La conception d’un système de pilotage de la satisfaction des clients dans les services : le cas d’une chaîne de grandes surfaces de bricolage



Introduction
Depuis une trentaine d'années, de nombreux travaux ont été entrepris pour mettre en évidence les spécificités des services, mais ceci dans un prisme essentiellement mercatique. La plupart des autres branches des sciences de gestion se sont peu intéressées aux particularismes de ce secteur. Il est donc nécessaire de développer les travaux de recherche sur le contrôle de gestion des activités de service jugés encore trop limités par Chenhal (2003, p.130) ou Pierre Eiglier (2004) à travers la citation suivante : « Aujourd’hui toutes les universités américaines ou européennes importantes offrent des cours sur le management des services, centrés sur le marketing ou les opérations. De façon surprenante, les autres disciplines du management n’ont pas pris conscience de la nécessité ou ont jugé inutile d’investiguer les particularités des services, qu’il s’agisse des relations humaines – à la très brillante exception près de Schneider et Bowen (1996) – de la finance, du contrôle de gestion ou de la stratégie ».
Bien que la distinction entre les activités industrielles et les activités de service tendent à s’estomper, il n’en reste pas moins que des différences fortes sont constatables. L’industrie possède des processus de production plus facilement modélisables que dans les services. Ceci rend difficile une déclinaison à l’identique des procédés et des méthodes du contrôle de gestion industriel dans le tertiaire. Le contrôle de gestion des services ne peut se réduire à une simple mesure de la création de richesse entre la valeur C des ressources détruites et la valeur V des prestations obtenues (Lorino, 2001, p.2), au risque de se focaliser sur des critères uniquement d’ordre financier au détriment d’autres aspects tout aussi cruciaux. Le champ d’application doit dépasser l’élaboration des budgets et des méthodes de calcul de coûts pour prendre en compte la dimension opérationnelle du système de pilotage de la performance. Ceci ne peut se faire qu’en quittant l’universel pour intégrer en partie les spécificités métiers.
A la différence de l’industrie, la participation du client dans la coproduction ou plus exactement dans la cocréation de valeur (Vargo et Lusch, 2006 ; 2008) est la clé de voûte de la satisfaction du consommateur. De ce fait, plus la participation du client est importante, plus la nécessité d’orienter les comportements du personnel en contact et du client devient capitale pour assurer la performance de leur relation.
Lovelock et Young (1979) proposent une démarche en sept étapes pour développer la confiance du consommateur (1), comprendre ses habitudes (2), pré-tester les nouvelles procédures et équipements (3), comprendre les déterminants du comportement du client (4), apprendre au consommateur comment utiliser les innovations de service (5), promouvoir les bénéfices de ces innovations (6), surveiller et évaluer la performance, notamment de la participation du client et de la relation qu’il entretient avec le personnel en contact (7) (c’est nous qui rajoutons la partie soulignée de la phrase) (Fitzsimmons,1985). Si les six premières étapes peuvent être analysées à travers un prisme mercatique, la septième doit s’inscrire dans un système de pilotage de la performance dont les tenants et les aboutissants relèvent du champ du contrôle de gestion. Nombreuses sont les questions qui découlent de ce constat.
-       Comment le contrôle de gestion peut-il piloter la performance de la relation entre le client et le personnel en contact considérée comme créatrice de valeur dans une entreprise de service « high contact » ?
-       Quels sont les moyens à disposition des managers de terrain pour s’assurer que le personnel en contact est en mesure de garantir la performance de la gestion de la relation de service ?
-       Quel est le processus de mise en œuvre de l’instrumentation des outils de pilotage de la relation entre le client et le personnel de terrain dans une entreprise de service « high contact » ?
L’objectif principal de cette communication sera d’apporter un témoignage sur la manière dont une entreprise spécialisée dans la distribution d’articles de bricolage tente d’établir un système de pilotage de la performance de la satisfaction clients. Ceci afin d’optimiser la qualité de service, notamment dans les phases d’interface entre le client et le personnel en contact. Dans un premier temps, un état de l’art sera fait sur les spécificités des services et plus particulièrement sur la notion de participation du client dans la création de valeur servicielle. Dans un deuxième temps, nous présenterons la démarche de construction de l’outil de pilotage de la satisfaction clients et de la relation qu’il entretient avec le personnel en contact au sein de l’entreprise concernée, puis nous l’analyserons au regard des outils emblématiques du contrôle de gestion des services.



1.     La relation « personnel en contact-client » au cœur du contrôle de gestion des services
Les outils traditionnels de la fonction de contrôle de gestion ont été conçus pour le secteur industriel à une époque où l’environnement était stable et prévisible (début du XXème siècle aux Etats-Unis). L’objectif principal était de rationaliser les méthodes de travail et de s’assurer d’une utilisation efficiente des ressources pour servir les objectifs de l’entreprise essentiellement d’ordre financier. Le contrôle de gestion apparaissait donc conforme à la première définition qu’en donnait Robert Anthony (1965) qui décrivait cette activité comme « le processus par lequel les managers obtiennent l’assurance que les ressources sont obtenues et utilisées de manière efficace et efficiente pour la réalisation des objectifs de l’organisation ». Les préoccupations du monde industriel renvoyaient aux notions de standardisation et d’homogénéisation. Seules les activités industrielles étaient perçues comme créatrices de valeur. Les services ne faisaient pas l’objet d’une attention particulière et n’étaient pas différenciés des autres activités. Adam Smith considérait déjà dans son œuvre majeure « la richesse des nations » (1776) que la création de richesse passait par le travail sur les matières que l’on pouvait rendre plus efficace par une division des tâches et un apport substantiel de capital. Les services étaient pour lui improductifs et consommateurs de richesse.
Deux changements majeurs en marche depuis les années 1970 en France ont rendu archaïque cette approche des activités de service.
Tout d’abord, l’inversion des rapports de force entre les services et l’industrie. Aujourd’hui, les économies modernes sont essentiellement dominées par le tertiaire qui représente près de 75% du marché de l’emploi là où il n’en représentait pas plus de 30% au début du siècle dernier. La nature des services a ainsi fortement évolué. Ils sont passés du seul statut de plaisir, de luxe ou de fonction régalienne de l'État à celui de maillon indispensable pour répondre aux exigences des sociétés modernes (Bancel-Charencol et al., 1999).
