Les droits et les obligations du commerçant



Section 1) Les droits du commerçant

 1) Les divers droits reconnus au commerçant

Le commerçant de fait ne jouit pas des droits reconnus au commerçant. Il lui est notamment interdit de conclure des baux commerciaux. En revanche, il est tenu de respecter l’ensemble des obligations pesant sur les commerçants. Une procédure collective peut notamment être ouverte à son encontre. Sur le plan fiscal, son assujettissement aux impôts commerciaux (TVA, taxe professionnelle, bénéfices industriels et commerciaux) est possible.

Les commerçants ont divers droits :
- Le droit d’être électeur et être éligible aux tribunaux de commerce et dans les CCI
- Le droit de se prévaloir de la prescription de 5 ans 
- Le droit de réclamer sous certaines conditions le renouvellement du bail du local où ils exploitent leur fonds de commerce
- Le droit de réclamer le bénéfice d’un règlement amiable
- Le droit à des prestations au titre de l’assurance vieillesse
- Le droit de déroger par convention aux règles de la compétence territoriale des tribunaux

 2) Les Droits de l’Homme et le commerçant 

A) Le droit à un procès équitable

Article 6 - Droit à un procès équitable de la Convention européenne des droits de l’homme
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. 
2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 
3. Tout accusé a droit notamment à : 
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; 
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; 
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; 
e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »
Le droit de l’arbitrage intègre les normes du procès équitable selon la Conv. EDH.

B) Le droit au respect du domicile professionnel

Convention EDH : Art. 8. Droit au respect de la vie privée et familiale. 1°. Toute personne a droit au respect … de son domicile…
Cour EDH 16 décembre 1992 Niemietz c. Allemagne (D.S. 2002 SC 386/387)
Le respect de la vie privée englobe le droit pour l’individu de nouer et développer des relations avec ses semblables, et il n’y a aucune raison de principe d’en exclure les activités professionnelles ou commerciales ;
Le domicile dont le respect est assuré par l’art. 8 de la Conv.EDH peut englober le bureau d’un membre d’une profession libérale ;
Constitue donc une ingérence dans les droits reconnus à toute personne par l’art. 8 la perquisition au cabinet d’un avocat pour découvrir l’identité de l’auteur d’une lettre d’insultes et de pressions envers un magistrat dès lors que si cette ingérence est prévue par la loi et poursuit des buts légitimes, elle n’est pas pour autant nécessaire dans une société démocratique et que, en l’occurrence, la fouille a empiété sur le secret professionnel de façon disproportionnée.
Extension au siège social d’une société
Cour EDH 16 avril 2002Société Colas et autres c. France (Gaz.Pal. Tables 2003 v° Droits de l’homme n°5)
Les dispositions de la Conv.EDH sur la protection du domicile sont applicables, mutatis mutandis, au siège social d’une société.
En conséquence, en l’espèce, les perquisitions effectuées par la Direction générale de la consommation et de la répression des fraudes aux sièges et agences des sociétés requérantes doivent être regardées comme constituant une ingérence dans le droit des sociétés au respect de leur domicile.
À supposer que le droit d’ingérence puisse aller plus loin pour les locaux commerciaux d’une personne morale, les opérations litigieuses n’étaient pas proportionnées aux buts légitimes recherchés et ont causé aux sociétés requérantes un tort moral certain qui doit être réparé.

C) Le droit des commerçants étrangers

La 3ème chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du 9 novembre 2011 a jugé le principe posé par l’article L145-13 du code de commerce contraire à l’article 1er du 1er protocole additionnel de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales. Selon les juges de la haute juridiction, ce principe constitue une discrimination prohibée par l’article 14 de cette même convention.
En l’espèce un bailleur se prévalait de l’article L145-13 du code de commerce pour refuser le renouvellement de son bail commercial à un locataire de nationalité turque.
La Cour de cassation refuse donc l’application de cet article pour non respect des principes de la convention précitée, entrée en vigueur le 3 septembre 1953.
Vers la possibilité pour les commerçants étrangers de demander le renouvellement de leur bail commercial
La loi Pinel relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a abrogé les articles L145-13 (exclusion du droit au renouvellement pour les commerçants étrangers) et L145-23 (exclusion du droit de reprise par les bailleurs étrangers) du code de commerce, afin de consacrer la décision prise par la Cour de cassation.
Ainsi, des commerçants étrangers pourront désormais obtenir la protection offerte par le statut des baux commerciaux visant à faciliter le renouvellement de leur bail commercial. Et des bailleurs étrangers pourront également refuser le renouvellement du bail exclusivement sur la partie concernant les locaux d'habitation accessoires des locaux commerciaux pour habiter eux-mêmes ceux-ci ou les faire habiter par leur conjoint, leurs ascendants, leurs descendants ou ceux de leur conjoint.
Section 2) Les obligations du commerçant

 1) Différentes  obligations imposées au commerçant

Les obligations dont les commerçants sont débiteurs, sont multiples et variées. Il est possible de les classer par diverses catégories. Ainsi, l’on peut distinguer les obligations fiscales, les obligations envers leurs clients, les obligations de gestion et les obligations envers les organismes professionnels.

