Les « nouveaux » enjeux du contrôle de gestion



On distinguera principalement trois nouveaux enjeux du contrôle de gestion :

Ø  Les aspects organisationnels et comportementaux du contrôle de gestion : Ce thème traitera de la question du « comment contrôler » dans un climat humain. Cet enjeu est essentiel pour donner un sens concret au contrôle de gestion.
Ø  Le contrôle de gestion des services : À l’heure actuelle, on ne contrôle plus que peu d’activités industrielles ; à l’inverse, le contrôle des activités immatérielles, de services tertiaires au sens large connaît une importance croissante.
Ø  La place de l’information dans le contrôle de gestion : Devant la mutation rapide qu’ont connus les systèmes d’information et de communication durant les dix dernières années, le contrôle de gestion a vu se dessiner à son égard de nouvelles opportunités et de nouvelles contraintes.

1-Les aspects organisationnels du contrôle de gestion

   Il s’agit d’appréhender les aspects humains et comportementaux du contrôle de gestion, et de tenter d’apporter des réponses concrètes à des questions posées autour de situations dysfonctionnelles du contrôle de gestion par les résultats.

A.    Les difficultés de mise en œuvre :

Elles sont nombreuses et peuvent rapidement aboutir à une perte de confiance des responsables opérationnels :
  • Un premier piège concerne l’absence pure et simple ou le manque de cohérence entre le processus de contrôle et la définition de la nature des centres de responsabilité impliqués et évalués. Il existe alors un décalage important entre la représentation que se font les responsables de sur quoi ils devraient être jugés et ce qu’ils vivent en matière de système de contrôle de gestion.
  • Une deuxième difficulté majeure tient au calendrier budgétaire et au temps laissé en pratique au processus de négociation et fixation des objectifs. Un calendrier « harmonieux » démarre en général vers la fin du mois de Juin pour donner lieu à une fixation des objectifs définitive vers Octobre, et un budget détaillé établi début Décembre. Or, si le processus budgétaire est débuté trop tôt, il donne lieu à de nombreuses incertitudes concernant la fixation des objectifs, et aboutit à de multiples corrections. Débuté trop tardivement, la négociation concernant la fixation des objectifs n’aura pas le temps d’en être véritablement une.
  • Une troisième erreur est assez répandue dans les entreprises lors du processus de contrôle budgétaire, et peut se définir comme « un mélange des genre » c’est à dire lorsque le rythme et le contenu des réunions ne sont pas clairement définis. Il est ainsi malsain d’assimiler la fixation d’objectifs pour l’année à venir avec la discussion sur le suivi des résultats ou l’évaluation et les décisions de promotion des responsables. Les auteurs insistent particulièrement sur ce fait : il faut absolument éviter la confusion entre ces différents niveaux et pour cela dissocier les réunions, chacune gardant sa finalité.

 D’autres pièges moins courants existent :
-       la confusion entre objectifs et prévision qui conduit à des objectifs peu ambitieux ou irréalisables.
-        la confusion entre coordination des objectifs des différents responsables et égalitarisme qui peut aboutir à fixer les mêmes objectifs à tous les responsables.
-       Au niveau du contrôle budgétaire, un contrôle trop détaillé et ne portant pas sur les points essentiels pose également problème, ainsi que l’absence d’un système de sanction/récompense en accompagnement.

B.         Le contrôle de gestion par les résultats :

Quelle est la conception de l’homme (ou de la femme) dans sa relation au travail, qui prévaut dans l’organisation ?
Lorsque l’on envisage des réponses, on s’aperçoit qu’il y a souvent une absence de cohérence entre le système de contrôle de gestion par les résultats et l’approche humaine dont font preuve les responsables hiérarchiques dans l’entreprise.
Le contrôle de gestion par les résultats implique :
Ø  une volonté et une capacité de la hiérarchie à déléguer en toute confiance.
Ø  Et une motivation, un besoin de se réaliser à travers la responsabilisation et l’atteinte des objectifs de la part des opérationnels.
> Or dans la pratique, on assiste tantôt à des comportements peu délégateurs de la part de la hiérarchie, tantôt à des comportements peu responsables et/ou peu autonomes de la part des managers opérationnels, ce qui peut  « saper » le système.

La théorie X et la théorie Y :   
D. Mac Gregor, dès 1960, a proposé un modèle théorique de deux types de comportement humain : la Théorie X et la Théorie Y.
  • La Théorie X postule que l’homme éprouve une aversion innée pour le travail et fait tout pour l’éviter : en conséquence, le rôle de la hiérarchie est avant tout de contraindre, contrôler, diriger, et même parfois menacer pour faire travailler. C’est une vision pessimiste qui pense également que l’homme ordinaire préfère être dirigé, guidé, sécurisé, qu’il souhaite éviter toute responsabilité et attend qu’on lui définisse précisément ce qu’il a à faire.
  • La Théorie Y nourrit elle une « vision » idéale, autonome et responsable de l’homme au travail : pour peu qu’on lui en donne l’occasion, l’être humain est capable d’initiative, il est digne de confiance et peut, seulement librement, se motiver et se réaliser à travers l’atteinte des objectifs qu’il s’est fixés, après entente avec sa hiérarchie. Le travail est vu comme source de satisfaction, quant l’homme ordinaire est source d’apport créatif dans l’organisation si le management est participatif.

