Ø Définitions :
On
peut définir la stratégie comme une suite de décisions et d’actions au service
d’une politique. Elle se définit au niveau global (corporate strategy) mais
aussi au niveau fonctionnel (business strategy ou stratégie de
domaine : stratégie commerciale, financière...). Elle vise à rechercher et
à obtenir une compétence distinctive (on parle parfois de savoir-faire
différentiel), source d’avantage
compétitif et à garantir ainsi la compétitivité et la rentabilité de
l'entreprise sur le long terme. Cela implique de comprendre l’environnement
pour modifier l’équilibre concurrentiel à son avantage.
Elle
englobe la conception et le pilotage d’actions dans le but de saisir des
opportunités tant internes qu’externes.
Une
décision stratégique est souvent irréversible et implique des changements de
structure. Ces décisions peuvent engager l’entreprise sur le long terme :
la stratégie relève de la gestion de
l’incertitude.
La
stratégie doit être analysée comme un processus décisionnel complexe qui
intègre les dimensions organisationnelles (internes) et environnementales
(externes). La décision stratégique
relève de la rationalité limitée (recherche d’une solution satisfaisante
plutôt qu’optimale) et dont la pertinence ne peut être appréciée qu’à
posteriori.
La démarche stratégique
englobe l’analyse stratégique (diagnostic et segmentation
stratégique), la formulation de la stratégie (choix stratégiques), la mise en
œuvre (planification) et le management stratégique (pilotage,
mobilisation des ressources humaines). Elle doit donc prendre en compte les différents paramètres
de l’environnement, de l’entreprise ainsi que les acteurs internes et
externes :
Selon
les circonstances et les modes de gouvernance, on distinguera :
-
Une approche contingente
(stratégie possible).
-
Une approche volontariste
(stratégie souhaitée).
-
Une Approche
globale : recherche d’un processus équilibré.
La
stratégie s’inscrit, elle-même, dans une démarche managériale
qui implique trois niveaux
problématiques fondamentaux.
La
formulation d’une stratégie implique trois niveaux de réflexion et d’action :
-
La finalisation :
définir les métiers (savoir-faire de l’entreprise), les missions (réponse aux
attentes des marchés) les buts (expression qualitative de la finalité, être
leader, par exemple).
-
L’opérationnalisation :
fixer les objectifs (expression quantifiée d’un but, part de marché, par
exemple). Adopter une série d’actions.
-
La médiatisation :
fixer l’allocation
des ressources pour atteindre les objectifs.
Ø Stratégie et politique générale
d’entreprise :
Toute entreprise est plus ou moins orientée par une
politique générale explicitée ou non par le groupe dirigeant. Elle est le fruit
des motivations, de la formation et de la culture des dirigeants.
La politique générale se définie comme l'ensemble des
principes directeurs et des grandes règles et normes qui orientent en
permanence l'action.
La politique générale s'impose à la stratégie en lui fixant
des buts à atteindre, des contraintes et des critères à respecter
Dans la réalité la
politique générale est un mélange de règles et de normes. C’est la
manière d’agir et de conduire une affaire Elle précise les objectifs
devant contribuer à la pérennité de l'entreprise et de ses finalités et procède
à la coordination des différentes fonctions. Elle est souvent formalisée dans
les chartes d’entreprises.
Politique
et gouvernance : le concept de politique générale renvoie à celui de gouvernance
d’entreprise (corporate governance)[1]
souvent évoqué dans les entreprises managériales dans lesquelles les pouvoirs
de propriété et de gestion sont séparés. En effet, parallèlement à
l'accroissement dimensionnel des firmes, les propriétaires ont progressivement
été écartés de la direction effective des affaires au profit des managers. On
réalise désormais une distinction entre le pouvoir des managers et le contrôle
des actionnaires propriétaires, le centre de décision dominant n'étant plus
systématiquement le propriétaire. La gestion d'une entreprise réclame d'un côté
des compétences spécifiques, de l'autre des montants de capitaux importants.
Les managers assument donc la gestion, tandis que les actionnaires détiennent
les droits de propriété et de vote.
Ø Stratégie,
gestion, et management : problèmes d’adéquation entre stratégie et
modes de gouvernance ?
La gestion et le management relèvent de démarches spécifiques :
-
Gérer relève de l’ordre du calcul, c’est
mettre en évidence une solution, épuiser la logique d’une situation
(quantitatif : problème fermé), prendre une série de décisions cohérentes
dans un univers statique. Gérer relève de la pensée verticale (recherche de
solutions, réponse à la question « comment »). C’est un acte tourné
essentiellement vers les moyens.
-
Manager relève de l’ordre de la créativité,
du refus des règles, de la transgression des contraintes c’est trouver une
solution qui n’est pas forcément contenue dans les données du problème
(problème ouvert) ; c’est optimiser le cadre des contraintes voire en
sortir, oser refuser la fatalité du cadre imposé (qualitatif, intuitif voire
affectif). Manager relève de la pensée latérale (recherche de questions,
réponse à la question « pourquoi »). C’est un acte tourné
essentiellement vers les fins.
Ø Stratégie et développement
de l’entreprise : problème d’adéquation entre stratégie et marchés de
l’entreprise ?
-
Redéfinir les activités de
l’entreprise en termes de D.A.S. (voir infra)
-
Reconfigurer l’entreprise en fonction des
D.A.S.
Ø Stratégie et modèles économiques :
La
stratégie se concrétise souvent par la définition ou la redéfinition d’un modèle économique
de création de valeur.
Exemples
de modèles économiques : le low cost ; les pure players
(Amazon) ; les market place (Ebay), les enchères inversées (Oobic.com,
Clic.com) ; les nouveaux univers de consommation (Cook and book…).
les
différentes stratégies:
i) LES Stratégies
« produits » :
E La spécialisation :
Elle
consiste à approfondir ses activités autour des produits existants grâce à la
maîtrise d’un savoir-faire particulier. C’est souvent la stratégie des PME.
-
Avantages : ils sont liés au
savoir-faire différentiel (SFD, avantage compétitif). Ils permettent de
rechercher une domination par les coûts (effets d’échelle et d’expérience).
-
Limites : difficultés de reconversion en cas
de changement défavorable de l'environnement.
Remarque
: on peut positionner l’entreprise grâce à deux axes (niveau de spécialisation
/ degré de vulnérabilité).
E La diversification :
Elle
consiste à aborder un domaine d’activités contigu ou différent de ses activités
habituelles. Elle est souvent basée sur l’identification des vecteurs de
croissance. Il existe plusieurs formes de diversification :
- La diversification verticale
(intégration) : elle se réalise essentiellement par croissance externe. Une filière
industrielle (pétrole, nucléaire, informatique, agroalimentaire,
aéronautique...) représente les cas extrêmes de l’intégration.
Exemples
: DANONE, TOTAL, SONY (diversifications de type contenant/contenu) ; Doméo
(vente de contrats d’assurance pour les risques de la vie quotidienne) / Doméo
Assistance qui assure les prestations.
Contre-exemples :
Air France / Airbus ; France Télécom / Alcatel ; EDF / AREVA
Avantages
: s’assurer de sources d’approvisionnement (amont) ou de débouchés (aval).
Maîtrise des frais fixes.
Limites
: exige la maîtrise de métiers différents (du secteur primaire au secteur
tertiaire).
- La diversification horizontale, à partir de la clientèle
existante (nouveaux produits mais clients ou missions actuels).
Exemple : Rossignol (cas d’école) mais c’est aussi
souvent le fondement des synergies rencontrées dans les pôles de compétitivité
(exemple : la porcelaine de Limoges : de la céramique de table à la
céramique professionnelle, prothèses, etc.)
Avantages
: Meilleure répartition des risques. Synergie commerciale (stratégie de marque)
Limites
: exige la maîtrise de métiers différents sauf en cas de lien technologique
entre les différentes activités (fibre de carbone pour Rossignol)
- La diversification concentrique :
Nouveaux
produits + nouveaux clients = nouveaux marchés.
Exemple : Singer vers l’électroménager.
- La diversification conglomérale tous azimuts par le biais
d’OPA et d’OPE. C’est une approche purement financière (Holding = société de
participation financière). Recherche de maximisation du bénéfice par action.
Exemples
: Bouygues, Vivendi
E La différenciation :
Elle
consiste à offrir un produit ressenti différent voire unique par le
consommateur. Elle peut porter sur le produit mais aussi sur la marque,
l’emballage, la publicité, l’image de marque.
Elle
caractérise souvent les entreprises leaders considérées comme les benchmarks
sur les marchés : exemple de SWATCH ou de HARIBO).
Elle
vise à créer un marché captif. Lien avec le cycle de vie : c’est une
stratégie souvent imposée par les marchés et développée en phase de maturité
(réponse à la demande de nouveauté).
Exemples
en marketing industriel : différents modèles de voitures ou de machines-outils.
ii) LES Stratégies
« Marchés » :
E Stratégie de pénétration :
Elle
est fondée sur le développement d’une gamme de produits (largeur, profondeur et
longueur d’une gamme : exemple de l’automobile) et sur une politique de prix
concurrentiels.
Rappel
des leviers d’action sur le chiffre d'affaires : CA(x) = PVU(x)
* Qtés(x)
On
cherche donc à occuper tous les segments du marché.
Exemple
: PGC, mais aussi biens durables.
E Stratégie d’écrémage :
Elle
est fondée sur la recherche d’une image de marque (produits de luxe, politique
de prix élevés, marchés ciblés).
E Stratégies locales :
Elles
sont fondées sur la spécificité d’une zone de chalandise, d’un terroir.
Remarque
: on assiste à l’émergence de l’Europe des régions et à la notion de pays.
Exemples :
l’artisanat, les AOC
E Stratégies nationales :
Cas des
enseignes nationales de la grande distribution, par exemple.
Les
causes de l’internationalisation des échanges sont multiples : disparition des
barrières douanières ; baisse des coûts de transport ;
standardisation des modes consommation ; notion de taille minimum optimale
supérieure à celle des marchés nationaux ; DIPP : décomposition
internationale des processus de production (exemple, le textile : filature,
tissage, confection sont délocalisés mais le marketing et l’impression se font
sur les marchés de consommation finale ; autre exemple dans le
secteur du jouet : Smoby). Cas des Original Equipment Manufacturer ou OEM,
fabricants de pièces détachées intégrées dans un ensemble (voiture, avion,
ordinateur, carte électronique) et reconnues par l'intégrateur comme étant sous
sa responsabilité.
L’offre
de l’entreprise peut être globale (stratégie transnationale) ou spécifique à chaque marché nécessitant la prise
en compte des spécificités culturelles. (stratégie ethnocentrée ou
multidomestique impliquant un management interculturel). D’où l’importance de
l’évaluation des risques-pays, les variables socio-politiques pouvant être
déterminantes (barrières à l’entrée, code des investissements…)
Les
stratégies à l’international impliquent parfois des restructurations (mise en
place d’une structure divisionnelle, par exemple).
Remarque
: notion La conquête de marchés étrangers se fait par étapes :
l’exportation, la mise en place d’un distributeur local puis d’une filiale
commerciale et enfin la fabrication sur place, la création de filiales relevant
de l’investissement direct à l’étranger (IDE) et impliquant un transfert de
technologie.
Les
modalités d’accès aux marchés extérieurs
son multiples.
III) LES Stratégies
comportementales :
E Stratégie défensive (suiveuse) : consiste à
s’adapter à l’environnement et à la dynamique des marchés.
E Stratégie offensive (meneuse) : créer et gérer le
changement en anticipant sur les évolutions
par l’innovation et une attitude volontariste.
E Stratégie de croissance
interne ou organique[2]
: exemples de ADECO à ses débuts ou encore d’Hermès qui privilégie la création
de valeur au volume.
IV) LES Stratégies
inter-entreprises :
E Stratégie d’impartition : make
or buy
L’impartition,
c’est le savoir faire-faire. Elle relève du partenariat interentreprises. Elle
consiste à faire appel à des partenaires qualifiés, sources de compétitivité,
d’où la nécessité d’une veille prospective. Elle vise à optimiser l’utilisation
des actifs pour une meilleure création de valeur : Si R est le résultat
net, CE le capital employé, et CA le chiffre d’affaires :
R/CE = R/CA * CA/CE
Ce
ratio R/CE correspond au Retun on Equity des anglo-saxons
Elle
concerne les contrats de fournitures spéciales, la sous-traitance, la
cotraitance, les contrats de concessions, licences et franchise.
Avantages
: elle permet la réduction du Besoin en Fonds de Roulement ainsi qu’une
amélioration du goodwill (superbénéfice) ainsi qu’un recentrage sur les métiers
de base.
Limites
: risque de dépendance accrue vis à vis des fournisseurs. Rôle accru de la
fonction approvisionnements.
E Stratégies d’alliance : if you can’t beat them,
join them.
Concerne
surtout les alliances technologiques (joint ventures).
E Stratégies de croissance
externe : If
you can’t beat them, buy them.
Elle
peut se réaliser par concentration horizontale (acquisition d’un concurrent) ou
verticale (contrôle d’un client par exemple). Elle s’accompagne souvent de
restructurations substantielles. Elle vise à acheter des parts de marché
lorsque les marchés se saturent : il n’y a donc pas de variation de
l’offre, contrairement à la croissance interne dont elle est souvent
complémentaire. Elle contribue à la forte concentration intrasectorielle liée à
la mondialisation.
Modalités
:
- Fusion A+B Þ C : création d’une nouvelle société C
(économie d’échelle, pouvoir de marché). Les fusions-acquisitions visent aussi
à créer un nouveau de marché tout en recherchant la complémentarité des activités
(diversification).
- Absorption : A (PME) disparaît en
apportant ses actifs à B (Zénith absorbé par BULL, par exemple).
- Scission : A disparaît par répartition
de ses actifs entre B et C ; elle permet une spécialisation, un recentrage sur les métiers de base
(exemple : Honeywell cédant ses activités informatiques à BULL).
- Apport partiel d’actifs : variante de
la scission ; elle permet de se désengager d’une branche d’activité sans en
perdre totalement le contrôle.
- LBO (Leverage Buy Out) :
rachat d’une entreprise par un emprunt remboursable sur les bénéfices futurs de
l’entreprise.
MODELES ET OUTILS D’ANALYSE
CONCURRENTIELLE
I) LES DIFFERENTS MODELES :
E Le cycle de vie
(d’un produit, d’un domaine d’activité voire d’une technologie[3])
:
Chaque
phase se caractérise par des contraintes spécifiques et des actions
appropriées. Ainsi, la phase de croissance nécessite de gros investissements et
un financement important de l’exploitation (BFR).
Il
convient de positionner le produit sur son cycle de manière à adapter l’action
en conséquence et de gérer le portefeuille de produits de l’entreprise
en conséquence (par exemple, on financera des produit en phase de lancement par
des produits en phase de maturité).
Remarques
: La phase de maturité est la plus profitable mais aussi la plus
concurrentielle ; c’est dans cette phase que doit s’exprimer le mieux la
mercatique. La concentration des entreprises intervient essentiellement en
phase de maturité.
E Le modèle L.C.A.G.
(Learned, Christensen, Andrews, Guth) ou modèle de Harvard. 1965. Ce modèle
propose une démarche de diagnostic (en termes d’opportunités et de menaces de
l’environnement d’une part, de forces et de faiblesses de l’entreprise d’autre
part : modèle SWOT) et de formulation de stratégies après intégration des
systèmes de valeurs et des objectifs de l’entreprise. Mais, il n’intègre pas la
dimension sociale et les problèmes de mise en œuvre de la stratégie.
E La contingence de H.I. ANSOF (60’s) : il convient de concevoir une
stratégie compatible avec la vocation et la croissance de l'entreprise.
Les
facteurs de contingence sont : la taille, l’âge de l’entreprise, la
technologie, l'environnement.
Ansof
propose la démarche suivante :
-
Identification de la mission de l'entreprise.
-
Recherche d’un lien commun existant entre ses
différents couples produits-marchés.
-
Identification des vecteurs de croissance
(ensembles de couples produits-marchés vers lesquels l'entreprise
souhaite s’orienter afin de rechercher
des avantages compétitifs et de développer des synergies).
E La courbe d’expérience : Effets d’échelle et d’expérience, notion
de leadership.
E Le modèle PIMS : Profit Impact of Marketing Strategy
C’est
une analyse causale du profit (facteurs-clés de succès), les principaux
facteurs étant : l’intensité capitalistique, la productivité, la croissance du
marché, la position sur le marché, la qualité des produits, l’innovation,
l’intégration verticale, la pression des coûts, la phase d’activité.
E Le principe d’excellence (Peters et Waterman) :
Ce
principe insiste sur l’importance du management
stratégique.
Le
modèle des 7S relève de ce principe : on cherche à expliquer la
performance de l'entreprise à partir de l’interaction entre sept
variables : Style, Staff, Systems, strategy, Structure, Skills,
Superordinate goals.
E Les modèles matriciels :
Principe :
on combine les potentialités de l'entreprise avec les caractéristiques de
l'environnement. On obtient ainsi une représentation en deux dimensions de la
situation de l’entreprise :
- La matrice B.C.G. (Boston Consulting Group) :
On
analyse le taux de croissance du secteur et la part de marché relative de
l'entreprise. On positionne les différents Domaines
d’Activités Stratégiques. Son intérêt
est à la fois mercatique (positionnement) et stratégique (identification des
orientations stratégiques : désengagement poids morts, rechercher le leadership
pour les dilemmes...).
Remarque
: correspondance entre phases du cycle et DAS sur la matrice (par exemple, les
« vaches à lait » correspondent, en général, aux activités en phase
de maturité)
Matrice
4 / 5 : maturité du métier / position concurrentielle de l'entreprise.
Elle
permet d’associer à chaque combinaison une stratégie spécifique : développement
naturel, développement sélectif ou désengagement.
Matrice
3 / 3 : attractivité du secteur / atouts de l'entreprise.
On
identifie les facteurs pertinents : part de marché, rentabilité... et on les
pondère (c’est une approche empirique car on décide des coefficients de
pondération).
Exemples de critères
à prendre en compte pour positionner l’entreprise à l’aide de ces deux derniers
modèles
II)
LA SEGMENTATION STRATEGIQUE :
Rappel : la segmentation marketing consiste en un découpage d’un marché en
segments d’après des critères plus ou moins empiriques en relation avec la
consommation (segmentation descriptive)
ou des critères socio‑culturels (styles de vie) ou encore sur la base
d’avantages recherchés (exemple : le marché des snacks).
Elle
vise à répondre à deux questions-clé :
-
Quelle est la cible pour notre produit ?
-
Quels sont les produits adaptés aux
différentes cibles identifiées ?
Remarque
: les critères de segmentation peuvent être plus ou moins discriminants
(Voir la méthode Belson). Les
segments de marché peuvent être définis à l’intérieur de segments stratégiques
(voir comparaison segmentation
mercatique et stratégique).
La segmentation
stratégique regroupe les activités de l'entreprise en segments ou domaines
d’activités stratégiques (D.A.S ou S.B.U.) qui permettent un positionnement de l’offre[4]
de l’entreprise dans trois directions : les produits (plus ou moins simple
ou diversifié), le marché (plus ou moins local ou global) et la technologie
(plus ou moins simple ou complexe).
Un
segment stratégique doit être constitué d’un produit (ou une famille ou une
gamme de produits), d’une clientèle spécifique, de concurrents clairement
identifiés et d’une organisation propre. C’est une combinaison unique de
facteurs-clé de succès, un système d’offres spécifique (ressources et
compétences) à un marché. Si la segmentation trop est fine, le segment se
confond avec le segment marketing ; si elle trop globale, le segment se
confond avec une branche ou un secteur industriel. La synergie doit être nulle entre
deux segments différents.
La segmentation
consiste à trouver le dénominateur commun entre des activités que l’on peut
regrouper au sein d’un même DAS ; l’attribution doit pouvoir se faire sans
ambiguïté, faute de quoi il convient de redéfinir les contours du DAS. Elle
peut se faire :
-
D’après les facteurs-clé de succès (la
stratégie doit pouvoir être spécifique à chaque segment).
-
D’après les courbes d’expérience de chaque
activité.
-
D’après les responsabilités (un manager /
segment).
-
D’après les marchés (idem segmentation
marketing).
-
D’après les interactions entre les différents
segments : l'entreprise doit pouvoir se désengager d’un segment sans affecter
les autres segments.
-
D’après les missions, c'est à dire les
réponses aux attentes des consommateurs (exemple dans la confiserie :
produits plaisir, bien être, santé, ludiques).
-
D’après les axes de communication de
l’entreprise.
-
D’après les modes de distribution
(exemple : charcuterie à la coupe ou charcuterie préemballée)
Exemple de
segmentation stratégique dans l’industrie de la peinture.
Remarque
: l’émergence d’une nouvelle technologie implique un repositionnement des DAS
(exemple de la TNT).
Segmentation
stratégique et organisation : Il convient d’inscrire la segmentation
stratégique dans la structure organisationnelle en recherchant la meilleure
adéquation entre Domaine d'Activité Stratégique et organisation. On peut aussi
envisager une organisation duale (structure organisationnelle et stratégique).
Remarque
: le segment se révèle souvent à posteriori, d’où le paradoxe de la
segmentation ; un segment apparaît, en effet, à la fois comme le résultat
d’une stratégie et le prérequis à la formulation de la stratégie.
Finalité du
diagnostic : la démarche
s’apparente à une photographie de la situation de l’entreprise ; il s’agit
de positionner l’entreprise et ses concurrents sur un marché donné afin de
confirmer ou de modifier les choix stratégiques antérieurs et de projeter ainsi
l’entreprise dans un futur maîtrisé. Le diagnostic est réalisé dans deux
directions : l'environnement, en termes d’attractivité du secteur
(opportunités, menaces), et l'entreprise en termes de potentialités
intrinsèques (forces et faiblesses).
Remarques
:
- Les choix d’impartition, de partenariats
d’internalisation ou d’externalisation modifient ses relations avec l’extérieur
et donc la frontière entre l’organisation et l’environnement.
Le diagnostic peut éclairer les choix stratégiques,
les conforter ou les infirmer. Il implique parfois une redéfinition des
processus opérationnels de l’entreprise (reengineering).
I) LE DIAGNOSTIC EXTERNE :
L’évolution
de l'environnement explique souvent la stratégie (notion de pression
concurrentielle exercée par l’environnement). Ainsi, le diagnostic concerne
l’ensemble des éléments qui influencent l'entreprise (aspect défensif de la
stratégie) ou sur lesquels elle peut agir (aspect offensif de la stratégie).
Il
s’agit d’identifier les facteurs de marché (forces en présence) et les facteurs
hors marché (la réglementation, par exemple).
Composantes de
l’environnement : on distingue le micro-environnement (secteur)
et le macro-environnement. Remarque : l’environnement concurrentiel peut être fragmenté
(exemple : la restauration traditionnelle), de volume (cas des
firmes multinationales), de spécialisation (cas des PME).
L’environnement
est évolutif et instable (on parle de turbulence qui
peut s’analyser en termes de récurrence des évènements, de vitesse de
changement et de prévisibilité).
Le
diagnostic concerne aussi l’évolution de la demande (facteurs démographiques,
culturels, économiques : pouvoir d’achat par exemple).
On
parle de dynamique de consommation
et de production, incluant des facteurs technologiques
et socio‑techniques tels que l’organisation du travail ou le niveau de
formation et de qualification d’une population.
Il
convient de mobiliser toutes les sources d’information stratégique.
L'entreprise
doit également identifier quelle est la principale force concurrentielle (schéma de Porter) afin de peser sur les
termes de l’échange au sein de son marché. Elle doit ainsi sélectionner ses
clients et ses fournisseurs sur des critères stratégiques, sinon elle accroît
sa vulnérabilité.
Voici
quelques critères de sélection pertinents :
-
La concentration de l’offre et de la demande
-
La sensibilité au prix et à la qualité
-
Le risque d’intégration en amont et aval
-
Les coûts de changement de prestataires (switching costs)
-
La capacité à intégrer les augmentations de
coûts dans les prix.
La
connaissance des substituts est essentielle : notion d’élasticité
croisée (le prix d’un produit dépend de la demande de son substitut et
inversement).
Exemples :
les produits alimentaires, le TGV et la visioconférence, les différents moyens
d’accès aux programmes TV (TNT, Internet, satellite…), la chirurgie esthétique
pour les cosmétiques...
Remarque
: un secteur d’activité peut être
défini comme l’ensemble des entreprises fabricant des produits ou proposant des
prestations étroitement substituables.