Les obligations fiscales : tout commerçant doit s’acquitter de divers impôts, notamment de la taxe sur la valeur ajoutée et l’impôt sur le revenu pour les bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Les bénéfices provenant de l’exploitation commerciale sont assujettis aux BIC. Ils sont tenus de déposer à l’administration fiscale diverses déclarations (déclaration CA3 ou CA12 pour la TVA…). Tout commerçant peut faire l’objet d’un contrôle fiscal.
Les obligations envers leurs clients : le commerçant doit délivrer une facture, à son client, pour la réalisation de chaque opération commerciale. A l’égard d’un client consommateur, il est tenu de respecter les règles sur la protection du consommateur et d’une obligation d’information également appelée obligation de renseignement. Le commerçant est un professionnel, à ce titre, il est censé connaître les produits et les services qu’il commercialise. Il doit indiquer à son client consommateur les caractéristiques du produit ou du service qu’il commercialise (art.L111-1s du Code de la consommation) ainsi que les risques du contrat envisagé. En cas de violation de cette obligation, sa responsabilité peut être engagée. D’une manière générale, le commerçant est responsable pour tous les dommages causés à un client résultant de l’exercice de l’activité commerciale. Le commerçant doit être de bonne foi et avoir un comportement loyal.
Les obligations de gestion : tout commerçant doit tenir une comptabilité selon des règles prévues dans le Code commerce (art.L123-12s C.com.) et se faire ouvrir un compte dans un établissement de crédit ou dans un bureau de chèques postaux (art.L123-24 C.com.).
En cas de cessation des paiements depuis au moins quarante cinq jours, le commerçant doit déposer le bilan au greffe du tribunal de commerce du lieu de son immatriculation. Une procédure de redressement judiciaire ou une procédure de liquidation judiciaire va être ouverte à son encontre.
Tout commerçant a l’obligation de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés, à défaut, il est qualifié de commerçant de fait. L’absence d’immatriculation le prive du droit de se prévaloir des droits attachés à la qualité de commerçant, en revanche, il ne peut pas se soustraire aux obligations inhérentes au commerçant. Les documents commerciaux qu’il établit (factures, documents comptables…) doivent être rédigés en langue française.
Certains paiements qu’il effectue doivent être réalisés par chèque barré, par virement ou par carte de paiement. D’une manière générale, il lui est interdit de payer en espèces tout montant supérieur à trois mille euros (art.D.112-3 du Code monétaire et financier).
Les obligations envers les organismes professionnels : tout commerçant doit adhérer à une caisse professionnelle d’assurance vieillesse. Certains commerçants doivent s’affilier à d’autres organismes, c’est le cas des pharmaciens qui sont membres de l’ordre des pharmaciens.
Tout commerçant est débiteur d’une obligation à l’égard des autres commerçants. Il doit avoir un comportement loyal, ce qui implique notamment le respect du droit de la concurrence. Il est interdit, à tout commerçant, de porter atteinte la libre concurrence.
 2) L’obligation d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS)

Le registre du commerce et des sociétés est un annuaire des personnes physiques et morales qui ont la qualité de commerçant. Il est apparu en France en 1919. Ce registre permet également de contrôler la régularité des sociétés qui s'inscrivent (voir si elles ont bien respecté toutes les obligations) et permet de renforcer la sécurité juridique.

A) Organisation du RCS

3 étages d’organisation :
Le registre local :
Il existe un Registre local au greffe de chaque tribunal de commerce (ou TGI).
On y trouve 3 éléments :
 Un registre d’arrivée qui mentionne par ordre chronologique toutes les déclarations et les regroupe par matière.
Des dossiers individuels ouverts au nom de chaque société et un dossier annexe avec dedans : les statuts, les procès-verbaux d’assemblées et les comptes annuels. C’est un outil de transparence.
Un fichier alphabétique pour faciliter les recherches.
Le greffier exerce un contrôle préalable en vérifiant la conformité du dossier. Si pas conforme, le greffier prend une décision motivée de refus d’inscription. Par ailleurs, il peut vérifier à tout moment la conformité d’un dossier : contrôle permanent.
Le registre national :
Chaque greffier transmet à l’INPI à Paris un double des dossiers qu’il reçoit. C’est une garantie contre les risques de perte ou de destruction.
b) La procédure d’immatriculation
Le créateur d’entreprise qui a complètement finalisé son dossier dépose sa formalité de demande d’immatriculation au Centre de Formalités des Entreprises compétent ou directement au greffe du tribunal de commerce.
Celle-ci comprend :
un formulaire déclaratif CERFA (M0 ou P0) dûment rempli, disponible au greffe
les pièces justificatives correspondantes
le cas échéant, un exemplaire des statuts signés par tous les associés, et des actes de société.
Le greffier peut renseigner le créateur d’entreprise et l’aider à mener à bien son immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés (en lui fournissant notamment la liste des pièces justificatives à fournir).

Lors de son premier passage, le créateur d’entreprise doit retirer soit au greffe, soit au Centre de Formalités des Entreprises (CFE) compétent, un dossier comportant le formulaire déclaratif à remplir et la liste des pièces justificatives à produire.