Ensuite, la barrière entre les activités de service et les activités industrielles est de plus en plus floue. La tendance à la personnalisation pousse les industriels à enrober leurs produits de tout un panel de services augmentant la part de contact et de relationnel avec le client. Cet entrelacement entre activités industrielles et préoccupations de service a amené de nouvelles façons de classifier les secteurs de l’économie afin de pallier aux insuffisances de la vision tri sectorielle classique.

James Teboul (1999 ; 2006) propose une classification des secteurs de l’économie basée sur l’importance des activités d’avant scène et d’interface entre le client et le personnel en contact. Il identifie quatre catégories pour classifier les activités économiques, à savoir : les biens relativement purs (les biens de grande consommation) (1) ; les biens à forte intensité de service (biens industriels et durables) (2) ; les services à forte teneur en biens ou en information (3) ; les services relativement purs (4).
Parmi les quatre caractéristiques des services largement développées par des auteurs comme Judd (1964), Rathmel (1974), Shostack (1977), Sasser, Olsen et Wyckoff (1978) ou plus récemment Van Looy, Gemmel et Van Dierdonck (2003), Fitzsimmons et Fitzsimmons (2008), à savoir l’immatérialité (intangibility), l’hétérogénéité (heterogeneity), la simultanéité (simultaneity) et le caractère non stockable (perishability) (Shostack, 1987), la coproduction de valeur matérialisée par le degré de participation du client dans le système de délivrance de la prestation apparait donc comme une variable prépondérante des nouvelles visions de l’économie.
Cette spécificité très prononcée dans le secteur des « services relativement purs » mais aussi des « services à forte teneur en biens ou en information » doit amener naturellement les entreprises à penser un système de pilotage de la performance tourné vers l’optimisation de la relation de service au niveau opérationnel.
1.1. Le client coacteur de la valeur servicielle
Les phases d’interaction entre le client et le personnel en contact sont l’essence même des services. La relation qui se noue entre ces deux acteurs apparait quelque peu contradictoire. Le client recherche une offre à moindre coût et une qualité de service optimale là où l’entreprise souhaite maximiser ses revenus tout en réduisant ses frais d’exploitation.
La sollicitation du client tout au long du processus de coproduction fait qu’il va être à la fois acteur et bénéficiaire du service, observateur et partie prenante (Meyronin et Ditandy, 2011, p.120). Il lui sera ainsi possible de percevoir une qualité de service basée sur un jugement effectif et global de la prestation, ainsi qu’un niveau de satisfaction à l’issue de la transaction qui fait office d’expérience unique et difficilement renouvelable à l’identique (Sabadie, 2001, p.63).
Toutefois, affirmer que le client est coacteur de la création de valeur dans les services n’est pas un constat nouveau en soi. Dès 1938, Barnard Chester pointait le rôle joué par les consommateurs dans les services et la nécessité de les considérer comme des membres de l’organisation ou des employés partiels (Lovelock et Young, 1979 ; Mills et al., 1983, 1986; Bowen, 1986). La principale prise de conscience provient de la difficulté rencontrée par les entreprises à opérer un contrôle managérial sur la qualité de la rencontre avec le personnel en contact et in fine sur la qualité du service lui-même lorsque le degré de participation du client est intense (Parasuraman et al., 1985).
Cette participation est plus ou moins dense en fonction de la nature du service. Elle aura tendance à être moins prononcée dans les services orientés sur les biens des personnes comme dans la réparation automobile ou le gardiennage canin lors des départs en vacances. Par contre, elle prend un aspect bien plus prépondérant dès que le service touche la personne et que sa présence physique conditionne la réalisation même de la prestation. Dans ce cas précis, le client va jouer un rôle déterminant dans la production de valeur et dans la réussite ou l’échec du processus serviciel (Bitner et al., 1997). C’est le cas pour tous les services ou le degré de personnalisation est fort tel que les cours à domicile, les entrainements sportifs personnalisés ou encore les services qui délivrent des prestations techniques dont les facteurs de réussite sont liés aux compétences techniques du personnel en contact, à la clarté des conseils prodigués et la qualité de l’accueil fourni. Dans ce cas précis, les quatre composantes de la qualité de service interviennent simultanément (Grönroos, 1984 ; Kelley et al., 1990) :
-            La qualité technique de l’employé qui fait appel à ses connaissances, aux équipements qu’il utilise et à la technicité des solutions qu’il apporte.
-            La qualité fonctionnelle de l’employé qui réfère à ses compétences relationnelles et à la contribution interpersonnelle qu’il apporte à la rencontre de service (Kelley et al., 1990).
-            La qualité technique du client qui concerne les connaissances et les compétences qu’il doit posséder afin de ne pas brider le bon déroulement du processus serviciel.
-            La qualité fonctionnelle du client ayant trait à son aptitude à respecter le rôle qui lui est imparti et la façon dont il se comporte lors de la relation de service.
L’intensité de la participation du client va également être conditionnée par le modèle d’affaire ou business model mis en place. Comme le souligne Meyssonnier (2011), « Roth et Menor (2003) caractérisent le business model dans le secteur des services par la cible commerciale (target market), les caractéristiques intrinsèques du service offert (service concept) et les modes de délivrance de la prestation (service delivery system choices) ».
Le mode de délivrance de la prestation de service peut être fait de manière à limiter les points d’interface entre le client et le personnel en contact en dématérialisant les relations. Dans ce cas, l’entreprise cherche à réduire ses frais d’exploitation en transférant vers le client une partie du travail initialement réalisé par le personnel opérationnel. Le service devient de facto « low contact », à l’instar des hard discounters comme « Brico Dépôt » dans la distribution spécialisée d’articles de bricolage. Dans ce type de modèle d’affaire, la satisfaction du client est moins conditionnée par la relation qui s’exerce avec le personnel en contact que par les prix et la disponibilité des produits. Les clients savent que le niveau d’accueil et de conseil est limité et que la part de travail qu’ils doivent assumer est importante (attente en caisse longue, aucune aide pour le chargement des produits lourds, faible niveau de service).
A contrario, le mode de délivrance de la prestation de service peut être de type « high contact ». La qualité de l’accueil et du conseil ainsi qu’un niveau de service élevé deviennent les préoccupations premières de l’entreprise.
C’est bien entendu dans les services de type « high contact », ou la technicité de la prestation est significative que la nécessité d’élaborer des outils de pilotage de la performance de la relation entre le personnel de terrain et le client prend tout son sens. Ces outils de pilotage doivent avoir pour fonction première d’orienter les comportements des acteurs en présence pendant que la coréalisation de la prestation de service s’effectue.
En effet, la participation du client peut également intervenir en amont ou en aval de la prestation de service. Mais ces deux moments d’interaction possibles intéressent davantage le marketing pour l’identification des besoins en amont ou la réparation du service en aval (Lovelock et al., 2007, p.435).
La participation du client peut également prendre des formes diverses. Elle peut se manifester à travers des activités mentales, physiques, émotionnelles, relationnelles, comportementales, temporelles ou financières (Rodie & Kleine, 2000 ; Plé et al., 2010). Nous comprenons qu’il devient primordial de mettre sous pilotage la relation de service lorsque cette dernière fait appel à plusieurs voire à toutes ces formes de participation de manière concomitante (cas des services « high contact »). Cela implique une vision multidimensionnelle de la performance (qualité du service, délai de délivrance de la prestation, compétences, environnement physique…).
Reste à savoir quel type d’outil peut-être déployé pour piloter la gestion de la relation de service lorsque cette dernière est intense ? Il va de soi que les outils traditionnels du contrôle de gestion n’y répondront pas.
Bien que les nouvelles méthodes de calcul de coût comme l’Activity-based-costing (Mevellec, 1990 ; Alcouffe, 2004) soient efficaces pour agir sur les dépenses allouées aux activités non créatrices de valeur pour le client, elles n’offrent qu’une vision partielle de la performance. Ces méthodes s’avèrent non pertinentes et peuvent même conduire l’entreprise à prendre des décisions contraires aux intérêts des clients (Mendoza et al., 2011, p.23) dès lors que la valeur perçue par ces derniers se fait sur d’autres composantes que les coûts, tels que les délais ou la qualité de la relation entretenue avec le personnel en contact.
Il est donc nécessaire de déployer une batterie d’outils qui permettent à la fois de prendre des décisions d’ajustement à l’évolution des attentes clients, mais aussi d’orienter les comportements des acteurs sur le terrain lors de la délivrance du service au niveau opérationnel. Ces outils doivent avoir une vision proactive de la performance et ne pas se contenter de constater les résultats passés, permettre de prendre en considération tous les éléments qui peuvent impacter la qualité de la relation de service afin d’assurer la réactivité des managers sur le terrain et avoir comme finalité la satisfaction du client.
Une synthèse des différents outils du contrôle de gestion des services a été menée (Meyssonnier, 2008, 2011) et six outils emblématiques fréquemment utilisés par les entreprises du secteur ont été répertoriés :
-          la méthode Data Envelopment Analysis (DEA),
-          les logigrammes et les blueprints,
-          le time driven activity-based-costing (TD-ABC),
-          le yield management ou gestion des capacités,
-          l’outil d’évaluation de la qualité de service ServQual,
-          la Balanced Scorecard de Norton et Kaplan (1998) qui offre une vision multidimensionnelle de la performance à travers quatre axes : l’apprentissage organisationnel, les processus internes, la satisfaction clients, la performance financière.
Chacun d’entre eux apporte une contribution particulière et se révèle plus ou moins efficace dans la gestion des opérations et le contrôle des comportements en fonction du type de service et du modèle d’affaires mis en place. Reste à savoir s’ils peuvent s’avérer utile au pilotage de la relation « personnel en contact-client » lorsqu’elle est intense ?
L’utilisation de la méthode DEA est pertinente dans l’identification des unités les plus efficaces dans une entreprise de réseau d’agences comparables. Toutefois, cette méthode ne nous renseigne pas sur les raisons de cette efficacité. Nous ne saurons pas si cela provient d’une meilleure mise sous pilotage de la relation de service.
Les logigrammes et les blueprints (Shostack, 1992) peuvent dans une certaine mesure optimiser la relation qui se crée entre le client et le personnel en contact lorsqu’elle est standardisée avec un service relativement homogène. Mais il n’est pas pertinent de confiner les discours et les rôles de chaque acteur lorsque la relation est hétérogène et difficilement normalisable.
Le time-driven ABC est une méthode de calcul de coût récemment développée par Kaplan et Anderson (2008) qui s’adapte bien aux services. Elle passe par la détermination de standards de temps alloués à chaque activité d’un processus et répond donc plus à l’amélioration des délais d’exécution des opérations que de la gestion de la relation.
Le « yield management » consiste à gérer les ressources disponibles de l’entreprise de service pour répondre de la meilleure des manières à la demande fluctuante. Il s’agit plus d’assurer la régularité des opérations par un ajustement des ressources que d’une recherche de mise sous pilotage de la relation de service, même si cette dernière se trouvera améliorée par cette recherche d’adéquation entre ressources disponibles et variation de la demande.
Par contre, l’outil d’évaluation de la qualité de service ServQual couplé à l’utilisation d’un tableau de bord multidimensionnel semble une combinaison intéressante pour piloter la relation « personnel en contact-client » lorsqu’il s’agit de délivrer un service ou un produit technique avec un degré d’accueil et de conseil important.
Bien que ServQual ait été conçu à des fins mercatiques, il peut s’avérer un outil d’aide à la décision puissant pour identifier les désirs et la perception subjective du client en matière de relation de service. En effet, l’outil ServQual propose de mesurer la qualité de service à travers 5 composantes (Parasuraman et al., 1991 ; Boss et al., 1994) : la tangibilité (environnement physique), la fiabilité (cohérence des discours et des actes), la réactivité (capacité d’adaptation face aux imprévus), l’assurance (compétences techniques, niveau de sécurité offert) et l’empathie (clarté du discours, compréhension des attentes du client). Ces composantes prennent en compte tous les éléments du système qu’Eiglier et Langeard (1987, 2004) nomme la « servuction » (support physique, personnel en contact et client) dont le pilotage doit être assuré pour garantir la performance de la relation de service.
Une analyse des écarts entre les désirs et la perception subjective des clients permettrait ensuite d’identifier les points forts et les points d’amélioration possibles en matière de relation de service. Le tout, piloté au quotidien à travers des objectifs clairs, matérialisés en actions concrètes et mesurés par des indicateurs sur un tableau de bord de type multidimensionnel à destination des managers de terrain.
Nous pouvons désormais expliciter le contexte de la recherche, définir le positionnement méthodologique utilisé et présenter le terrain d’étude qui à servi de socle d’observation. Dans un deuxième temps, nous présenterons la démarche de construction de l’outil de pilotage de la satisfaction clients et de la relation de service, puis nous l’analyserons à la lumière des spécificités des tableaux de bords multidimensionnels et de l’outil ServQual.
1.2. Problématique, contexte et méthodologie de l’étude
La problématique porte sur l’étude de la construction d’un outil de pilotage de la satisfaction clients dans une entreprise spécialisée dans la distribution d’articles de bricolage. L’objectif est d’analyser la conception de l’outil et d’identifier comment il permet de mettre sous tension la relation de service.
La Direction Générale de l’entreprise a décidé de lancer un projet central de refonte de la satisfaction clients qui doit s'échelonner sur une période de 3 ans à 5 ans. Pour se faire, ils ont fait appel à un cabinet de conseil spécialisé dans les questions d'accompagnement au changement. Une recherche en situation d’observation participante a ainsi été réalisée durant l’année 2012 dans le cadre d’une première année de thèse en Convention Industrielle de Formation par la REcherche (CIFRE), au sein du comité de pilotage du projet satisfaction clients. Cette immersion en profondeur a offert la possibilité de réaliser une étude de cas définit par Yin (1989) comme étant « une recherche empirique qui étudie un phénomène contemporain dans un contexte réel, lorsque les frontières entre le phénomène et le contexte n’apparaissent pas clairement et dans lequel on mobilise des sources empiriques multiples », (cité par Zawadsky, 2010).
L’intégration au sein de l’entreprise coïncidait avec le début du projet satisfaction clients. Le doctorant a ainsi pu participer à toutes les réunions menées par le comité de pilotage du projet ainsi qu’aux journées de formation délivrées par le cabinet de conseil aux membres de l’entreprise concernés par la démarche KALITISS (nom officiel du projet satisfaction client et démarche labellisée par le cabinet in&co). Il s’agissait de dix réunions de travail avec le comité de pilotage du projet, deux réunions avec les consultants du cabinet de conseil et des membres du projet afin de les préparer à l’animation des groupes de réflexion, une réunion avec les responsables du cabinet de conseil afin de comprendre le fonctionnement et les appuis théoriques de la démarche, treize réunions de travail avec les membres du projet pour faire émerger les idées et construire la matière nécessaire à l’élaboration de l’outil de pilotage.
La participation à toutes ces réunions a permis d’acquérir une solide connaissance de la culture de l’entreprise et des langages utilisés, garant de la qualité d’une étude de cas (Campbell, 1975). Une masse importante de verbatims a également été recueillie, reflétant l’état d’esprit et la perception des acteurs. Des entretiens semi directifs ont été menés à la fin de la conception de l’outil avec les membres du projet (5 entretiens) et la Direction Générale (3 entretiens).
Tableau 1 : Contexte de la recherche
Source : Document interne sur le positionnement des enseignes. Présentation de la Direction Générale le 25 octobre 2012 lors de la journée des objectifs 2013.

L’entreprise La Boite à Outils est détenue à 88,3% par le Groupe SAMSE (Société Anonyme des Matériaux du Sud Est) dont le secteur d’activité est le négoce de construction et de bricolage grand public. Le groupe couvre 23 départements au sein des régions Rhône Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, mais également la Bourgogne et la Franche Comté depuis sa prise de participation dans la société Doras.
En 1974, le groupe SAMSE ouvre son premier magasin exclusivement dédié au bricolage à Saint Martin d’Hères dans la périphérie de Grenoble, sous l’enseigne La Boite à Outils (désormais BAO). Plusieurs ouvertures de magasins sous la même enseigne suivront dans la région Rhône-Alpes. Ce n’est qu’en 1996 que la seconde enseigne de l’entreprise « L’Entrepôt du Bricolage » (désormais EDB) voit le jour avec la volonté de s’imposer sur le marché des soft discounts dans la région. Aujourd’hui, la société compte treize magasins BAO et quinze autres sous l’enseigne EDB.
L’enseigne BAO comporte des magasins implantés en zone rurale ou dans des agglomérations de tailles petites ou moyennes. Il s’agit de magasins de proximité qui mettent un point d’honneur à la qualité de l’accueil fourni et du conseil délivré. L’entreprise ne vend pas qu’un produit mais un usage du produit. A ce sujet une hôtesse de caisse nous dit : « Les gens cherchent de la proximité, du conseil et depuis qu’on est passé de BAO à EDB et bien les clients regrettent la proximité que l’on avait avec les BAO car les clients recherchent la présence du vendeur ». Verbatim recueilli lors de la cinquième journée de formation KALITISS du 15/05/2012.
 La zone de chalandise n’excède généralement pas les 35 000 ménages avec une concurrence plutôt faible. Les surfaces de vente sont comprises entre 1000 et 2000 m2 à l’intérieur et entre 1000 à 2000 m2 à l’extérieur pour la zone de bâti.
Les clients cibles sont les bricoleurs pour les besoins courants. Les axes stratégiques sont donc la proximité avec le client, la qualité de l’accueil, du conseil et des services fournis, le rapport qualité/prix et la disponibilité des produits (niveau de stock élevé).
L’enseigne EDB comprend des magasins implantés en zone urbaine. Elle offre une distribution de masse dans des zones de chalandise à fort potentiel où la densité concurrentielle est élevée. Les surfaces de vente sont comprises entre 2000 et 6000 m2 à l’intérieur et entre 1500 et 3000 m2 à l’extérieur pour le bâti. Toutefois, la force du concept est plus basée sur des surfaces de 3000 m2 d’intérieur selon le directeur administratif et financier :
« On a un modèle de 3000 qu’on a décliné depuis une quinzaine d’années….c’est la surface maximum d’un magasin qu’on peut exploiter sans faire d’investissement lourd de type protection incendie RIA ou des choses comme ca. Et parce qu’aussi on ne veut pas aller se battre avec les leaders qui eux sont plus sur du 10000-12000 m2. On cherche une diversification à travers notre enseigne EDB que l’on dit maintenant « soft discount » avec des magasins plus petits mais avec une volonté d’aller un peu plus sur la proximité ». Premier entretien semi directif conduit avec le directeur administratif et financier le 01/06/2012.