Il peut
exister des barrières à l’entrée dans un secteur : elle peuvent être
liées à la dimension (effet d’expérience : effet d’apprentissage combiné à
l’effet d’échelle) ; elles peuvent être de nature financière
(exemple : le montant d’un investissement), commerciale (exemple : le
référencement en grande distribution), réglementaire (tarifaires, non
tarifaires, dérégulation…). Elles permettent de contrôler la diffusion et la
banalisation des technologies. Il existe aussi des barrières au changement
d’activité, au désengagement liées à la spécialisation des actifs.
Autre
approche de l’environnement : l’analyse PEST (Politique,
Economique, Socioculturel, Technologique) ; cette démarche est
indispensable à l’international, dans les études-pays.
II) Le diagnostic
interne :
Il
consiste à identifier les facteurs internes de compétitivité par une évaluation
du potentiel de l’entreprise (forces et faiblesses) et des moyens
d’action (ressources). Il permet de positionner l'entreprise dans son univers
concurrentiel. Il mobilise des outils d’analyse stratégique.
1) Notion
préalable de compétitivité et d’avantage compétitif
:
On
évoque souvent le carré de la
compétitivité (qualité, flexibilité, productivité, innovation).
Un avantage compétitif (ou concurrentiel) consiste en un
ensemble de compétences distinctives pouvant même contribuer à ériger une
barrière à l’entrée ; il est souvent lié à la dimension et aux
ressources de l'entreprise. Ainsi, les économies
d’échelle permettent une baisse des coûts unitaires avec les quantités
produites.
Les avantages compétitifs peuvent être de
nature technologique (taux d’utilisation, automatisation...), de nature
gestionnaire (amortissement, approvisionnement, financement, distribution,
administration), de nature organisationnelle. La courbe d’apprentissage est, quant à elle, liée au savoir-faire
croissant de l'entreprise (c’est un effet d’expérience) ; on constate une
baisse de 20 % des coûts unitaires à chaque doublement de l’expérience. On
peut véritablement parler de cercle vertueux de
l’expérience.
Remarques
: l’effet d’expérience peut contribuer à créer une barrière à l’entrée. Il
s’annule en cas d’innovation technologique.
Principales
sources d’avantages concurrentiels :
-
La capacité à financer la croissance de
l’entreprise.
-
La maîtrise des technologies-clés et les
technologies émergentes du secteur
-
La gestion de la qualité dans l’entreprise à
tous les niveaux (en particulier au niveau de la GRH et au niveau
organisationnel).
-
La maîtrise des
coûts tout au long de la chaîne de valeur, depuis la conception jusqu’à la
distribution.
Notion
de masses critiques : ce sont
des seuils (technique, financier, commercial…) qu’il faut franchir pour faire
jouer les effets d’échelle et d’expérience ; on retrouve la logique des
barrières à l’entrée.
Notion
de surgénération : c’est
l’accumulation de ressources créant des surcapacités (exemple : la capacité
d'autofinancement d’une entreprise).
2) Analyser
la finalité, la vocation et la culture de l'entreprise :
La finalité correspond
aux priorités de l'entreprise ; elles se confondent souvent avec les
motivations des dirigeants.
Elles peuvent s’analyser
en termes :
-
De performance : profit,
volonté de croissance, rentabilité
-
De comportement : attitude
par rapport au risque, volonté d’indépendance, de sécurité.
-
De projet : transmission de
patrimoine, pérennité…
-
De pouvoir : plus-value
sociale, ostentation, auto-accomplissement.
Remarques
: l’entreprise au-delà de son rôle
social, a également une finalité sociétale,
vis à vis de tous les aspects de la société : maintien de l’emploi mais aussi
problèmes de nuisances, d’environnement, éthique, mécénat...
La
culture implique une lecture de l’environnement spécifique.
La vocation
d’une entreprise recouvre les notions de métier et de mission :
Le métier, c’est le savoir-faire reconnu
par les marchés et la concurrence (savoir-faire différentiel). C’est l’ensemble
des compétences communes à ses segments stratégiques et qui confère à l'entreprise un avantage
compétitif. L'entreprise peut être amenée à élargir son métier, redéployer
ses activités, se recentrer sur son
métier.
La mission est la réponse de l'entreprise
aux attentes des marchés, aux besoins dans toutes ses composantes (exemple dans
l’automobile : le besoin se décline en termes de transport, de sécurité,
d’esthétique, d’ostentation, de confort, de performances...). C’est un concept
mercatique.