Il doit ensuite déposer le dossier complet
- soit au Centre de Formalités des Entreprises (CFE) compétent
- soit directement au greffe du tribunal de commerce en application de l’article R.123-5 du code de commerce 

Le Greffier contrôle la régularité juridique du dossier d'immatriculation, le valide et adresse à la personne un extrait du Registre du Commerce et des Sociétés dans le délai franc d'un jour ouvrable (à compter du dépôt du dossier complet au greffe).
L'immatriculation est réalisée.
Dans un délai allant de une à trois semaines, l'INSEE attribue à la personne immatriculée son numéro administratif d'identification. Ce numéro ne produit aucun effet juridique. Il figurera sur les extraits du Registre du Commerce et des Sociétés qui seront adressés par le greffe dès son attribution.
Si le dossier est incomplet ou si les actes et les pièces justificatives ne sont pas conformes aux textes en vigueur, le greffe adresse au déclarant une lettre de notification de refus lui demandant de régulariser son dossier dans un délai de quinze jours. Passé ce délai et à défaut de régularisation, la totalité du dossier lui sera retourné par pli recommandé avec accusé de réception.

L’immatriculation confère aux sociétés la personnalité morale, et aux personnes physiques la présomption de la qualité de commerçant.

L’immatriculation se matérialise par la délivrance de l’extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés (extrait " Kbis "). Ce document officiel atteste de l’existence de l’entreprise.
L’extrait du Registre du Commerce et des Sociétés devra généralement être produit par le créateur d’entreprise pour mener à bien ses démarches tant auprès des administrations qu’auprès de ses relations d’affaires.

Par la suite, tout événement modificatif intervenant dans l’entreprise devra obligatoirement faire l’objet d’une déclaration au Registre du Commerce et des Sociétés dans un délai d’un mois. Cette obligation légale permet aux tiers (clients, fournisseurs ...) d’avoir une information aussi complète que possible sur la situation juridique de leurs partenaires commerciaux.

B) L’obligation d’immatriculation : les personnes assujetties

 Les catégories de personnes soumises à l'immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) sont énumérées par l'article L. 123-1 du Code de Commerce.
Sont immatriculés au RCS, sur leur déclaration :
Les personnes physiques ayant la qualité de commerçant, même si par ailleurs elles sont tenues à l'immatriculation au Répertoire des Métiers. Dès lors, les personnes physiques artisans seront inscrites au RCS et au Répertoire des Métiers dans de nombreux cas où l'activité a pour conséquence des actes de commerce. Pour les personnes physiques, la déclaration aux fins d'immatriculation doit être effectuée dans les 15 jours du début d'activité (article R. 123-32 du Code de Commerce) et peut l'être dans le mois qui précède le début de cette activité.
Les sociétés commerciales (y compris les sociétés européennes) ou civiles ainsi que les groupements d'intérêt économique (GIE) ayant leur siège en France. Sur le caractère commercial d'une société, il convient de se reporter à l'article L. 210-1 du Code de Commerce. Ainsi, une société commerciale par la forme, dont l'activité est artisanale, sera inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés.
Les sociétés commerciales dont le siège est situé hors d'un département français qui ont un établissement dans l'un de ces départements. Il s'agit là du cas des sociétés étrangères, visé par l'article R. 123-35 alinéa 2 du Code de Commerce.
Les établissements publics français à caractère industriel et commercial (EPIC) dont le statut ne doit pas être confondu avec les sociétés nationales ou nationalisées qui suivent le droit commun des sociétés commerciales.
Les autres personnes morales dont l'immatriculation est prévue par les textes, c'est le cas par exemple des associations émettrices d'obligations et également des groupements européens d'intérêt économique (GEIE).
Les représentations ou agences commerciales d'Etats, collectivités ou établissements publics étrangers établis dans un département français. Notons que ces agences ou représentations sont soumises aussi à l'immatriculation secondaire, et aux inscriptions modificatives ou complémentaires.


C) Les effets de l’immatriculation

Sa fonction première est de collecter les informations sur les commerçants, mais engendre également certains effets :

Pour les personnes physiques, l'immatriculation au registre fait présumer la qualité de commerçant. Pour l'auteur, c'est une présomption qui ne supporte pas la preuve contraire, chose différente par rapport aux tiers et les administrations.

Pour les sociétés et les groupements économiques, l'immatriculation fait naître la personne morale et lui confère donc la personnalité juridique.

En cas d'omission d'une mission

Pour la personne physique, si elle ne s'immatricule pas au registre du commerce, elle ne pourra pas se prévaloir de la qualité de commerçant dans les cas où celle-ci lui serait favorable, par exemple, il sera impossible de demander l'avantage du bail commercial.
Mais les tiers peuvent parfaitement lui opposer sa qualité de commerçant en prouvant qu'il effectue, de manière habituelle et pour son compte, des actes de commerce.

Si l'omission vient des modifications tenant, par exemple, à la société, celle-ci ne pourra pas se prévaloir vis-à-vis des tiers de ces modifications comme, par exemple, un changement de siège social.


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