Les clients cibles sont les professionnels et les particuliers, plus spécifiquement les bricoleurs lourds, les investisseurs, les artisans et les petites entreprises. Les axes stratégiques sont la qualité des produits et des services, une offre simplifiée et du stock permanent.
Maintenant que le terrain d’étude a été présenté, la démarche de conception de l’outil de pilotage de la satisfaction clients et de la gestion de la relation va être décrite et analysée.
2.  La construction de l’outil de pilotage de la satisfaction clients à la Boite à Outils
La construction de l’outil de contrôle de la satisfaction clients a pour vocation d’élaborer un tableau de bord multidimensionnel à destination des managers de terrain. Ceci va permettre aux magasins des deux enseignes (BAO et EDB) de suivre l’avancement et la finalisation des actions à réaliser à travers une plateforme informatique conçue par le cabinet de conseil en charge du déploiement de la démarche au sein de l’entreprise. Cette plateforme permet d’identifier les points forts existants en termes de qualité de service et de satisfaction clients, ainsi que les points d’amélioration possibles dans ces deux domaines pour chaque magasin. L’identification des points forts et des points d’amélioration s’est faite grâce à la mise en place de quatre outils intermédiaires : la construction d’un guide d’autoévaluation par des groupes de travail constitués du personnel des magasins et du siège (1) ; un questionnaire à destination des clients (2) ; un questionnaire à destination des salariés (3) ; un travail sur des situations paradoxales pouvant intervenir sur le terrain et sur les meilleures décisions à prendre (4).
Une fois l’identification des points forts et des points d’améliorations effectuée, ces derniers vont être répartis sur les quatre axes d’un tableau de bord dédié aux questions de satisfaction clients.
2.1. Description de la démarche
Il s’agit d’une démarche de long terme échelonnée sur un cycle de cinq ans inscrit dans le plan stratégique de l’entreprise. Le Président de La Boite à Outils nous dit à ce sujet : « C’est satisfaction clients à 100%. Devenir le meilleur commerçant en bricolage de France. Faire en sorte que si l’on devait sortir un sondage, on sortirait largement en tête sur l’accueil, la prise en charge des clients, la sympathie, la dynamique d’animation, la proximité avec les clients etc.…S’il devait y avoir un sondage de fait, il faudrait que naturellement avec beaucoup de longueur d’avance, on soit identifié comme ca. » Entretien semi directif mené le 18 juin 2012.
La démarche mise en place par le cabinet de conseil In&Co repose sur une vision très participative du management (type bottom up). L’optimisation de la relation de service et de la satisfaction clients se fait essentiellement par une réflexion collective du personnel en contact. Quatre phases distinctes composent la démarche : le diagnostic (1), la définition des objectifs (2), la mise en œuvre (3) et l’évaluation annuelle (4).
Schéma 1 : La démarche du projet satisfaction clients.
Source : Plateforme KALITISS, marque déposée du cabinet In&Co.
http://notresatisfactionclient.kalitiss.fr/claroline184/claroline:learnpath/navigation/viewer.php

La conception du dispositif de pilotage de la satisfaction clients et de la relation de service concerne les deux premières phases de la démarche. Ainsi, huit groupes de travail nommés KALITISS, composés chacun d’une dizaine de personnes, ont été constitués afin d’échanger sur quatre référentiels dûment choisis par la Direction Générale : l’offre produits et services (1), l’accueil et les conseils (2), la satisfaction des équipes (3) et l’observatoire client (4).

Schéma 2 : Les étapes de la conception de l’outil de contrôle de la satisfaction clients.
 
Source : Auteur
v    Le premier outil intermédiaire, le guide d’autoévaluation (étape 1 du schéma 2), avait pour vocation de faire réfléchir les groupes KALITISS à la création de quatre-vingt références réparties sur les quatre référentiels, soit vingt par référentiel. Ces références sont des propositions formulées de manière simple pour améliorer la relation de service, répondre aux attentes des clients et accroître leur satisfaction. Chaque groupe n’a travaillé que sur un seul référentiel qui fut donc lui-même travaillé par deux des huit groupes.
La constitution des références s’est déroulée courant février 2012 par les groupes KALITISS. Les vingt meilleures propositions de chaque groupe ont été rentrées dans la plateforme informatique.
Suite à ce travail de collecte, le comité de pilotage a organisé une journée de consolidation des références de chacun des quatre référentiels le 9 mars 2012. Les références rentrées sur la plateforme informatique ont été épurées pour éliminer les doublons des deux groupes ayant travaillé sur le même référentiel, puis elles ont ensuite été classées dans quatre thèmes. Par exemple, les références rattachées à « l’accueil et les conseils » (référentiel 2) ont été regroupées dans les thèmes suivants : l’accueil actif (1) ; l’environnement magasin (2) ; l’organisation de l’accueil (3) ; les outils-supports-conseils (4). Ou encore, les références rattachées à « l’observatoire client » (référentiels 4) ont été regroupées dans les thèmes suivants : le comportement client (1) ; un partage pour une meilleure connaissance (2) ; les outils d’analyse (3) ; la culture de la satisfaction clients (4).
 La phase suivante du guide d’autoévaluation consistait à recueillir la preuve de la mise en application ou non de chacune des références ayant été consolidées dans la plateforme informatique. Pour se faire, les groupes KALITISS ont commencé par attacher une question simple de type « Est-ce que » à chaque référence, ce qui a permis de repérer plus facilement la ou les preuves concrètes de leur mise en application. L’existence ou non de la preuve en magasin a donné lieu à une cotation des références sur une échelle graduée de A à D, le 5 avril 2012 (étape 4 du schéma). La note A fut attribuée si la preuve existait et qu’une évaluation régulière était conduite. La note D fut attribuée si la preuve n’a pas pu être apportée. Les références cotées A ou B sont devenues des points forts, celles cotées C ou D des points d’amélioration (voir annexe 1 pour un extrait du guide d’autoévaluation d’un magasin).
v    Le deuxième outil intermédiaire, le questionnaire à destination des clients, a été réalisé courant mai 2012. Le but fut de recueillir l’avis des clients sur la qualité des prestations offertes par l’entreprise, qu’il s’agisse de la qualité des services, de l’accueil et des conseils, de l’environnement physique et des équipements mis à disposition.
Les magasins ont ainsi construit en petit groupe de réflexion leur propre questionnaire, composé de quarante questions réparties sur les quatre référentiels du projet. Une bibliothèque de questions était disponible sur la plateforme informatique, préalablement déterminée par le cabinet de conseil et validée par la Direction Générale. La structure des questions fut assez simple afin de ne réaliser que des tris à plat. A ce sujet, la responsable du cabinet In&Co nous dit : « Nous n’avons pas inséré les données classiques d’un questionnaire en bonne et due forme, car nous avons l’objectif de réaliser seulement des tris à plat pour rester simple et de ne pas croiser des données. Si on souhaite croiser des données comme savoir ce qu’on dit toutes les personnes âgées de 50 à 60 ans, ça exige des tests statistiques de type Khi deux ou Fischer et ça nécessite une expertise particulière. L’objectif de ce questionnaire est vraiment de fournir des données accessibles à tous. »Verbatim recueilli lors du comité de pilotage du 4 juin 2012.
Une fois réalisé, des binômes se sont constitués afin d’interroger les clients en magasin. Ceci fut une des limites énoncées par bon nombre des membres du projet qui considéraient cette démarche peu objective. Selon eux, interroger des clients du magasin revenait à interroger des clients dont la satisfaction est plutôt bonne. Un directeur de magasin nous dit :
« Je me demande si les résultats de l’enquête client ne sont pas biaisés car on a interrogé que les clients qui viennent dans nos magasins. Et s’ils viennent c’est qu’ils sont censés être satisfaits. Il aurait surement fallut interroger les clients qui ne viennent pas, sur les parkings des enseignes concurrentes». Verbatim recueilli lors du festival satisfaction clients du 14/06/2012.
Toutes les questions qui ont fait l’objet de plus de 60% de réponses favorables sont devenues des points forts, les autres des points à améliorer. Les points à améliorer qui ne figuraient pas dans ceux du guide d’autoévaluation ont ainsi été rajoutés sur la plateforme informatique. Le seuil retenu de 60% de réponses favorables pour considérer la question comme un point fort a laissé dubitatif certains membres du projet qui le considérait comme trop faible. Un directeur de magasin nous dit : « Je suis surpris que pour classer les réponses en points forts de l’entreprise, on prenne en considération celles qui font l’état de 60% de satisfaction alors que dans des enquêtes similaires on considère que la satisfaction commence à 80% ». Verbatim recueilli lors du festival satisfaction clients du 14 juin 2012.
v    L’objectif du troisième outil intermédiaire, le questionnaire salariés, fut pour chaque magasin d’interroger l’ensemble de ses salariés à travers quarante questions réparties sur les quatre référentiels. Les questions n’étaient pas forcément identiques à celles du questionnaire clientss. La comparaison souhaitée par la Direction Générale entre la perception des salariés et celle des clients a donc été difficile. L’entreprise s’est ainsi contentée de repérer des points d’amélioration qui n’auraient pas été identifiés à travers les deux premiers outils intermédiaires (guide d’autoévaluation et questionnaire clients). Le questionnaire a été distribué sous forme papier et son caractère anonyme n’a pas permis d’éviter un taux proche de 50% de non réponses dans certains magasins.
Le classement des questions entre points forts et points à améliorer fut le même que pour le questionnaire clients. Un taux de réponses favorables supérieur à 60% est devenu un point fort. En cas contraire, il s’agissait d’un point à améliorer.
v    Le quatrième outil intermédiaire, Eval’étique (étape 3 du schéma 2), mérite que l’on s’y attarde quelques instants. L’une des particularités des services à forte teneur en biens ou en information concerne l’apparition de situations paradoxales entre gestion des opérations et gestion de la relation. Faut-il privilégier le respect des procédures et la réalisation des opérations lorsque cela entache la relation qui s’exerce entre le client et le personnel en contact ? Comment trouver le bon compromis entre gestion des opérations et préservation de la relation ?
L’entreprise, consciente de cette spécificité, a décidé de faire travailler chaque magasin sur dix situations paradoxales fréquemment rencontrées. La rédaction des scénarios a été faite par un spécialiste de l’éthique qui a imaginé quatre réactions possibles de la part du personnel de terrain pour gérer ces paradoxes. Ces réactions possibles ont été évaluées en fonction de leur caractère éthique. Trois questions ont ensuite été posées au groupe de travail de chaque magasin:
-          Quelle décision prendriez-vous, si vous étiez confronté à ce genre de situation ?
-          Quelle est la probabilité que chacune des réactions se produisent dans votre magasin ?
-          Comment classeriez-vous chacune des réactions de la plus éthique à la moins éthique ?
Les réponses apportées ont ensuite été rapprochées de celles formulées par le spécialiste de l’éthique afin de déterminer une note globale. Si la note était supérieure à 50%, il s’agissait d’un point fort. En cas contraire, le paradoxe fut rentré dans la plateforme informatique comme un point à améliorer.
Afin d'être plus explicite, prenons un exemple concret de situation paradoxale entre gestion des opérations et gestion de la relation.
«Un client se présente au rayon sanitaire dont vous êtes le vendeur. Le rayon est momentanément inaccessible car vous faites de la manutention. Le client impatient vous interpelle du bout du rayon.»
Ce cas de figure est très fréquent dans la grande distribution de bricolage. L'expert en éthique a donc imaginé les quatre réactions suivantes de la part du vendeur :
A. Du haut de votre nacelle, vous répondez au client de repasser dans 5 minutes, et en attendant, il peut prendre un café à l'entrée.
B. Vous décidez de laisser passer le client dans la zone à risque au mépris des règles de sécurité.
C. Vous arrêtez momentanément votre manutention, vous vous présentez au client et lui demandez ce qu'il recherche.
D. Considérant que votre tâche est bientôt terminée, vous poursuivez votre travail et estimez que le client patientera.
Les groupes de travail ont ainsi commencé par donner la réponse qu’ils mettraient en pratique s’ils étaient confrontés à cette situation. Ils ont ensuite classé les propositions en fonction de la probabilité qu’elles se produisent dans leur magasin, de très probable à très peu probable. Ils ont fini par les classer en fonction de leur caractère éthique envers le client, de très éthique à très peu éthique (voir annexe 2).
Une fois le diagnostic des magasins réalisé, la deuxième phase de la démarche fut entamée, à savoir la définition des objectifs. La Direction Générale a ainsi abandonné les quatre référentiels de base pour les remplacer par quatre axes stratégiques d’un tableau de bord multidimensionnel : travailler mieux chaque jour et se former en permanence (1) ; surprendre les clients, les connaître et anticiper leurs désirs (2) ; assurer l’essentiel aux clients et leur faire savoir (3) ; faire gagner nos équipes et surfer sur les succès (4). Un verbe d’action a été choisi pour chaque axe afin d’insuffler une atmosphère de pilotage et de marche en avant. Les quatre axes ont à leur tour été décomposés en 3 ou 4 sous axes chacun selon les magasins afin de les affiner et de rattacher plus aisément les points à améliorer, devenus des projets à réaliser.
Les groupes de travail KALITISS ont ainsi été réunis pendant le mois de juin 2012 afin de classer l’ensemble des projets sur chacun des quatre axes et ceci sur les 5 années à venir. Les projets jugés prioritaires ont été planifiés sur 2012-2013 et les autres sur les années suivantes pour aboutir à un véritable arbre des objectifs d’une dizaine de projets par axe.



Schéma 3 : Extrait d’un arbre d’objectifs sur l’axe 2 du tableau de bord d’un magasin EDB
Source. Adapté de la plateforme informatique du cabinet In&Co.
http://notresatisfactionclient.kalitiss.fr/claroline184/claroline/projet/ao/printmodule.php?uid=437

 Pour chaque projet, les groupes KALITISS ont déterminé des actions à mettre en œuvre, des éléments d’organisation, des éléments d’évaluation et un chargé de l’action. Chaque salarié a dû être rattaché à un projet afin d’intégrer tout le personnel de terrain.
2.2. L’Analyse de la démarche
L’étude menée au sein de l’entreprise La Boite à Outils a permis de tirer plusieurs enseignements sur la manière dont un outil de pilotage de la satisfaction clients et de la relation de service se construit dans une entreprise où le degré d’accueil et de conseil sur la technicité des produits est significatif.
Quatre phases distinctes dans la démarche d’élaboration du système de pilotage ont pu être identifiées. Les deux premières phases (diagnostic et définition des objectifs) concernent la conception du système. Les deux dernières phases en cours de réalisation, ont trait à la mise en œuvre et à l’appropriation du système de pilotage par le personnel en contact au sein des magasins. L’analyse qui va suivre va se focaliser sur les deux premières phases.
De nombreux problèmes théoriques émergent lorsque l’on cherche à piloter la satisfaction clients et à mettre sous tension la relation qui s’exerce entre le personnel en contact et le client lors de la coréalisation du service. Les quatre outils intermédiaires de la phase de diagnostic tentent de répondre à certains de ces problèmes conceptuels.
Le guide d’autoévaluation a pour vocation d’identifier les forces et les faiblesses internes auxquelles sont confrontés les magasins en matière de satisfaction clients et de qualité de la relation de service. Et ceci en impliquant dans la réflexion le personnel en contact proche de la réalité du terrain. Cette méthodologie de réflexion par le bas permet un benchmarking des pratiques appliquées sur les différents éléments d’influence de la satisfaction clients et de leur degré de maitrise.
Prendre en considération les attentes et la perception du client en matière de qualité de service et de gestion de la relation est une problématique théorique fondamentale à prendre en compte dans le pilotage de la satisfaction clients. Le questionnaire à destination des clients répond à ce besoin.
Le questionnaire à destination des salariés a pour vocation de recueillir la perception de ces derniers sur la qualité des services offerts et sur la relation entretenue avec le client lors de la prestation. Cela permet de refléter leurs réponses avec celles des clients à la façon d’un miroir et d’en évaluer les écarts pour agir de façon concrète sur les plus gros d’entre eux. C’est à cette question conceptuelle que cet outil tente de répondre dans une optique de pilotage de la satisfaction clients bien qu’il n’ait pas été utilisé comme tel à la Boite à Outils.
Les paradoxes possibles entre gestion des opérations et gestion de la relation sont monnaie courante dans les services à forte teneur en biens et en information. Faire travailler les membres du projet sur les situations paradoxales fréquemment rencontrées en magasin à travers l’outil intermédiaire Eval’éthique est une façon de répondre à ce problème théorique, mais également d’apporter une certaines éthique dans les comportements adoptés envers le client, garant de la qualité de la relation de service.
La réunification des résultats de ces quatre outils intermédiaires permet de cerner les points sur lesquels les magasins vont devoir s’investir afin de couvrir l’ensemble des éléments susceptibles de ternir la satisfaction clients et la qualité de la relation de service.
Schéma 4 : Eléments impactant la satisfaction clients et la gestion de la relation de service dans une Grande Surface de Bricolage.
Source : Auteur
Le pilotage de la satisfaction clients et plus particulièrement celui de la relation de service nécessite de mettre sous tension les différents éléments de la « servuction » (personnel en contact, environnement physique, clients, éléments d’organisation interne) dont l’uniformisation de la performance dans le temps est délicate à opérer. C’est pourquoi, un outil de pilotage propre doit y être consacré afin de suivre les actions de progrès réalisées et de les évaluer de manière régulière et synthétique. S’inspirer de la philosophie d’un tableau de bord multicritère centré sur les questions de satisfaction clients semble un moyen efficace d’y parvenir. Ceci afin d’assurer une coordination verticale des objectifs mais aussi une cohérence horizontale de ces derniers entre les magasins d’une entreprise de réseau d’agences à maillage serré comme c’est le cas à La Boite à Outils.
Comme le montre le schéma 4, de nombreux facteurs peuvent venir influencer favorablement ou défavorablement la relation de service et la satisfaction clients. En effet, une mauvaise organisation interne peut compliquer la bonne exécution du processus de livraison du service en avant scène et dégrader la relation de service. Une mauvaise formation du personnel en contact sur les questions d’accueil ou de technicité des produits peut créer un écart défavorable entre les attentes et la perception du client sur la qualité de la relation de service.
Au sein de la Boite à Outils, la Direction Générale a défini quatre objectifs qui sont devenus les axes du tableau de bord multicritère sur lesquels les directeurs de magasin ont élaboré leurs propres objectifs. Ces quatre axes permettent une couverture convenable des différents facteurs d’influence de la satisfaction clients et de la qualité de la relation de service.
Ainsi, l’axe « travailler mieux chaque jour et se former en permanence (1) » couvre les éléments de la dimension du personnel en contact au niveau de la relation (formation) et des opérations (système d’organisation interne et système de délivrance du service). L’axe « surprendre les clients, les connaître et anticiper leurs désirs (2) » permet une pro activité sur les attentes du client concernant la relation de service et la qualité de service. L’axe « assurer l’essentiel aux clients et leur faire savoir (3) », couvre les éléments d’avant scène de la dimension du personnel en contact mais aussi de la dimension client lors de la coréalisation de l’offre. L’axe faire gagner nos équipes et surfer sur les succès (4) renforce la couverture des éléments d’arrière scène de la dimension du personnel en contact (reconnaissance des équipes et formation).
Cette approche bien spécifique aux services à forte teneur en biens et en information permet une focalisation du personnel en contact sur des objectifs exclusivement centrés sur la satisfaction clients, contrairement à la « Balanced Scorecard » qui fait de la satisfaction clients un axe intermédiaire au service d’un axe ultime de rentabilité financière.
Toutefois, les deux premières phases de la démarche satisfaction clients mise en place à La Boite à Outils n’ont pas abouti à la délivrance d’un véritable tableau de bord multidimensionnel au sens propre du terme. A ce stade, seule la définition des objectifs répartis sur les quatre axes a été opérée. De plus, la plateforme informatique permet de suivre la mise en application des projets, mais non leur pérennisation dans le temps à travers une évaluation régulière. Il est donc intéressant de poursuivre l’observation de la seconde phase en cours de réalisation, afin de déterminer comment les magasins et les responsables vont s’approprier leurs objectifs. Vont-ils se contenter de renseigner la plateforme informatique sur la réalisation des projets sans chercher à assurer une évaluation régulière dans le temps ? Ou au contraire, vont-ils développer des tableaux synthétiques composés d’indicateurs de résultat et d’indicateurs de performance ?
Certaines limites peuvent être opposées à la conception du système de pilotage de la satisfaction clients au sein de l’entreprise La Boite à Outils. Tout d’abord, l’absence d’outil d’aide à la décision. Le questionnaire à destination des clients a été utilisé comme simple outil intermédiaire à l’évaluation des points forts et des points d’amélioration des magasins de l’entreprise. Et non pas comme outil d’aide à la décision pour évaluer l’importance donnée à certains attributs du service par les clients comme c’est le cas sur les cinq dimensions de ServQual. Une évaluation des écarts entre les attentes et la perception de la qualité de la relation de service et de son système de délivrance serait pourtant un moyen de comprendre l’état d’esprit du client avant la prestation de service et de réorienter, si nécessaire, les axes du tableau de bord multidimensionnel.
Toutefois, le problème réside dans la difficulté à interroger le client à deux moments distincts, avant la prestation de service et après la prestation de service. Il serait possible de réaliser cette étude avec « les responsables projets clients » dont le travail consiste à suivre des projets de rénovation de longue durée. La distribution du questionnaire pourrait se faire en début de chantier et en fin de chantier pour évaluer les écarts.
La deuxième limite réside dans la complexité perçue de la démarche auprès d’un public très terrain, habitué à des outils d’analyse simplifiés sur fichier Excel. De nombreux salariés ont exprimé leur incompréhension de la démarche et de l’imbrication des différentes étapes (guide d’autoévaluation, questionnaires, travail sur les paradoxes, disparition des quatre référentiels de base au profit de quatre axes stratégiques, plateforme informatique…). A ce sujet, un directeur de région nous dit :
 « Je me demande si finalement on avait besoin que se soit si long en magasin. La démarche s’est éternisée sur des mois et les gens ont difficilement adhéré au projet. Là, je me rends compte qu’In&Co n’est pas intervenu dans nos trois réunions siège, on a simplifié la communication et les gens ont beaucoup plus accroché. » Verbatim recueilli lors de la réunion du comité de pilotage du 17/12/2012.
C’est en cela que la phase d’observation concernant l’appropriation du système de pilotage par les équipes terrain s’avère essentielle. Le défi de l’entreprise va être de simplifier la communication et de pousser le personnel en contact à adopter leurs objectifs comme partie intégrante de leur quotidien.
Conclusion
L’une des spécificités majeures des services concerne la part prépondérante des activités d’avant scène et le rôle important joué par le client dans la coréalisation de la prestation. La satisfaction du client passe par une mise sous tension appropriée de la relation de service qui nécessite une instrumentation de gestion propre aux particularités de chaque métier.
La contribution de cette étude au contrôle de gestion des services s’est faite par une analyse en profondeur de la démarche de construction d’un outil de pilotage de la relation qui se noue entre le client et le personnel en contact sur le terrain dans une entreprise régionale de distribution d’articles de bricolage soucieuse de refonder son approche de la satisfaction clients. Mais également en montrant comment les différentes étapes de la conception d’un tel système permettent de répondre aux différentes questions conceptuelles qui se posent lorsque l’on cherche à piloter la satisfaction clients.
L’analyse de la démarche a démontré que l’outil de régulation des comportements n’a pas été couplé à un outil d’aide à la décision. Le questionnaire à destination des clients fut utilisé seulement pour compléter la liste des points forts et des points d’amélioration du guide d’autoévaluation. Il n’a pas été utilisé comme outil de mesure de la qualité sur les différents attributs du service proposés par ServQual.
La description faite dans cette communication correspond aux deux premières phases de la démarche. Une deuxième analyse plus centrée sur l’appropriation du système de pilotage par les managers de terrain est en cours de réalisation. Cette phase d’appropriation va permettre de passer d’une recherche en situation d’observation participante à une recherche-intervention dont le but sera d’accompagner le personnel en contact dans l’utilisation et la personnalisation de l’outil afin de suivre au mieux les objectifs à atteindre. Une tentative de couplage entre un outil d’aide à la décision de type ServQual au tableau de bord multidimensionnel va ainsi être proposée sur les projets clients de longue durée, suivis par les « responsables projets clients » de chaque magasin.
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