L’imputation rationnelle des charges de structure

1          Objectif

Lorsque l'activité est sujette à des fluctuations, l'imputation aux coûts des charges fixes fausse l'interprétation des coûts :
q  si l'activité est élevée, les coûts unitaires sont plus faibles du fait d'une répartition des charges fixes sur un plus grand nombre de produits ;
q  si l'activité est faible, les coûts unitaires sont plus élevés du fait d'une répartition des charges fixes sur un plus petit nombre de produits.

L'imputation rationnelle des charges de structure a pour effet de neutraliser l'effet des fluctuations d'activité sur les coûts unitaires. Les coûts unitaires deviennent ainsi comparables d'une période à l'autre.

2          Méthode

Les charges fixes sont intégrées aux coûts en leur appliquant un taux d'activité appelé "coefficient d'imputation rationnelle" défini comme le rapport entre l'activité réelle et l'activité normale.

La mise en œuvre de ce principe implique les étapes suivantes :
1.       calcul du coût constaté en distinguant charges variables et charges fixes ;
2.       définition de l'activité normale ;
3.       calcul du coefficient d'imputation rationnelle (ou taux d'activité TA) ;
4.       calcul du coût constaté en appliquant le coefficient aux charges fixes ;
5.       mise en évidence d'un bonus de suractivité ou d'un malus de sous-activité.

Le problème central de la méthode est la définition de l'activité normale : s'agit-il…
q  de l'activité moyenne (sur quelle période de référence ?) ?
q  de l'activité théorique (en fonction de la structure de production) ?
q  d'une combinaison des deux ?

3          Application :

Une entreprise fabrique et distribue du béton prêt à l'emploi à partir d'une Centrale dont la capacité théorique annuelle maximale est de 120 000 m3.



Caractéristiques générales de l'activité :
1.       La capacité de l'installation doit être calibrée de façon à pouvoir faire face à la commande immédiate la plus élevée (le produit n'est pas stockable et, pour un chantier déterminée, la livraison ne peut pas être étalée dans le temps) ;
2.       Il s'agit d'un produit dont l'usage, contrairement à un produit de consommation courante, est tributaire de l'activité Bâtiment et travaux publics dont le niveau fluctue dans de fortes proportions d'une année sur l'autre.
Voici les données dont on dispose pour les mois de juin à août.
Activité (en m3) :
q  Juin                                                                       5 000
q  Juillet                                                                    7 000
q  Août                                                                       4 000

Matières premières (pour un m3)                   200 Euros
Charges variables (pour un m3)                     120 Euros
Charges fixes totales pour le mois     1 300 000 Euros

3.1         Calcul du coût constaté


Juin
Juillet
Août

Total
par m3
Total
par m3
Total
par m3
Production (quantité)
5 000

7 000

4 000

Charges opérationnelles
(milliers €.)
(Euros)
(milliers €.)
(Euros)
(milliers €.)
(Euros)
q  Matières premières
q  Charges variables
1 000
600
200
120
1 400
840
200
120
800
480
200
120
Total
1 600
320
2 240
320
1 280
320
Charges fixes
1 300
260
1 300
200
1 300
350
Coût total
2 900
580
3 540
520
2 580
670

Interprétation des variations de coût unitaire :
q  Part imputable aux responsables opérationnels : les charges opérationnelles par unité produite sont constantes. La production a donc eu lieu dans des conditions identiques. Aucune part de l'écart ne peut être imputée aux responsables opérationnels.
q  Part imputable aux modifications de la structure de l'entreprise : les charges fixes globales sont constantes. Il n'y a donc eu aucune modification de la structure. Aucune part de l'écart ne peut être imputée à ce facteur.
q  La totalité de l'écart est imputable aux variations de l'activité.

3.2         Définition de l'activité normale

1ère hypothèse : capacité théorique
Elle est de 10 000 m3 / mois. Compte tenu de la première caractéristique, on ne peut partir, dans cette activité particulière, d'un standard de production correspondant à la capacité théorique appliquée à l'année complète (car il resterait une part significative des charges fixes non imputées en fin d'année).

2ème hypothèse : activité moyenne sur l'année
L'activité de l'année précédente a été de 57 600 m3, soit une activité mensuelle moyenne de 4 800 m3/mois. On peut adopter cette référence.
Inconvénient : compte tenu de la deuxième caractéristique, rien ne laisse augurer que l'activité de la nouvelle année soit identique à celle de l'année précédente, on risque donc de se retrouver en fin d'année avec un écart d'imputation chronique préjudiciable aux décisions prises sur la base de ces coûts.

3ème  hypothèse : activité prévisionnelle
Activité prévue : 60 000 m3 soit une activité moyenne de 5 000 m3/mois. On adoptera cette référence même si un écart important entre l'activité réelle et l'activité prévue demeure possible.

3.3         Calcul du coefficient d'imputation rationnelle

Coefficient d'imputation rationnelle
TA (pour la période n)
=
Activité réelle n
Activité normale


Référence
Juin
Juillet
Août
Activité (en m3)
5 000
5 000
7 000
4 000


5 000 / 5 000
7 000 / 5 000
4 000 / 5 000
Coefficient d'imputation rationnelle

1
1,4
0,8

Situation
Valeur du coefficient

Activité normale
TA = 1
Frais fixes imputés - frais fixes constatés = 0
Suractivité
TA > 1
Bonus de suractivité
Frais fixes imputés - frais fixes constatés > 0
Sous-activité
TA < 1
Coût de sous-activité
Frais fixes imputés - frais fixes constatés < 0

3.4         Calcul du coût constaté en appliquant le coefficient aux charges fixes


Juin
Juillet
Août

Total
par m3
Total
par m3
Total
par m3
Production (quantité)
5 000

7 000

4 000

Charges opérationnelles
(milliers €.)
(Euros)
(milliers €.)
(Euros)
(milliers €.)
(Euros)
q  Matières premières
q  Charges variables
1 000
600
200
120
1 400
840
200
120
800
480
200
120
Total
1 600
320
2 240
320
1 280
320
Charges fixes






q  Montant réel
q  Coeff. imputation
q  Montant imputé
1 300
1
1 300
260

260
1 300
1,4
1 820
200

260
1 300
0,8
1 040
350

260
Coût total
2 900
580
4 060
580
2 320
580

On vérifie dans le tableau précédent que, par l'imputation rationnelle des charges fixes, celles-ci se comportent comme des charges variables (elles deviennent fixes à l'unité et variables en total).

Ne pas oublier qu'il s'agit d'une correction théorique et que la réalité des coûts n'est pas modifiée.

3.5         mise en évidence d'un bonus de suractivité ou d'un malus de sous-activité


Juin
Juillet
Août
Cumul
Activité (en m3)
5 000
7 000
4 000

Coût total imputé (milliers Euros)
Coût total constaté (milliers Euros)
2 900
2 900
4 060
3 540
2 320
2 580

Différence d'imputation rationnelle
0
520
- 280
240

Analyse des écarts :
q  pour le mois de juin, l'imputation rationnelle ne modifie pas les charges fixes.


q  pour le mois de juillet, il apparaît un bonus de suractivité.


Charges
constatées


Charges variables constatées

Charges variables constatées




Charges fixes constatées


   x TA

Charges fixes
imputées








Bonus de suractivité
q  pour le mois d'août , il apparaît un malus de sous-activité.
 


Charges
constatées


Charges variables constatées

Charges variables constatées




Charges fixes
constatées

   x TA

Charges fixes
imputées







Malus de sous-activité

Pour l'ensemble des 3 mois, il reste un bonus de suractivité de 240 kEuros. Si la référence a été justement choisie pour définir l'activité normale, les boni et les mali doivent se compenser, la différence d'imputation rationnelle en fin d'année étant alors proche de 0.

4          Application du principe à la méthode des Centres d'analyse

Il faut ventiler les charges indirectes de chaque centre en charges variables et charges fixes lors de la répartition primaire.

Deux cas peuvent se présenter :
q  l'activité est uniforme pour tous les centres : on applique le taux d'activité unique à chaque charge fixe avant répartition dans les centres ;
q  l'activité est différente selon les centres : on pratique d'abord la répartition dans les centres en distinguant charges fixes et charges variables puis on applique le taux d'activité spécifique au centre à la partie fixe des charges de ce centre.
Dans tous les cas la répartition secondaire se fait normalement.

5          Avantages et inconvénients de la méthode

5.1         Avantages

Le fait de "gommer" l'incidence du niveau d'activité sur le coût des produits rend la valorisation plus apte à contribuer à la détermination des prix de vente.
En valorisant l'enjeu financier d'une sous-activité chronique, la méthode pose la question d'une éventuelle restructuration de l'entreprise ou du centre d'analyse concerné (dans un sens ou dans l'autre selon le critère choisi pour définir l'activité normale).

5.2         Précautions d'usage et inconvénients

L'intérêt de la méthode est associé à une analyse correcte de la variabilité des charges et une appréciation raisonnable de l'activité normale.

Les coûts résultant de la méthode ne peuvent être utilisés pour la valorisation des stocks en comptabilité générale.

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