à la dignité de
la femme va se trouver soumise à des conditions draconiennes telles, que sa
pratique en sera rendue difficile. Tout d’abord et dans tous les cas de figure,
le polygame devra en demander l’autorisation au juge des Affaires familiales.
Autorisation qui lui sera donnée s’il arrive à prouver la nécessité qu’il a de
prendre une seconde épouse ou si le juge établit qu’il a les moyens
d’entretenir les deux épouses, et donc de garantir à chacune tous ses droits,
dont l’égalité de traitement, la pension alimentaire et le logement. La
polygamie est également interdite si le mari s’est engagé, lors du mariage, à
ne pas le faire. Ces conditions précitées visent donc à mettre un sérieux frein
à une pratique, déjà tombée en désuétude.
Quoi qu’il en soit, si l’époux
indélicat est « exigible » à la polygamie, le juge est tenu de
justifier l’autorisation qu’il a accordé. Cette décision n’est pas susceptible
de recours. Le rédacteur, voulant limiter autant que possible le recours à cette
pratique anachronique, a cependant prévu une procédure stricte. Entre autres,
la convocation par le juge de la première épouse comme de la future afin de les
informer de leurs nouvelles destinées. L’épouse originelle peut alors demander
le divorce pour « préjudice subi » et l’obtiendra assorti d’un
montant correspondant à ses droits et à ceux de ses enfants.
3 – Le divorce :
Quand l’homme veut
divorcer : Il peut quand il veut, et cela s’appelle encore répudiation.
Changement notable, ce n’est pas vers un adoul qu’il doit se diriger, mais vers
un tribunal et ce sera au juge de donner l’autorisation pour que l’acte de
divorce soit consigné par des adouls. Avant de statuer, le juge doit
impérativement convoquer l’épouse pour une tentative de réconciliation mais il n’est
à aucun moment mentionné que le mari doit justifier sa demande de répudiation.
Dans la nouvelle version, l’homme se voit obligé de s’acquitter de « tous
les droits dus » à l’épouse et aux enfants, avant l’enregistrement du
divorce, et s’il n’en a pas les moyens, il devra renoncer à la répudiation.
Quand la femme veut
divorcer : Pour la femme, il n’est toujours pas question de
« répudier » son mari – sauf si le droit d’option (al isma) a été
stipulé sur le contrat de mariage. Donc, si la femme a le droit d’option – ce
qui est donc exceptionnel – elle peut elle aussi s’adresser au juge, qui
essaiera de réconcilier les deux conjoints. Si la tentative de réconciliation
échoue, le tribunal autorise l’épouse à demander la consignation du divorce et
statue sur ses droits et ceux de ses enfants stipulés dans l’article 84.
Quels autres recours a l’épouse
en cas de volonté de séparation ?
Les mêmes qu’avant, et c’est
toujours aussi compliqué : pour avoir son divorce, il faut qu’il y ait
préjudice. Lequel ? Là aussi, flou total : « Est considéré comme
préjudice justifiant le divorce tout acte ou comportement infamant émanant de
l’époux ou contraire aux bonnes mœurs portant un dommage matériel ou moral à
l’épouse la mettant dans l’impossibilité de continuer la vie conjugale »,
dit-on dans l’article 94. Le harcèlement moral est-il un « comportement
infamant » ? Le viol conjugal ? L’alcoolisme ? La
violence ? Rien n’est précisé, d’autant plus que plus loin, et là aussi
rien n’a changé, la femme est dans l’obligation de prouver qu’il y a eu
préjudice. Sauf que, et il est important de le signaler, la proposition a quand
même ouvert une brèche : il est stipulé clairement que dans le cas de
l’impossibilité de prouver le tort, l’épouse peut « recourir à la procédure
de désunion » (Chiqaq), qui lui permet de ne pas avoir à prouver quoi que
ce soit mais de se dire dans l’impossibilité de continuer de vivre avec son
mari.
Dans quels autres cas la femme
peut-elle demander le divorce ?
En cas de manquements à une des
conditions stipulées dans le contrat de mariage par les deux conjoints (la
polygamie par exemple) et autre nouveauté de taille avancée dans le projet,
l’épouse ne peut demander le divorce pour défaut d’entretien que si elle-même
est dans l’incapacité financière. Logique, puisque le nouveau texte la consacre
définitivement comme un être majeur capable de se prendre en charge elle-même
et que de ce fait, elle n’est plus dépendante moralement et financièrement de
son mari.
Le divorce consensuel :
Les conjoints ont à se présenter
devant un juge et lui faire part de leur volonté de rompre leur union sacrée.
Il essaiera alors, pour la forme, de les réconcilier, et si sa tentative ne
marche pas, il enregistrera le divorce. Reste que le divorce
« consensuel » moyennant compensation est maintenu. Ce qui signifie,
de ce fait, qu’on continue à reconnaître à l’homme le droit de monnayer la
demande de divorce de sa femme. Quant à elle, elle continuera à payer le prix
fort pour sa liberté. Seul changement dans l’histoire : si la femme n’est
pas d’accord sur la somme demandée par le mari – qui peut atteindre des
millions –, elle peut en référer au tribunal, qui, lui, évaluera la
contrepartie du divorce en fonction du montant de la dot, de la durée du
mariage, des raisons justifiant la demande du « khol ». Sauf qu’une
fois de plus, si le mari n’est pas d’accord sur la somme proposée par le
tribunal, il peut toujours se rétracter et refuser le divorce.
4 – Après le divorce :
Un habitant décent et
correspondant à leur niveau de vie doit être obligatoirement assuré à la mère
et à ses enfants avant l’enregistrement du divorce. La commission a décidément
tenu à ce que l’intérêt de l’enfant soit pris en considération. Et pour
preuve :
A la séparation de ses parents,
l’enfant ayant l’âge de 15 ans révolus, a la possibilité de choisir d’être
confié soit à son père soit à sa mère et ce, qu’il soit fille ou garçon.
Grande révolution pour les
mères divorcées : la femme conserve la garde de son enfant même après son
remariage. En effet, son remariage n’entraîne pas la déchéance de son droit de
garde.
Paternité : « Si la
fiancée donne des signes de grossesse, l’enfant est rattaché au fiancé, pour
rapports sexuels par erreur ». Pour que l’enfant soit rattaché au fiancé,
il faut que les familles des fiancés soient au curant des fiançailles de leurs
rejetons, qu’il soit établi que la « fauteuse » est tombée enceinte
lors de la période des fiançailles et que le « fauteur » reconnaisse
avoir semé des grains d’amour dans le ventre de sa promise. Dans le cas contraire,
et grande nouveauté, celle-ci peut recourir aux « moyens de preuve
légale » pour prouver sa filiation.
Héritage : une brèche est
ouverte
En effet, la proposition veut
que les petits-enfants du côté de la fille héritent de leur grand-père au même
titre que les petits enfants du côté du fils.
MRE : Marocains
Ressortissants Etrangers : Vers un mariage civil ?
La réforme de la Moudouana
prévoit en effet que les MRE peuvent conclure leur mariage « en conformité
avec les procédures administratives locales ». Seule contrainte : la
présence de deux témoins musulmans. Qu’est ce à dire ? Pour que le mariage
soit valide, le jeune couple disposera de 3 mois pour déposer une copie de
l’acte auprès des services consulaires dont relève la circonscription où l’acte
a été conclu ou, s’il n’y a pas de consulat, envoyer cette copie au ministère
des Affaires Etrangères.
Adouls : Les nouveaux
aides judiciaires
La création rapide des
tribunaux de famille et la mise en place d’une formation spéciale pour ces
juges des affaires familiales est plus que jamais mise en avant dans le cadre
de la réforme. Or, la principale fonction des adouls était de juger de la
conformité des actes à la charia. Ainsi les référentiels religieux demeurent
mais en instituant des tribunaux, certains estiment que l’on passe d’une
prégnance du religieux à une sécularisation douce. Pour d’autres encore, les
adouls ne seront plus que des aides judiciaires, de simples exécutant en charge
de la rédaction des actes. L’avenir et l’application de ce nouveau code nous le
diront.
B – Permanence du droit musulman classique :
1 – Traits caractéristiques de la moudouana :
Famille :
La seule famille légitime,
reconnue et protégée par le droit positif se réduit à la famille légitime
fondée sur les liens de sang ; ce qui revient à exclure de la famille, les
enfants naturels et adoptifs.
Filiation naturelle :
L’enfant naturel bénéficie de
droits importants dans le cadre des législations européennes, ce qui rapproche
son statut de celui de l’enfant légitime. La moudouana ne rattache pas pour sa
part, l’enfant à son père et aucun des effets découlant normalement de la
filiation légitime. C’est dire que l’enfant naturel ne peut ni se présenter à
la succession ni réclamer quoi que ce soit à son père. Les autres effets de la
filiation sont aussi exclus : droits et devoirs du père envers l’enfant,
droit de rechercher le père.
La seule concession faite par
la moudouana aux naissances irrégulières, concerne les rapports de l’enfant
avec sa mère : « la filiation illégitime rattache l’enfant à sa mère
comme la filiation légitime en raison du lien naturel » art 83 alinéa 2.
Adoption :
En droit marocain, l’enfant
adoptif n’est pas lié à ses parents adoptifs par les liens di sang. L’adoption
n’a aucune valeur juridique et n’entraîne aucun des effets de la filiation.
Cette position de principe est
légèrement atténuée par une pratique qui consiste par testament à disposer
librement d’une partie de ses biens (limité au tiers disponible) en faveur de
l’enfant adopté : c’est ce que l’on appelle l’adoption de récompense ou
testamentaire.
Kafala ou prise en charge des
enfants abandonnés :
Est considéré comme susceptible
de bénéficier des faveurs de la loi, l’enfant qui n’a pas atteint 18 ans et qui
se trouve :
-
Nés
de parents inconnus, et avoir été retrouvé en un lieu quelconque.
-
Etre
orphelin et ne disposant pas de moyens légaux de substance.
-
Avoir
des parents incapables d’en assurer protection et éducation pour des raisons de
force majeure indépendantes de leur volonté.
-
Avoir
des parents dissolus n’assumant pas leur responsabilité de protection et
d’orientation en vue de les conduire dans la bonne voie.
La kafala des enfants déclarés
abandonnés par jugement est confiée soit à des institutions publiques chargées
de la protection de l’enfance ou à des organismes de caractère social reconnus
d’utilité publique, soit à des époux musulmans mariés depuis au moins 3 ans et
remplissant les conditions de moralité, santé et de solvabilité. Ces entités ou
personnes bénéficiaires de la kafala, sont tenus de par la loi, de veiller à
l’exécution des obligations relatives à la protection de l’enfant abandonné en
assurant son éducation et en subvenant à ses besoins essentiels jusqu’à ce
qu’il atteigne l’âge de 20 ans.
Dissolution du mariage (se reporter aux dispositions
prévues par la moudouana dernière mouture).
Dévolution successorale :
-
Le
part héréditaire de la fille est de moitié inférieure à celle du garçon.
-
De
même, les droits successoraux de la mère suite au décès de l’un de ces enfants
sont souvent inférieurs à ceux du père.
-
La
part de la veuve ne dépasse pas de moitié la part dévolue au veuf.
2 – Evolution du domaine d’application du droit musulman :
Aujourd’hui ce n’est plus la
doctrine mais la loi positive qui constitue la principale source du droit
musulman. Au Maroc, notre code de nationalité de 1958, tout en réservant le cas
des israélites marocains a décidé que le code du statut personnel régissant les
marocains musulmans s’applique à tous les nationaux. Le champ d’application du
droit musulman tend de plus en plus à s’étendre à tous les nationaux,
abstraction faite de leur confession.
Quant aux étrangers résidant au
Maroc, s’ils sont de confession islamique, le dahir du 24 avril 1959 décide que
les étrangers musulmans résidant au royaume ne peuvent être régis que par la
moudouana. C’est ce qui résulte d’une jurisprudence constante de la cour
suprême. Les autres étrangers qui ne sont pas de confession musulmane, restent
soumis à leur propre loi de statut personnel et cette loi étrangère ne peut
être appliquée au Maroc que par des tribunaux marocains.
Ainsi en matière successorale,
de statut personnel et de droit familial, le droit musulman est une source
essentielle de notre droit positif mais aussi une source dont le domaine
d’application s’est élargie. Seulement cette conclusion est moins vrai en ce
qui concerne d’autres matières (le droit des contrats, droit commercial ou la
législation pénale) ou le droit musulman semble au contraire accuser une
régression au profit de la législation dite moderne.
II – Droit coutumier
Source la plus vivante et qui
traduit au mieux les besoins et aspirations des citoyens : elles procèdent
directement et spontanément des pratiques populaires.
La coutume ou orf est une règle
de droit découlant d’une pratique ancienne, d’un usage qui s’était prolongé
dans le temps. La coutume comporte donc un élément matériel : c’est la
pratique prolongée dans le temps et un élément psychologique : c’est la
croyance populaire au caractère obligatoire de l’usage. La règle se transmet de
façon orale et c’est pourquoi on présente le droit coutumier comme un droit non
écrit. D’ailleurs le DOC ou la moudouana se réfèrent souvent à la coutume, orf,
us et coutumes et usages des gens de la région ou du milieu social dans lequel
on vit.
Dans toutes ces hypothèses,
c’est la loi positive qui donne droit de cité à la coutume.
CHAPITRE
II : SOURCES MODERNES
Elles sont constituées par les
dispositions qui émanent du pouvoir législatif (lois stricto sensu) et les
dispositions prises par le pouvoir exécutif (les règlements).
Avant d’envisager l’étude de
ces dispositions, il faut présenter sommairement la distinction du droit
international et les sources du droit national.
Sources du droit
international :
Il faut distinguer les sources
formelles, les moyens auxiliaires de la détermination des règles de droit et
autres sources du droit international.
Sources formelles :
Traités : la convention de vienne du 23
mai 1969 définit le traité comme étant un accord international conclu par écrit
entre Etats et régi par le droit international. De plus en cas de conflit entre
la législation international et interne, la supériorité du droit international
sur la loi interne est reconnu unanimement par de nombreux pays. En droit
marocain, le code de nationalité marocaine du 6 septembre 1958 affirme la
supériorité du traité sur la loi interne.
Coutume internationale : Règle de droit non écrite qui
se forme spontanément et progressivement.
Principes généraux de droit : Ce sont ceux reconnus
par les nations civilisées. Ils sont de deux sortes :
-
Les
principes communs aux ordres juridiques internationaux (cas du respect des
droits de la défense, caractère obligatoire des engagements).
-
Les
principes généraux propres au droit international (respect de l’indépendance et
de la souveraineté de l’Etat, bonne foi dans les relations internationales).
L’équité : permet à des Etats
souverains de reconnaître au juge ou à l’arbitre un pouvoir exorbitant, celui
de statuer selon l’équité.
Moyens auxiliaires de
détermination des règles de droit :
Jurisprudence : Il s’agit des solutions
dégagées par les juridiction internationales avec leur tête les décisions de la
cour international de justice dont les arrêts bénéficient d’une grande
autorité. Il s’agira aussi des décisions arbitrales et des jurisprudences
nationales.
Doctrine : Les opinions doctrinales
exercent une influence certaine sur la formation et l’évolution du droit des
gens. Cette contribution se manifeste aussi bien au stade de la création des
règles de droit qu’au niveau de leur interprétation et de leur mise en œuvre
par les juridictions internationales.
Autres sources du droit
international :
Normes impératives :
La convention de vienne définit
la norme impérative (visent à protéger l’humanité contre des fléaux tels que
traite des esclaves, génocide) comme « une norme acceptée et reconnue par
la communauté internationale des Etats dans son ensemble, en tant que norme à
laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par
une nouvelle norme du droit international général ayant le même
caractère ».
Ce texte sanctionne par la
nullité le traité conclu en violation d’une norme impérative du droit
international général.
Actes unilatéraux des Etats et
organisations internationales :
Il faut distinguer :
Les actes unilatéraux des
Etat : un Etat peut prendre des engagements produisant effet dans le cadre
du droit international. (Discours du ministre des affaires étrangères,
conférence de presse d’un chef d’Etat).
Les actes unilatéraux des Etats
et organisations internationales : Il n’existe pas de législateur
international habilité à édicter des règles juridiques générales s’imposant aux
Etats. Mais les recommandations, résolutions participent à la formation des
règles de droit international.
Sources du droit
national :
Il s’agit d’examiner les
rapports de la loi et du règlement sous l’empire des différentes constitutions
marocaines (section I) avant d’aborder des questions plus générales et
relatives à la force obligatoire de la loi (section II), au domaine
d’application de la loi dans le temps (section III) et enfin aux méthodes
d’interprétation de la loi (section IV).
I – La loi et le règlement
Le régime marocain est défini
comme un régime de monarchie constitutionnelle, démocratique et sociale. La
souveraineté appartient donc à la nation qui l’exerce directement par voie de
referendum et indirectement par l’intermédiaire des institutions
constitutionnelles. Cette dernière expression se réfère au parlement.
De même, est affirmé le
principe de séparation des pouvoirs législatifs et exécutif. Le pouvoir
législatif est attribué au parlement, le pouvoir réglementaire est dévolu au
gouvernement. L’ensemble de ces principes ont étés formellement affirmée par
les constitutions du 9 octobre 1992 et 7 octobre 1996.
A – Distinction de la loi et règlement en période normale
1 – Les organes compétents :
De qui émane la loi ?
La loi est l’œuvre du pouvoir
législatif : la loi est votée par le parlement (art 45 de la constitution
de 1996). Ce principe n’est pas absolu, car il subit un certain nombre
d’exceptions. En effet dans deux cas, c’est le pouvoir législatif lui-même qui
peut déléguer au pouvoir exécutif le droit de légiférer.
La première hypothèse, prévue
par l’article 45, apparaît comme une délégation volontaire de pouvoir. En vertu
de cette disposition, le parlement peut autoriser le gouvernement pendant un
délai limité et en vue d’un objectif déterminé, à prendre par décret des
mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Ces décrets entrent en
vigueur dés leur publication mais ils restent soumis au contrôle du parlement
qui sera nécessairement appelé à les ratifier à l’expiration du délai fixé par
la loi d’habilitation (ex : loi autorisant le transfert d’entreprises
publiques au privé : cette loi a habilité le gouvernement dans un délai de
6 mois à compter de sa publication au bulletin officiel, à prendre par décrets
des mesures législatives telles que les modalités juridiques et financières des
transferts et le régime fiscal qui leur est applicable).
La deuxième hypothèse où la loi
émane d’un autre organe que le parlement résulte de l’article 55 de la
constitution : c’est une délégation du droit de légiférer mais c’est une
délégation qui joue de plein droit, de façon automatique. Ainsi dans
l’intervalle des sessions, le gouvernement peut de lui-même et sans
l’autorisation du parlement, prendre des décrets lois. Toutefois, ici aussi les
décrets lois ne peuvent être pris qu’avec l’accord des commissions
parlementaires intéressées et doivent être soumis à la ratification du
parlement au cours de la session ordinaire qui suit.
Il existe un troisième cas où
la loi peut être adoptée par un autre organe que le parlement. C’est le cas où
la loi émane directement du peuple à la suite du référendum. En effet si le
monarque peut toujours soumettre au referendum tout projet ou proposition de
loi, il perd cette faculté lorsque le texte aurait été adopté ou rejeté à la
majorité des deux tiers des membres composant la chambre des représentants.
Quatrième hypothèse :
l’article 27 de la constitution de 96 prévoit que « le roi peut dissoudre
les deux chambres du parlement ou l’une d’elle seulement ». Après cette
dissolution, l’élection du nouveau parlement ou de la nouvelle chambre doit
intervenir au plus tard dans les 3 mois qui suivent. Durant cette période,
l’article 72 alinéa 2 permet au roi d’exercer pour pallier le vide « outre
les pouvoirs qui lui sont reconnus par la présente constitution, ceux dévolus
au parlement en matière législative ».
La constitution de 1996 au
terme de l’article 107 a prévue que « jusqu’à l’élection des chambres du
parlement prévues par la présente constitution, la chambre des représentants
actuellement en fonction, continuera d’exercer ses attributions notamment pour
voter les lois nécessaires à la mise en place des nouvelles chambres du
parlement sans préjudice de l’article 27 ». C’est ce qui s’est d’ailleurs
produit durant le mois d’octobre 1997 : maintien du parlement bien que
l’élection de la future chambre représentants ait été annoncée pour le 14
novembre qui suit.
De même le roi peut être
conduit à prendre en main l’exercice du pouvoir législatif lorsque le mandat du
parlement arrive normalement à expiration. Si les circonstances politiques ne
permettent pas de procéder à temps à l’élection des deux nouvelles chambres,
l’article 19 de la constitution permet au roi en tant que représentant suprême
de la nation et garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat, de
prendre les textes législatifs nécessaires, au moins les mesures qui ne
présentent pas un caractère fondamental.
De qui émane les
règlements ?
Ils émanent exclusivement du
pouvoir exécutif, des autorités administratives. Il s’agit de dispositions
variées et d’importance inégale :
-
Au
premier rang : le dahir de souverain
-
A
un échelon intermédiaire : les décrets du premier ministre. Ces actes sont
parfois qualifiés de décrets gouvernementaux.
-
A
un échelon inférieur, on rencontre les arrêtés ministériel ; il s’agit de
textes réglementaires pris par les membres du gouvernement.
Les dahirs :
Au terme de l’article 29 de la
constitution de 96, le roi exerce par dahir les pouvoirs qui lui sont
expressément réservés par la constitution. Par l’emploi du terme dahir, il
s’agit de marquer la supériorité ou prééminence des décisions royales sur
celles de la chambre des représentants, la supériorité du dahir sur la
loi : il est le représentant suprême de ma nation ce qui signifie que les
députés ne peuvent prétendre être les seuls représentants de la nation.
L’institution monarchique est hiérarchiquement supérieur au parlement. Par
conséquent les décisions royales (dahirs), ont juridiquement plus de valeur que
les lois votées par le parlement.
Les décrets gouvernementaux et
les arrêts ministériels :
Aujourd’hui le premier ministre
exerce le pouvoir réglementaire sous forme de décrets qu’on appelle aussi
décrets gouvernementaux.
Quand aux arrêtés, ils sont
réservés aux décisions administratives prises par les ministres et rarement par
le premier ministre. En effet l’article 64 de la constitution de 1996 affirme
expressément que le premier ministre peut déléguer certains de ses pouvoirs aux
ministres. Les arrêtes se limitent souvent à assurer l’exécution des règles
générales posées par le chef de l’Etat et le premier ministre. Ils ne
constituent pas directement des sources de droit.
2 – Le domaine législatif et réglementaire :
Il s’agit de déterminer les
matières qui sont de la compétence du pouvoir exécutif et celles qui relèvent
de la compétence du pouvoir exécutif.
a – Le domaine de la loi :
Cette énumération fournie par
l’article 46 et accessoirement par d’autres articles de l’actuelle
constitution, se regroupe autour des axes suivants :
Droits politiques, économiques
et sociaux des citoyens
Il s’agit en premier lieu selon
l’article 46 précité de tous les droits individuels ou collectifs énumérés au
titre premier de la constitution. La constitution réserve à la compétence
exclusive du parlement un certain nombre de droits et ce pour mettre les droits
individuels et garanties accordées au citoyen pour l’exercice des libertés publiques
à l’abri de l’arbitraire éventuel du pouvoir exécutif.
C’est le cas de tous les droits
politiques du citoyen (liberté d’expression, de circuler, liberté
d’association, de réunion).
C’est le cas aussi de tous les
droits économiques et sociaux du citoyen (droit à l’éducation, au travail, à la
grève, et droit de propriété).
En deuxième lieu, c’est la loi
qui régit la situation du citoyen ayant la qualité de fonctionnaire (statut
général de la fonction publique et statut des magistrats). La loi détermine aussi
les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires.
En troisième lieu, le domaine
législatif englobe des questions qui présentent un grand intérêt pour les
citoyens au niveau des entités territoriales décentralisées (régime électoral
des assemblées et conseils des collectivités locales ainsi que la création de
collectivités locales nouvelles).
Matières pénales, civiles et
commerciales
Les articles 45 et 46 de
l’actuelle constitution fixent comme suit la compétence législative :
-
Détermination
des infractions et peines qui leur sont applicables.
-
La
procédure pénale.
-
Procédure
civile.
-
Le
régime des obligations civiles et commerciales.
Cette liste réalise un
élargissement appréciables des attributions du parlement et cette orientation
se justifie par l’importance des matières de droit pénal et de procédure
pénales vis-à-vis des intérêts de la personne poursuivie, de sa liberté, de son
honneur ou même de sa vie.
C’est pourquoi la constitution
marocaine réserve au parlement la détermination de toutes les infractions. Elle
a aussi rangé parmi les matières législatives, la procédure civile car il
s’agit de protéger les droits et biens de l’individu dans le cadre du procès
civil.
Matières d’ordre économique,
financier ou social :
Ce troisième groupe de matières
législatives comprend :
-
La
création d’établissements publics (art 46).
-
Nationalisation
d’entreprises et transferts d’entreprises du secteur public au privé (art 46).
-
Les
lois cadres (art 46).
-
Lois
de finances (art 50).
-
L’approbation
du projet de plan (art 50).
-
Le
vote de la loi de finance qui est l’une des principales attributions du
parlement.
La présentation de la loi de
finance est l’occasion d’un large débat sur la politique poursuivie par le
gouvernement dans les secteurs de la vie économique. Ainsi conformément à
l’article 51 de la constitution, les propositions et amendements des députés ne
doivent pas conduire à une diminution des recettes ou à une aggravation des
charges publiques.
Les traités :
L’article 31 après avoir posé
le principe général que c’est le souverain qui signe et ratifie les traités,
précise que les traités engageant les finances de l’Etat ne peuvent être
ratifiés sans avoir été préalablement approuvés par la loi. Le parlement ayant
la maîtrise des matières budgétaires et financières, il est naturel qu’il
exerce un contrôle sur les traités et les conventions internationales qui
peuvent avoir des incidences financières : obligations qui entraînent une
charge effective ou une charge future ou bien réduction des ressources de
l’Etat.
Lois organiques :
Soumises par l’article 58 à une
procédure spécifique et surtout au contrôle obligatoire du conseil
constitutionnel. L’intervention de ce dernier se justifie par le fait que c’est
la constitution elle-même qui décide que certaines de ses dispositions seront
précisées ou complétées par des lois organiques.
Révision de la
constitution :
L’initiative de la révision
appartient à la fois au roi, à la chambre des représentants et aussi depuis
1996 à la chambre des conseillers (art 103).
b – Le domaine du
règlement :
Au terme de l’article 29 de la
constitution de 1996, le roi exerce par dahir les pouvoirs qui lui sont
expressément réservés par la constitution. La compétence royale présente donc
un caractère exceptionnel. A l’opposé, c’est le premier ministre qui exerce en
vertu de l’article 63 le pouvoir réglementaire. Il a désormais une compétence
de droit commun.
c – Sanctions du partage des
compétences :
La distinction d’un domaine
réservé au parlement et d’un domaine réservé au gouvernement risque d’entraîner
des conflits entre les deux pouvoirs. Les membres de la chambre des
représentants et de la chambre des conseillers peuvent déposer des propositions
de loi ou des amendements qui empiètent sur le domaine réglementaire. De leur
côté, les projets gouvernementaux sont susceptibles de porter atteinte au
domaine législatif. Seulement les constitutions marocaines successives, n’ont
envisagées que la première hypothèse en prévoyant une technique procédurale
permettant de défendre le domaine réglementaire contre les empiétements du
pouvoir législatif. L’article 53 permet au gouvernement d’opposer
l’irrecevabilité à toute proposition ou amendement qui n’est pas du domaine de
la loi. Une fois cette exception soulevée, la discussion du texte doit être
normalement suspendue. Mais si la chambre des représentants ou des conseillers
maintient sa position estimant que la matière est bien une matière législative,
le différend est tranché par le conseil constitutionnel dans un délai de 8 jours
à la demande du parlement ou du gouvernement. Cette procédure permet au
gouvernement de contrecarrer tout débordement sur son domaine réglementaire.
3 – L’autorité de la loi et du règlement :
Il s’agit de savoir dans quelle
mesure la loi et le règlement s’impose aux particuliers et aux tribunaux. Il
faut à cet égard distinguer les deux catégories de texte :
-
En
ce qui concerne les lois, il s’agit de vérifier si elles sont conformes ou non
à la constitution. C’est le problème du contrôle de constitutionnalité des
lois.
-
Pour
ce qui est des règlements, il est nécessaire de vérifier s’ils sont ou non,
conformes à la loi. C’est le problème du contrôle de la légalité des
règlements.
a – Le contrôle de la
constitutionnalité des lois :
Il faut vérifier si les lois
sont conformes ou non à la constitution et quel est l’organisme habilité à
effectuer ce contrôle.
Les tribunaux ordinaires ne
sont pas habilités à se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi ou d’un
décret (article 25 alinéa 2 du code de procédure civile du 28 septembre 1974).
En effet le rôle des tribunaux ordinaires se limite à interpréter la volonté du
législateur et non vérifier si le parlement a ou non respecté la constitution.
De plus compte tenu de ses incidences, le contrôle de la constitutionnalité des
lois, ne peut être exercé que par une juridiction suprême ou cour
constitutionnelle habilité à annuler la loi inconstitutionnelle. Au Maroc, ce
contrôle de la constitutionnalité est conçu de façon très restrictive. C’est ce
qui résulte de l’examen des dispositions du dahir du 9 mai 1977 portant loi
organique relative à la chambre constitutionnelle de la cour suprême. Précisons
que deux séries d’attribution, ne mettent pas en cause la constitutionnalité de
la loi.
-
C’est
le cas du contentieux de l’élection des représentants de la nation :
électeurs et candidats sont recevables à contester une élection.
-
Le
contrôle de la régularité des opérations du referendum.
b – Elargissement des
attributions de la juridiction constitutionnelle dans le cadre des révisions
constitutionnelles de 1992 à 1996 :
La juridiction
constitutionnelle est l’instrument par lequel l’Etat de droit assure la
conformité des lois, expression à la constitution. Le contrôle de la
constitutionnalité des lois garanti le respect des principes, droits et
libertés consacrés par la constitution, fondement du mandat donné par les
citoyens à leurs représentants au parlement, en vue d’édicter des règles
juridiques, pénales, civiles.
La révision constitutionnelle
de 92 a donc triplement innové sur 3 points :
1er point :
L’article 78 de l’actuelle constitution dispose qu’il est institué un conseil
constitutionnel. L’article 79 précise que ce conseil comprends 6 membres
désignés pour 9 ans et 6 membres désignés pour la même durée, moitié par le président
de la chambre des représentants moitié par le président de la chambre des
conseillers après consultation des groupes ; chaque catégorie de membres
est renouvelable par tiers tous les 3 ans.
Le président du conseil
constitutionnel est choisi par le roi parmi les membres qu’il nomme et son
mandat ainsi que celui des membres du conseil constitutionnel n’est pas
renouvelable.
2e point :
Attributions du conseil constitutionnel : Exerce les attributions qui lui
sont dévolues par la constitution ou par des dispositions de lois organiques.
Statue sur la régulation de l’élection des membres des deux chambres
constituant le parlement et sur la régularité des opérations du referendum.
Approuve les lois organiques et règlements établis par les deux chambres. Les
lois ordinaires sont soumis à son contrôle tant qu’elles n’ont pas étés
promulguées par le roi car l’acte de promulgation purge les loi de tout vice et
exclu tout contrôle constitutionnel.
La loi organique permet aux
présidents des deux chambres et au premier ministre (acteur privilégié du
processus législatif) le droit de présenter au conseil, des observations au
sujet de la question dont est saisi le conseil. Le renvoi d’une loi au conseil
constitutionnel a comme conséquence de suspendre immédiatement le délai de 30
jours imparti à l’opération de promulgation. Enfin les décisions du conseil
sont définitives, inattaquables, et opposables aux pouvoirs publics.
3e point :
Jurisprudence du conseil : A rendu pléthore de décisions relatives au
contentieux électoral ou contrôle de lois organiques. Il en ressort un contrôle
s’exerçant sur les textes législatifs au stade de leur élaboration.
c – Le contrôle de la légalité
des règlements :
Les tribunaux peuvent ils
vérifier la conformité d’un texte réglementaire à la loi ? Au Maroc, il
existe pour ce faire, le recours pour excès de pouvoir (procédé direct de
contrôle de la légalité : dans les deux mois qui suivent la publication
d’un règlement, un particulier peut le soumettre à la juridiction administrative
et demander son annulation pour illégalité : si le tribunal lui donne
raison, le texte sera annulé).
Dans cette perspective, est il
concevable de soumettre les dahirs (émanent du pouvoir réglementaire du roi) au
contrôle juridictionnel ? Ou faut il exclure tout contrôle juridictionnel
sur les décisions royales, le roi n’étant pas une simple autorité
administrative ? La jurisprudence de la CS est constante : il
n’existe aucune disposition constitutionnelle qualifiant le roi d’autorité
administrative et par conséquent, comme il n’est pas une autorité
administrative, ses décisions ne sauraient faire l’objet d’un contrôle
juridictionnel. Cela se justifie par la notion traditionnelle d’autorité royale
à la fois temporelle et spirituelle, incompatible avec celle d’autorité
administrative pouvant agir arbitrairement. Toutefois il est possible
d’adresser au roi un recours gracieux pour qu’il révise lui-même les dahirs.
B – La confusion de la loi et du règlement en période
exceptionnelle :
1 – Motifs et effets de la proclamation de l’Etat d’exception :
Il s’agit d’un danger, d’un
péril d’ordre intérieur (évènements graves pouvant remettre en cause le
fonctionnement des institutions constitutionnelles) ou extérieur (intégrité
territoriale nationale menacée). Au niveau des révisions constitutionnelles de
92 et 96, l’article 35 réaménagé dispose que « l’état d’exception
n’entraîne plus dissolution de la chambre des représentants ».
2 – Les incidences des pouvoirs exceptionnels sur l’existence de la
constitution :
La constitution subsiste malgré
l’état d’exception et l’article 35 accorde au souverain une compétence générale
à la fois limitée et indéterminée, ce qui lui permet de suspendre toute règle
de droit, même constitutionnelle.
3 – L’état d’exception et la distinction de la loi et du règlement :
A la faveur des nouvelles
dispositions constitutionnelles, la confusion de la loi et du règlement sera
avec le maintien du parlement limitée et ponctuelle.
II – Force obligatoire de la loi
A – Entrée en vigueur de la loi :
Marquée par deux
formalités :
Promulgation de la loi : Ne concerne que la constitution
elle-même et les lois votées par le parlement. C’est l’une des attributions du
chef de l’Etat qui promulgue la loi dans les 30 jours qui suivent la
transmission au gouvernement de la loi définitivement adoptée. Il s’agit de
constater dans un délai de rigueur fixé à 30 jours que la loi a été
régulièrement votée par le parlement et ordonner l’exécution de cette loi.
Publication : Concerne les lois et les
règlements. La publication s’impose car il faut mettre les particuliers en
mesure de connaître les textes législatifs et réglementaires. C’est la maxime
« nul n’est censée ignorer la loi ».
Au Maroc il n’existe pas de
texte réglementant la publication si ce n’est des dispositions légales et une
jurisprudence bien établie.
1 – Publication des textes est-elle obligatoire ?
Bien qu’existe le bulletin
officiel du royaume du Maroc, aucune disposition générale, légale ou
réglementaire n’a imposé la publication au BO des textes marocains. La jurisprudence
de la cour suprême décide que la publication est une condition nécessaire pour
qu’une loi ou règlement devienne obligatoire et soit opposable aux
particuliers. C’est pourquoi la cour suprême estime que le bulletin officiel du
gouvernement constitue la seule garantie pour porter à la connaissance de tous,
les textes législatifs. Il est de plus impossible pour les tribunaux
d’appliquer les textes dont ils n’ont pas pris connaissance au préalable à
travers la publication au BO.
2 – Modalités de la publication :
a – Procédé normal de
publication :
L’insertion des textes au
bulletin peut soulever 3 séries de difficultés :
Problème de délais : Les textes publiés entrent en
vigueur le même jour dans l’ensemble du royaume. En principe, une loi ou un
règlement est exécutoire dés sa publication au bulletin officiel.
Problème des erreurs commises
au BO :
C’est le problème de savoir s’il faut donner la préférence au texte
originairement publiée ou bien à celui qui à été rectifié ?
Les rectificatifs sont dangereux
car ils ont un effet rétroactif : la rectification s’impose aux
particuliers et tribunaux, le jour où le texte originaire a été publié.
Publication des textes en
plusieurs langues :
Le bulletin officiel comprend trois éditions en langue arabe et une édition de
traduction officielle ce qui peut entraîner des divergences entre les deux
catégories de texte. Seul le texte arabe prévaudra et s’imposera aux tribunaux
(la langue officielle étant l’arabe : préambule de la constitution).
Par contre si la loi ou règlement
est publié d’abord en français et que le texte arabe ne voit le jour qu’au bout
d’un certain temps, il faut déterminer la date d’entrée en vigueur de la loi.
C’est le premier texte publié qui détermine la date d’entrée en vigueur de la
loi ou du règlement conformément au principe selon lequel les lois ont un effet
immédiat.
b – Procédé exceptionnel de
publication :
- Depuis longtemps les
tribunaux marocains ont décidé qu’une loi ou règlement peut être exécutoire
dans l’ensemble du royaume sans avoir fait l’objet d’une publication au
bulletin officiel. Il suffit que le texte ait été porté à la connaissance du
public par un procédé quelconque : insertion dans la presse, annonce par
radiodiffusion, déclaration ou ordre du roi qui a valeur et force de loi.
Toutefois, pour avoir force contraignante, il est préférable que ces principes
soient énoncés par un texte ou réglementaire.
- La mise en vigueur d’une loi
peut être retardée jusqu’à une certaine date.
B – Abrogation de la loi :
Article 474 du DOC « les
lois ne sont abrogées que par des lois postérieures lorsque celles-ci
l’expriment formellement ou quand la nouvelle loi est incompatible avec la loi
antérieure ».
1 – Abrogation expresse :
Suppose que le texte nouveau en
des termes formels, décide que telles dispositions antérieures sont abrogées.
L’abrogation peut être globale ou partielle.
-
L’abrogation
partielle qui est la plus fréquente, laisse subsister une partie de la
législation antérieure (cas de la loi du 25 décembre 1980 qui a reformé en
partie la législation sur les loyers).
-
L’abrogation
globale présente un caractère exceptionnel et intervient à l’occasion de
grandes reformes ou à la suite d’un grand mouvement de codification (dahir du
26 novembre 1962 qui a institué le code pénal qui nous régit actuellement).
2 – Abrogation tacite :
C’est l’hypothèse ou une loi
nouvelle prévoit des règles incompatibles avec celles qui figuraient dans un
texte antérieur. Il est donc pas possible d’appliquer au même moment deux
textes contradictoires. On en déduit que la loi récente a implicitement abrogé
la loi ancienne.
3 – Abrogation par désuétude :
Une loi qui a cessé de
s’appliquer ou qui n’est plus respectée par les particuliers est-elle pour
autant abrogée ? Cela revient à se demander si une loi peut être mise en
échec par une coutume ou un usage contraire ? Le droit marocain interdit
le recours à ce procédé car la loi prime sur la coutume et celle-ci ne peut
constituer une base solide pour assurer la sécurité des transactions. L’article
475 est clair « la coutume et l’usage ne sauraient prévaloir contre la loi
lorsqu’elle est formelle.» Ce qui veut dire que les lois impératives restent en
vigueur même si elles ont cessé de s’appliquer depuis un certain temps.
III – Application de la loi dans le temps :
A – Principe de la rétroactivité des lois nouvelles :
Le principe de non
rétroactivité se justifie par des considérations de sécurité et de justice.
Quand deux personnes, décident d’établir une convention, elles tiennent compte
de la loi en vigueur en ce moment précis. Si par suite intervient une reforme
législative qui s’applique à cette transaction, cela reviendrait à bouleverser
les prévisions de la règle de droit : assurer et stabilité et sécurité des
rapports sociaux. Ce principe de non rétroactivité des lois est un principe
constitutionnel qui sauf dans de rares hypothèses semble s’imposer de façon
absolue.
1 – La non rétroactivité conçue comme règle relative :
- Caractères du principe de la
non rétroactivité : Jusqu’à l’entrée en vigueur de la constitution de
1962, de nombreux dahirs ont produits des effets dans le passé (dahir du 29
octobre 1959 relatif à l’affaire des huiles nocives).
- Exceptions au principe :
Après l’avènement de la première constitution, le droit marocain écartait le
principe de non rétroactivité. Ces exceptions étaient fréquentes surtout en
matière pénale. Par exemple, la règle de la rétroactivité de la loi pénale la
plus douce, est formulée par l’article 6 du code pénal : « lorsque
plusieurs lois ont été en vigueur entre le moment où l’infraction a été commise
et le jugement définitif, la loi dont les dispositions sont les moins
rigoureuses, doit recevoir application ».
De même il en va dans
l’hypothèse inverse, celle où une loi pénale plus rigoureuse est déclarée
d’application rétroactive : c’est ce qui a été décidé à l’occasion du
procès des huiles nocives. C’est pourquoi le roi Mohamed V a édicté un dahir
rétroactif érigeant les falsifications de denrées alimentaires en crime contre
la santé de la nation, crime passible de la peine de mort. Ce dahir a été
déclaré applicable même aux infractions commises avant son entrée en vigueur.
2 – La non rétroactivité conçue comme une règle absolue :
L’article 4 de l’actuelle
constitution prévoit expressément que la loi ne peut avoir d’effet rétroactif.
Ce principe s’impose à tous les organes de l’Etat. Il a donc un caractère
absolu, en sens qu’il doit être respecté par les 3 organes de l’Etat.
Toutefois, il semble permis d’écarter ce principe chaque fois que des
considérations de justice, de sécurité ou d’ordre social ne sont pas
susceptibles d’être compromises (c’est
le cas des lois qui abrogent rétroactivement ou qui annulent les textes
antérieurs pris par une autorité illégitime).
B – Le principe de l’effet immédiat des lois nouvelles :
Il s’agit d’envisager les
situations en cous de constitution ou d’exécution. C’est le cas d’une vente à
tempérament. Si la loi régissant les paiements échelonnés dans le temps vient à
changer, faut il maintenir la loi ancienne ou appliquer immédiatement la loi nouvelle ?
Au Maroc comme en France, il n’existe aucun texte d’ensemble donnant une
réponse à ce problème.
1 – Signification du principe :
La loi nouvelle est destinée à
s’appliquer immédiatement en se substituant à la loi ancienne qui n’a plus de
raison d’être. La loi nouvelle s’applique aux situations qui se créent après
son entrée en vigueur et elle s’applique aussi aux effets futurs des situations
anciennes. De façon générale, deux argument justifient ce principe :
-
La
loi nouvelle est présumée meilleure que la loi ancienne.
-
Il
faut assurer l’unité de la législation en évitant de faire coexister deux lois
(nouvelle et ancienne).
2 – Dérogations au principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle :
L’effet immédiat de la loi
nouvelle peut être écarté par une disposition formelle, le législateur estimant
souhaitable de retarder l’application du nouveau texte. Une autre exception
concerne la matière des contrats. Une loi nouvelle ne doit pas produire effet à
l’égard des contrats en cours et bouleverser les prévisions légitimes des
parties.
IV – L’interprétation de la loi
La loi est rédigée en termes
généraux mais doit être appliquée à des cas particuliers : pour savoir si
telle situation entre dans les prévisions de la loi, il faut l’interpréter.
A – Protagonistes de l’interprétation :
Cette tache est dévolue aux
tribunaux car les solutions jurisprudentielles et les options doctrinales,
jouent en la matière un rôle essentiel.
1 – La jurisprudence :
Les juridictions du royaume ont
pour mission d’appliquer la loi dans les affaires qui leur sont soumises. Pour
cela, elles se livrent à un travail d’analyse et d’interprétation des
dispositions légales et réglementaires. Cette interprétation jurisprudentielle
ne produit effet que dans le cadre d’une instance donnée et pour résoudre un
litige spécifique. Ce qui signifie que le même tribunal ou les autres
juridictions, dans des procès ultérieurs peuvent donner une interprétation
différente. Il reste que l’interprétation dégagée par les magistrats peut finir
par avoir une portée générale et c’est le cas quand les solutions
jurisprudentielles se répètent constamment. Enfin, reste à préciser que la cour
suprême qui se trouve au sommet de la hiérarchie judiciaire, est chargée
d’assurer l’unité d’interprétation de la règle de droit.
2 – Doctrine :
Est constituée par les travaux
d’ensemble des juristes qui participent à la formation, interprétation et
évolution du système juridique. Le débat entre les auteurs ayant des points de
vue divergents sur un même point de droit, peut orienter le législateur au
stade de l’élaboration des textes et les tribunaux au niveau de
l’interprétation des règles de droit. Les opinions défendues peuvent avoir une
grande autorité et donc influencer l’évolution de la jurisprudence.
B – Méthodes d’interprétation de la loi :
1 – Méthode exégétique :
Les juristes du 19e
siècle ont adoptés cette méthode (interprétation attachée aux textes) qui
s’efforce de dégager la volonté du législateur. Ainsi s’il s’agit de
l’interprétation d’un texte obscur, la recherche du texte s’opère en utilisant
les travaux préparatoires (étude des discussions qui ont précédé la vote de la
loi), les précédents historiques (référence utile quand le législateur s’est
inspiré de la tradition) et l’analyse grammaticale et logique pour préciser le
sens et portée de la loi.
2 – Méthodes modernes d’interprétation de la loi :
- L’école de la libre recherche
scientifique : il faut appliquer la loi quand elle a prévu le cas
considéré car la volonté du législateur doit être respecté. Mais quand il n y a
plus de loi, l’interprète (le juge) devient créateur de la règle de droit en
s’inspirant des données historiques, sociales, idéales : il élabore la loi
par une libre recherche (parce que fondée sur les textes) scientifique (parce
que fondée sur des données objectives).
- L’interprétation historique
ou évolutive :
-
Quand
la loi est ancienne, il faut interpréter le texte de la loi en fonction des
besoins de la société au moment de cette interprétation.
-
Donc
un même texte va acquérir un sens nouveau pour répondre aux nécessitées
actuelles et à l’évolution subie par la société.
Au Maroc, les tribunaux
marocains s’efforcent de fonder la solution d’un litige sur un texte quitte à
l’interpréter d’une façon très extensive, pour l’adapter au contexte social du
moment. Enfin les juges marocains, s’il n’existe aucune disposition légale ou
réglementaire, font volontiers appel aux principes généraux de droit.