C’est sur le modèle de la Théorie Y que s’est bâti le contrôle de gestion par les résultats. Celui-ci suppose donc qu’une telle théorie soit concrètement à l’œuvre dans les organisations. Or, celle-ci n’est en fait pas respectée, pour de multiples raisons, dans de nombreuses entreprises :
Ø  Une première raison est d’ordre socio organisationnel : le contrôle de gestion par les résultats a souvent été inséré dans des organisations de nature précédemment bureaucratique, où prévalaient depuis des années des comportements de type X.
On se retrouve alors dans une situation où les centres de responsabilité, la fixation d’objectifs et le contrôle budgétaire existent, alors que les comportements autoritaires, peu délégateurs, d’un coté, et peu responsables, évitant le travail de l’autre coté, sont encore ancrés.
Ø  Une deuxième raison est d’ordre individuel : qui dit « Théorie Y » suppose que chaque responsable ait, dans l’organisation, intégré les préceptes de cette théorie et développe un comportement en conséquence à l’égard de ses subordonnés.

De fait donc, si la Théorie Y n’est pas respectée dans les entreprises, un jeu dysfonctionnel risque de se mettre en place, où les responsables opérationnels, démotivés par le système de contrôle, réagissent en profitant de la meilleure connaissance du terrain et de la maîtrise qu’ils ont de celui-ci : ils se constituent ainsi des petits « matelas » de protection (sclack organisationnel) car, connaissant toujours mieux les contraintes opérationnelles que leur hiérarchie, ils auront toujours des arguments et des justifications à apporter.

Selon l’analyse stratégique du jeu des acteurs autour des phénomènes de pouvoir, élaborée en partie par M. Crozier (1977), les phénomènes de pouvoir et les conflits sont au cœur de l’organisation. Ainsi les acteurs, loin d’être totalement rationnels, essayeraient en permanence d’accroître leur pouvoir personnel dans l’organisation et tenteraient de profiter de la maîtrise exclusive qu’ils peuvent avoir des « zones d’incertitudes » pour les autres acteurs de l’organisation.
Lorsque le décalage devient important entre le système de contrôle mis en place, qui veut susciter l’autonomie et la délégation, et le comportement réel dans la pratique des responsables, le contrôle de gestion par les résultats tourne à vide, dénué de tout sens parce que ses présupposés fondamentaux sur le plan humain sont bafoués.


 C.   Vers d’autres modes de contrôle :

Les théories de la motivation individuelle s’appliqueraient mal à certains contextes (nationaux, organisationnels ou professionnels). La fixation d’objectifs et le contrôle par les résultats y seraient en conséquence inopérants, et ne suffiraient pas à assurer la performance et la pérennité sur le long terme d’une entreprise. Dans la mesure où une entreprise n’est pas seulement constituée de motivations individuelles juxtaposées mais doit aussi présenter une dimension collective, il faut instaurer une « culture d’entreprise », d’adhésion à des valeurs communes.
Les entreprises les plus performantes de cette décennie ont souvent été celles qui, à coté de systèmes formels de contrôle de gestion, rigoureux et orientés vers l’atteinte de résultats économiques de court terme, ont su développer de fortes valeurs (de qualité, d’écoute du client…) et une culture d’entreprise communes, « ciment » essentiel sur le moyen et le long terme. Or, le contrôle de gestion par les résultats est un mode de contrôle très orienté vers la motivation individuelle et vers le court terme.
L’efficacité du contrôle de gestion par résultat est également à relativiser lorsque l’on étudie les modes de contrôle dans des contextes culturels « marginaux » : c’est le cas des situations où de fortes cultures organisationnelles ou professionnelles rendent la direction participative par objectifs totalement inadaptée (entreprises japonaises fin des années 1980, milieu hospitalier…)

2-Le contrôle de gestion des services

Historiquement, le contrôle de gestion a été conçu, puis mis en place dans et pour des entreprises industrielles.
Les outils et les méthodes du contrôle de gestion s’adaptent-ils sans difficulté à des activités tertiaires ?

A.Les spécificités du contrôle des activités de service :

Par de nombreux aspects, le contrôle de gestion des activités de service s’oppose au contrôle de gestion « traditionnel », c'est-à-dire initialement pensé pour l’industrie.
Il se caractérise par :
  • Des ambiguïtés dans la finalisation de l’activité et la complexité de la notion de résultats : en effet, le contrôle de gestion suppose que l’on puisse définir (et mesurer) des objectifs, or le cas des activités à caractère politique et les services fonctionnels pose problème (L’objectif d’un maire sera d’être réélu, comment donc construire un système de contrôle de gestion à partir de cet objectif ?).
En outre, la nature des activités de service fait que la notion de résultat est complexe (La performance d’un service achat dépend-elle des prix d’achats, de nombre de commande ou du respect des délais de livraison et de la qualité des marchandises ?)
  • Le caractère discrétionnaire des activités : Les activités qualifiées de discrétionnaires sont celles dans lesquelles la relation entre moyens et résultats est mal connue ou mal maîtrisée. Cette méconnaissance peut provenir d’une mauvaise définition du résultat mais aussi de la complexité, du caractère aléatoire et peu répétitif des processus de travail. Dans ce cas, comment allouer des ressources à des activités si l’on ne sait pas quel sera le résultat de cette affectation ?


B.    Le contrôle des activités discrétionnaires :

Il suppose la mise en place d’un système de pilotage comportant des informations sur :
Ø  les intrants (clients, informations, demandes diverses)
Ø  les ressources consommées
Ø   les réalisations
Ø   l’impact
L’évaluation de performance d’une activité de travail (incluant l’évaluation des ressources et des résultats) requiert l’existence de trois dispositifs distincts :
-       un système de description de l’activité, doté d’indicateurs de mesure.
-       un système d’agrégation, permettant d’effectuer des synthèses à partir de mesures élémentaires (ratios, moyennes)

-       et un référentiel, c'est-à-dire un ensemble de valeurs de références, permettant de porter un jugement sur les résultats obtenus.

Aucun commentaire: