L’audit social



Ø Une définition large

L'audit social est un jugement porté sur la qualité des ressources humaines d'une organisation. C'est un examen professionnel reposant sur des techniques et référentiels spécifiques et pertinents, permettant d'exprimer une opinion sur les divers aspects de la participation des RH aux objectifs d'une organisation et de formuler des recommandations susceptibles d'améliorer la qualité de la gestion des ressources humaines (GRH).
C'est un véritable outil de mesure de la réalité sociale de l'entreprise et de développement des potentialités, car il permet d'avoir une vision commune à tous les acteurs de l'entreprise (dirigeants, salariés, organisations syndicales).
L'idée sous-jacente de "contrôle", "d'investigation" est encore largement répandue lorsque l'on parle d'audit social. Il s'agit de mesurer les écarts éventuels par rapport à une norme prédéfinie. L'audit social fournit aux centre de décisions de l'entreprise des analyses objectives, des appréciations, des recommandations et des commentaires utiles. Dans le cas d'écarts, il permet la mise en œuvre d'actions correctives au niveau des orientations, des objectifs ou des moyens[1]. Mais ceci est surtout vrai dans un contexte de changement, d'ouverture internationale à la concurrence.
"L'Audit Social regroupe les formes d'Audit appliquées à la gestion et au mode de fonctionnement des personnes dans les organisations qui les emploient ainsi qu'au jeu de leurs relations internes et externes"[2].
L'Audit social est particulièrement utile pour ceux qui veulent mieux employer le potentiel humain de l'entreprise, déléguer des attributions et donner davantage d'autonomie aux responsables opérationnels. Il leur apporte, en effet, des possibilités de "conserver le contrôle de la situation" et de vérifier que les stratégies retenues sont respectées et les politiques suivies1.
L'examen de l'organisation et du fonctionnement du processus Ressources Humaines permet à chacun de prendre sa place dans la dynamique de développement de l'entreprise.
"L'audit permet d'identifier les zones à risques et de vulnérabilité, mais aussi celles d'innovation et de création potentielle de valeur" (Nicole Notat).
L'audit social a pour but de vérifier la conformité des pratiques de la gestion des ressources humaines aux politiques et règles en vigueur et d'apprécier la cohérence et l'efficacité des procédures et outils mis en place ainsi que le fonctionnement des hommes au travail.

Ø Est-il réglementé ?

L'audit social n'est pas réglementé en lui même. Les modalités de recours, le contenu, les résultats d'un audit social ne sont pas soumis à des règles posées par la loi.
Cependant, lorsque le demandeur de l'audit, responsable d'entreprise, s'adresse à un spécialiste extérieur, il peut se tourner vers des professionnels certifiés, garant de la qualité du service offert.
Ces professionnels se sont dotés de règles d'éthiques et professionnelles.

Aux Etats-Unis, c'est le General Accounting Office (GAO) qui a, en 1972, publié un ensemble de normes pour le secteur public. En 1981, la Cour des Comptes des Communautés Européennes a retenu un certain nombre de concepts du GAO.
En pays anglo-saxons, l'Institute of Internal Auditors a créé en 1974 une Commission des Normes et Responsabilités Professionnelles. Ces normes ont été traduites en français par l'Association Technique d'Harmonisation.
Plus récemment, en France, le Centre de Certification Internationale d'Auditeurs Spécialisés (CCIAS) a été créé en 1994 au sein de l'IAS (Institut International de l'Audit Social). Sa certification est gage d'indépendance, d'impartialité, de déontologie du cabinet concerné, pour l'audité.

2. Modalités de recours à un audit social

Ø Qui peut y faire recours ?

Toute entreprise ou institution, quelle que soit son activité, sa taille, son organisation peut tirer profit d'un audit social.
Pour des raisons de coût et de dimension, les PME feront plus facilement procéder à un audit interne, effectué par leur service RH ou par les personnes dédiées au service du personnel. Ces PME peuvent parfois choisir, comme alternative, de mettre en place des outils permanents de veille sociale interne (centrée sur la détection des facteurs de conflictualité), sous forme d'indicateurs permettant de mesurer les signes avant-coureur d'un conflit ou encore une observation sociale, qui cherche à comprendre l'ensemble du système social (fonctionnements et dysfonctionnements), au moyen d'enquêtes ou  d'indicateurs simples. 

Ø Quand y faire appel ?

Qu'elle soit confrontée à une difficulté particulière ou qu'elle souhaite engager une nouvelle politique, l'entreprise qui veut utiliser au mieux toutes les ressources internes dont elle dispose, peut même transformer un audit en un instrument puissant de management.
L'audit peut être envisagé à divers moments :
-          A la fin d'une opération, à partir, par exemple, d'un exercice annuel de gestion de l'entreprise.
-          Lors d'un projet : l'audit rend alors compte d'une situation que l'on veut transformer. C'est, dans ce cas, une étape préliminaire, un examen de la faisabilité du projet avant de passer à la décision.
-          Après la réalisation d'un projet, en s'interrogeant sur les conséquences enregistrées en aval, lorsqu'on souhaite faire le point.
-          Lors d'une transformation en cours, en proposant des indicateurs et points de repère qui permettent de suivre la réalisation au fur et à mesure de son déroulement. L'audit produit alors des outils de contrôle et d'aide au pilotage.
Avant toute chose, la décision de faire procéder à un audit social dans l'entreprise doit être conditionnée par l'existence d'une politique RH cohérente avec la suite à donner en fonction des résultats qui seront rapportés par cet "examen". En effet, un audit qui permet de mettre en évidence certains dysfonctionnements ou des attentes précises des collaborateurs, et qui ne sera pas suivi d'actions correctives (en cas de besoin), pourra avoir des répercutions très négatives, voire aggravantes sur le climat social.
La démarche d'audit social est généralement révélatrice d'un désir de diagnostic ou de vigilance sociale de la part des dirigeants. Ils veulent savoir avant d'agir.

L'audit social est un aussi un moyen pour améliorer son image, son positionnement concurrentiel et sa capacité à fidéliser un certain type de clientèle. Par la diffusion des résultats, elle en fera un moyen d'attractivité. Si tel est l'objectif de l'entreprise, elle peut y faire appel comme outil stratégique.
La dimension stratégique de l'audit social est liée aux préoccupations actuelles des entreprises.
Certaines situations justifient tout particulièrement de mettre en place un audit social.
Dans le cas de fusion ou de réorganisation, par exemple, un audit du poids ou des facteurs culturels déterminants dans le fonctionnement des structures préexistantes permet d'éviter l'échec[3].
Dans certains cas, il est impératif de répondre aux obligations légales ou réglementaires :
pour l'obtention d'une certification, pour se faire coter en Bourse, ou s'assurer du respect des textes et règles diverses pour anticiper et éviter des contrôles sociaux ou fiscaux, ou encore des conflits sociaux. Un audit social de conformité ciblé permet, dans ce cas, de faire un diagnostic, de se "mettre aux normes" et de combler les lacunes de l'entreprise.
Il peut être demandé à titre préventif (apprécier une situation à un moment t) ou à titre curatif (remédier à une situation qui se détériore).

Ø Comment ?

Après avoir défini ses objectifs, le moment de la réalisation de l'audit, la nature de l'audit demandé, l'entreprise aura plusieurs alternatives : en fonction de sa marge de manœuvre - c'est à dire du budget alloué, du temps et des moyens internes disponibles, de la politique RH, de la culture d'entreprise,… -, elle va faire appel à un audit interne ou externe (ou à l'un et l'autre).
-          L'audit interne :
Un collaborateur ou une équipe de collaborateurs peut remplir cette mission, spécialisés dans l'audit (audit social ou audit à caractère plus "général" orienté vers d'autres secteurs, les collaborateurs présentant dans ce dernier cas des compétences en audit social) ou après avoir été formée(s) aux techniques d'audit. Il peut s'agir d'une entité interne temporaire ou permanente (service d'audit social distinct des autres services d'audit ou de contrôle général, au sein de la direction du personnel ou des ressources humaines).
L'avantage de ce type d'audit en est le coût moins élevé (à vérifier), la connaissance du contexte de l'entreprise, règles, habitudes, par les intervenants. En revanche, se posera peut-être le problème de l'objectivité et de l'autocontrôle.

-     L'audit externe :
Des cabinets, certifiés pour la plupart, sont spécialisés dans certains secteurs d'activité ou dans des types précis d'audit et proposent des audits très ciblés - d'autres proposent des prestations plus larges –en coopération avec les responsables internes.
L'intervenant extérieur est plus indépendant des hiérarchies subalternes, a une connaissance plus large de différentes pratiques et cultures d'entreprises. Il dispose de banques de données et donc de références plus nombreuses et plus fiables qu'un service interne. Il garanti en outre un haut degré de confidentialité des informations. 

3. Comment se déroule un audit social ?

Ø Les acteurs


Le client (et/ou commanditaire ou prescripteur) demande l'audit. Ses exigences sont définies dans un référentiel.

L'auditeur (consultant externe ou interne) a qualité pour mener l'audit. Familier du monde professionnel dans lequel il évolue, il doit être objectif et doté d'une éthique infaillible.
Il s'appuie sur des preuves tangibles, vérifie, examine la valeur des pratiques, des procédures, des plans. Il procède de façon méthodique, vérifie des aspects quantitatifs et qualitatifs, procède à différents travaux d'audit. Il rédige un rapport écrit, fait ensuite une restitution orale, préconise des solutions.

L'audité (ou fournisseur de l'audit) exploite le rapport d'audit pour améliorer le système et remédier aux dysfonctionnements identifiés.
Dans les PME, client et audité se confondent souvent.


Ø La méthodologie

L'organisation générale de la mission est définie par l'entreprise. L'auditeur et l'audité définissent ensemble le référentiel, décident de l'étendue du champ d'application de l'audit, discutent des constats effectués par l'auditeur.

Il conviendra dans un premier temps de déterminer précisément :
-          les objectifs  : à quelle(s) question(s) souhaitons-nous répondre ?
-          le référentiel sur lequel va s'appuyer l'étude

Les objectifs :
Il existe trois formes d'objectifs opérationnels courants : constater, vérifier, évaluer[4].
-          Le constat : il a pour objet de recueillir des faits propres à élaborer une image complète, authentifiée comme fidèle, représentative et significative de la réalité observée.
Il permet aux responsables de prendre conscience d'une part de la réalité qui leur échappait. C'est une étape préalable à toute réflexion stratégique, réorganisation ou aménagement d'une nouvelle solution.
-          La vérification : elle tend à valider des résultats déclarés et les chiffres qui les expriment. Elle tend à voir si les structures, les procédures et les mécanismes réels respectent ce qui a été prévu : démarche par laquelle on vérifie la validité des chiffres, la conformité des pratiques aux réglementations, à la législation, aux procédures conventionnelles et aux normes techniques.
L'audit peut vérifier également que les chiffres prévus comme objectifs sont effectivement atteints, les politiques effectives appliquées et les stratégies respectées.

-          L'évaluation : il n'est utile de savoir que l'on court un risque de pertes, de contentieux ou de surcoût que si l'on sait l'évaluer. Par exemple, dans le cas d'un audit avant acquisition, l'audit d'évaluation renseigne sur la valeur d'actif, ou sur les performances d'une équipe. De la même façon, les opportunités chiffrées sont exploitables plus facilement.
Il existe ainsi plusieurs sortes d'audits de chaque niveau, qui répondront à la préoccupation ciblée de chaque entreprise.
Quelques exemples d'utilisation d'audits sociaux :
Préparation à l'ARTT
Réorganisation du travail et des compétences
Remise à plat du système de rémunération
Résolution du problème de turn-over
Veille du climat social (RATP)
Mise en conformité et en l'état de l'articulation des structures de gestion du personnel
Outil de pilotage (Renault)
Outil de prévention des conflits
Outil d'amélioration de la performance (par exemple, mettre en évidence les marges de progrès) (Allied Domecq)
Outil de suivi de la progression de la nouvelle orientation de la politique RH (Usinor)

Des objectifs posés vont découler différents types d'audits sociaux qu'il est possible de regrouper en trois niveaux[5] :
Ø  Audit de conformité (garantir la qualité de l'information, assurer le respect des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles, assurer l'application des instructions de la direction)

Ø  Audit d'efficacité, d'efficience (les résultats sont-ils conformes aux objectifs ? Ont-il été atteints au moindre coût ? comment économiser? Quelles sont les procédures à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs visés ?)

Ø  Audit stratégique (les politiques de GRH sont-elles conformes aux objectifs stratégiques poursuivis par l'entreprise ? la traduction des grands choix de la politique sociale en décision opérationnelle est-elle réalisée ?)

Le référentiel :
Il s'agit de l' (ou des) élément(s) du système de comparaison dans lequel on se situe pour déceler et identifier des écarts et en estimer la valeur.
Il peut être externe à l'entreprise (loi, réglementation) ou interne à celle-ci (procédures, objectifs, valeurs), parfois même élaboré en préliminaire à l'audit. Il peut être de nature différente selon qu'il s'agit  d'un référentiel spécialisé (procédures de recrutement, accord) ou d'un référentiel plus global renvoyant à une stratégie d'ensemble dont l'aspect social n'est qu'une des composantes (perspectives de nouvelle orientation commerciale, technique, industrielle)

Il existe une méthodologie "type" d'audit : en réalité, il s'agit davantage d'un mode de raisonnement induisant une rigueur d'analyse .

Ø Les outils et sources

Les outils de l'audit social sont préalablement choisis avec l'audité. Certains sont bien entendu plus appropriés selon le besoin, le domaine à auditer et leur existence dans l'entreprise, mais en règle générale les outils  et sources mentionnés ci-après sont fréquemment utilisés :
-   Questionnaires et enquêtes (auprès de la DG, DRH, Service comptable,…)
-   L'entretiens avec le(s) responsable(s) et les salariés de la catégorie concernée
-   L' entretien collectif et analyse du contenu
-   L'entretien personnalisé
-          Les documents de base (organigrammes, bilan social, déclarations annuelles, tableaux de bord, PV de réunion, budgets, dossiers du personnel, procédures,…)
-          L'utilisation de méthodes de "psychologie sociale" telles que l'enquête d'attitude, l'analyse du groupe, de la structure et la philosophie de management

Les données correspondent à des faits observables ou que l'on peut raconter. La découverte sur le "terrain" est indispensable pour que le consultant auditeur restitue dans leur contexte géographique, culturel des informations théoriques recueillies. Ceci est un des meilleurs moyens de comprendre le climat, les conditions de travail de l'entreprise, la circulation de l'information et la communication, les relations des salariés entre eux et avec leur hiérarchie.


4. Les résultats de l'audit social

Ø Le rapport


Le consultant auditeur établi un diagnostic sous forme d'un rapport.

Les apports de l'audit peuvent prendre trois formes différentes : des garanties, des constats, des indicateurs :
Des garanties sur :
-          La validité des résultats et des performances annoncées
-          La fiabilité du fonctionnement
-          La sécurité des contrôles et des mécanismes de régulation

Des constats concernant :
-          Les écarts entre les pratiques et la réglementation sociale (par exemple)
-          Les forces et avantages permettant de saisir les opportunités
-          Les faiblesses et les risques courus (ainsi que l'évaluation chiffrée de ces données), des dysfonctionnements et des dérives qu'ils causent
-          La capacité de la structure à gérer les risques et à corriger rapidement les erreurs relevées
-          La cohérence interne entre les orientations retenues et les moyens mis en œuvre

Des indicateurs ou ratios :
-          De performances ou de résultats, de moyens, de structure et de climat, significatifs de risques, d'opportunités, de coûts et de dérives.

L'audit aboutit à des scénarios d'organisation qui tiennent compte de tous les éléments identifiés (contraintes, salaires, attentes,…), et sont testées et validées auprès des différents acteurs. L'audit au sens strict devrait s'arrêter là.
Cependant l'auditeur dépasse généralement sa seule fonction d'observateur pour la compléter par des recommandations et accompagner l'amélioration des processus

Ø La mise en œuvre du changement

En réalité, l'auditeur peut être également missionné pour faciliter la mise en œuvre et participer à la prise de décision[6] :
§  il évalue des scénarios à retenir et des conditions de mise en œuvre nécessaires à la réussite de l'opération sont identifiées : on définit un plan d'action
  • il élabore avec l'entreprise la stratégie d'appropriation du changement par l'ensemble du personnel à travers un programme précis (consultation des salariés, négociations, validation juridique et administrative, et du planning organisationnel, communication interne et externe)
  • il met en œuvre ou accompagne la mise en œuvre


La mission de l'auditeur peut également consister en une "analyse de process", qui vise à comprendre le fonctionnement d'un processus et permet de réaliser des économies, devenir plus efficace, raccourcir les délais de décision.

Le rapport de l'audit comprend souvent des séries d'interrogations soulevées par l'auditeur au cours de ses investigations. Il peut aussi proposer des hypothèses d'explorations en vue d'approfondissements ultérieurs, que les responsables pourront effectuer eux-mêmes pour aller au-delà des conclusions des auditeurs.

La restitution orale des résultats de l'audit est recommandée. En effet, elle est le moyen de :
-               Respecter et privilégier la transparence des informations. C'est la gage de la qualité de l'audit, rien ne sera écrit qui n'a pas été préalablement commenté.
-               Informer en premier l'audité, avec lequel les informations sont validées.
-               Classer les constats à partir de l'analyse des conséquences. Les recommandations sont présentées et classées selon leur importance et leur degré d'urgence.
-               D'encourager l'audité, dès qu'il est informé, à prendre des mesures correctives dès que possible.

Tous ces procédés demandent une grande transparence de la part des interlocuteurs et intervenants.

La réussite de l'audit est soumise à la volonté de l'audité de mettre en œuvre les recommandations de l'auditeur. 

5. Quelles sont les suites d'un audit social ?

Si des remarques ont été faites, des non conformités signalées, des recommandations effectuées, il reste encore à réagir et à prendre les mesures nécessaires pour mettre en place le changement de façon efficace et durable. Cela peut se faire, comme nous l'avons remarqué plus haut, avec l'aide du consultant auditeur, mais la mise en œuvre du changement dépend de nombreux autres facteurs externes comme :
-          la volonté de l'entrepreneur audité
-          l'adhésion du personnel concerné par le changement
-          la culture d'entreprise
-          les moyens humains, matériels, financiers de l'entreprise

La mission du consultant auditeur ne s'achève qu'une fois les mesures correctives établies et leur mise en œuvre entamée.
Depuis le remise du rapport d'audit et des recommandations, le dirigeant a fait un choix et fixé des priorités, mais il est aussi indispensable de déterminer les modalités des responsabilités et du suivi.



6. Quel avenir pour l'audit social ?


L'audit social n'est pas en perte de vitesse, car il existe de nouvelles voies de développement de cette pratique[7]. Plusieurs facteurs ont contribué à développer l'audit social : l'évolution des RH, des contingences extérieures liées à la mondialisation des pratiques, le développement des nouvelles technologies, l'apparition de normes sociales et de nouveaux acteurs sur le marché.
·        Les pratiques, l'utilisation et la perception des ressources humaines évoluent sensiblement ces dernières années. Ceci explique que l'audit social revêt d'autres formes. L'outsourcing et l'externalisation de pans entiers des RH (par exemple la formation, la paie,…) modifient considérablement leurs fonctions et sont aujourd'hui des nouveaux modes d'organisation, de stratégie et de croissance. Les DRH ont alors besoin dans ce contexte, d'auditeurs sociaux pour y voir plus clair (par exemple par un audit de conformité des fournisseurs et sous-traitants).
·        L'actualité internationale a, ces dernières années, entraîné une augmentation des recours à l'audit social. De nombreuses entreprises multinationales, poussées par une pression médiatique importante, se sont engagées à respecter certaines normes sociales, certains codes de conduite mis en place par l'Organisation Internationale du Travail (OIT), qui joue un rôle majeur en matière de progrès social. En outre, sous les incitations des partenaires sociaux, les employeurs soumettent plus souvent leurs activités à un audit social.
·        Par ailleurs, d'autres éléments contribuent à accélérer le mouvement. Le développement des NTIC permet une optimisation du temps et une réduction des coûts liés à l'audit : la recherche de l'information, les enquêtes réalisées par le Net sont plus rapides.
·        Le développement du rating social à la fin des années 90 marque également l'évolution de l'audit social. Depuis 1997, l'ARESE (Agence de Rating Social et Environnemental sur les entreprises) note les entreprises cotées en bourse sur les critères de développement durable : l'environnement, les ressources humaines, les relations sous-traitants/clients/fournisseurs, les questions sociétales et les droits humains, le gouvernement d'entreprise. Les analyses conduisent à un rating, c'est à dire une notation sur chacun des critères précités. Les investisseurs, clients de l'Agence, se serviront ensuite de ces outils pour baser leurs choix et décisions. Les entreprises étudiées sont également destinataires de ces notes, et les utiliseront également dans un but d'amélioration ou de communication interne et/ou externe.

Une nouvelle agence de notation sociale et environnementale a vu le jour en décembre 2002 : Vigeo (propriétaire d'ARESE), sous la présidence de Nicole Notat, met actuellement en place sa propre méthodologie pour la notation sollicitée. En croisant l'ensemble des normes en vigueur (règles de l'OIT, de la GRI, de l'OCDE, des normes EMAS et ISO…) avec les réglementations nationales, un ensemble d'indicateurs va être définit, qui permettra aux analystes d'évaluer et de mesurer le niveau d'intégration d'une politique sociale et environnementale dans la stratégie des entreprises. Les informations obtenues seront ensuite vérifiées et un degré de fiabilité attribué.
La notation déclarative (Loi NRE 2002) sera faite sur la base des critères d'ARESE.

Cette agence de grande ampleur (capital social de 12 millions d'euros, 50 actionnaires, français et étrangers) va ainsi poser de nouveaux critères de notations. Elle illustre l'avancée et le besoin d'une notation pour plus de transparence et de dynamisme social. La multiculturalité des collaborateurs de l'agence permettra d'enrichir la méthode, au bénéfice des entreprises et des investisseurs.

La filiale française de Core Ratings, la nouvelle agence de notation sociale et environnementale de gouvernement d’entreprise, créée par le groupe Fimalac, et propriétaire de l’agence de notation financière Fitch, prône la même logique de mise en commun des approches de ses collaborateurs d'origines très variées.

·        Les entreprises, comme les particuliers, sont en outre de plus en plus sensibles aux pratiques sociales : celles de leurs concurrents ou de leur entreprise, respectivement, notamment au regard du développement des fonds de pension et des fonds éthiques. En effet, l'investissement éthique progresse de façon considérable. Les indices des critères moraux et sociaux attribués aux fonds d'éthiques ne nuisent pas aux résultats financiers de l'entreprise et dans bien des cas suppriment le retrait d'argent silencieux pour non respect des clauses sociales. Les fonds de pension souhaitent investir dans des entreprises socialement responsables. Pour s'aligner (dans une démarche de benchmarking) ou se faire connaître, un état des lieux dressés au moyen d'un audit social est souvent pertinent.

·        Enfin, la démarche qualité des entreprises va croissant : la règle d'or est la satisfaction du client, la maîtrise des processus. L'audit social est ici aussi un excellent instrument d'analyse de l'existant et de préconisation de solutions.
Les normes de certification, par exemple ISO 9000, incitent de plus en plus à la vigilance autour de la GRH.

Conclusion


L'audit n'est pas une fin en soi, c'est un outil efficace pour aboutir à un diagnostic fiable, objectif, motivé, dont la valeur ajoutée se mesurera avec la mise en application des recommandations qui auront été préconisées par le consultant auditeur.

La pratique de l'audit social est aujourd'hui largement répandue. De nouveaux enjeux du commerce apparaissent : l'émergence du "client informé" nous conduit d'une économie classique à une économie humaine, les profits de demain se feront de plus en plus sur la valeur humaine ajoutée, c'est peut-être la revanche du sens et de l'éthique.

La qualité sociale devient une nouvelle valeur marchande. Ceci ne laisse donc aucun doute sur le bel avenir de l'audit social.



[1] Analyse de Gérard Donnadieu et Sophie Johnson d'Entreprise et Personnel retranscrite dans la revue Personnel n°437, février 2003
[2] Définition de l'IAS

[3] Avertit Jean-Luc Placet, PDG de l'Institut pour le développement des RH, dans l'enquête d'Entreprises &Carrières "L'audit social se refait une santé" - 2001
[4] Source : Audit de la gestion sociale, Raymond Vatier, Les Editions d'Organisation, 1988
[5] Selon V.Bailleul, C.Falvet, V.Mevel dans leur présentation des "Spécificités de l'audit social" dans le cadre du DESS Contrôle de Gestion Sociale
[6] D'après l'enquête sur "L'audit social" parue dans la revue Entreprises & Carrières n°445
[7] D'après les propos de Jacques Igalens, président de l'IAS, dans un entretien paru dans la revue "Entreprises & Carrières" n°… 2001

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