Il faut
vérifier si les missions de l'entreprise sont compatibles entre elles et
conformes à son image.
La culture :
caractériser la culture de l’entreprise.
3) Etude du
passé récent de l'entreprise (3 a 5 ans) :
Quels
ont été les événements marquants : décès, changement de direction,
restructuration, perte de majorité entraînant un déplacement de pouvoir,
lancement d’une activité export...
Cette
étude permet de s’imprégner de la réalité de l'entreprise.
4) Diagnostic
fonctionnel : analyse des ressources
Il
convient d’analyser l’entreprise à tous les niveaux fonctionnels en termes de
forces et de faiblesses.
E Au niveau
technologie-production :
L’analyse
portera sur :
-
Le patrimoine technologique de l’entreprise,
ensemble de ses savoirs et de ses savoir-faire : l’entreprise doit
maîtriser les technologies-clés du métier, intégrer les technologies de pointe
et surveiller les technologies émergentes.
-
Le type de production : en série, en
ateliers, continue, à la commande...
-
Le système de gestion de production (SGP,
SGPAO) : MRP, Flux tendus, SMED, KANBAN...
-
Le contrôle de qualité : statistique, qualité
totale…
-
L’intensité capitalistique Capital / Travail
-
Le
système de gestion des stocks.
E Au niveau commercial :
positionnement de l’offre
Analyser
la part de marché de l'entreprise : notion de marché potentiel et de marché
théorique. Stratégies
commerciales de conquêtes de parts de marché : au détriment de la
concurrence ou à l’attention des non-consommateurs relatifs.
Analyser
le lien entre effort de croissance et position sur le marché : exemple.
Analyser
le marketing-mix de l’entreprise (produit, prix, communication, distribution).
Positionner
l’offre de l’entreprise selon les trois axes d’analyse : produits,
marchés, technologies.
Positionner
les produits et les activités de l’entreprise (DAS) à l’aide d’outils
appropriés : cycle de vie des
produits, matrice BCG…
Analyser
le portefeuille d’activités : c’est
un ensemble d’activités complémentaires garantissant la rentabilité et la
pérennité de l'entreprise (attention au risque de « cannibalisation »
lors du lancement de nouveaux produits).
Il doit
contribuer à réduire le risque en le dispersant et à équilibrer la trésorerie
sur l’ensemble des activités de l'entreprise.
E Au niveau financier :
analyse de la performance économique et financière.
Analyser
le bilan et le compte de résultats.
Choisir
et calculer quelques ratios pertinents :
-
Structure financière : compare plusieurs
postes de bilan.
-
Financement des immobilisations, équilibre
financier global.
-
Indépendance financière, capacité de
remboursement.
-
Autofinancement des investissements.
-
Solvabilité.
-
Activité : taux de croissance du chiffre
d’affaires, taux de valeur ajoutée. Rémunération des différents facteurs de
production.
-
Productivité du travail, obsolescence des
investissements, taux d’amortissement.
-
Gestion : rotation stocks, de créances, des
dettes fournisseurs.
-
Rentabilité commerciale, économique et
financière.
-
Données boursières.
E Au niveau du potentiel
humain : évaluation des compétences et des comportements.
Analyser les
éléments suivants :
-
La gestion prévisionnelle des ressources
humaines (plans de carrière, recrutement, formation...)
-
Le climat social de l’entreprise.
-
La pyramide des âges.
-
Le système de management (style de
commandement, niveaux de décentralisation, de délégation, procédures
décisionnelles).
-
L’exercice du pouvoir de décision :
5) Diagnostic
organisationnel :
Etudier :
-
L’organisation formelle (organigramme).
-
L’organisation informelle (communication,
circulation de l’information)
-
En quoi et comment l’organisation actuelle
est-elle source des performances et des dysfonctionnements (adéquation
organisation / segmentation stratégique, par exemple).
-
Les liens entre structure et stratégie.
-
Qualifier la stratégie de l'entreprise :
suiveuse (passéiste), meneuse (volontariste).
-
Récapituler les forces et les faiblesses
ainsi que les opportunités et les menaces.
-
Proposer des stratégies alternatives (dont
une stratégie de repli) selon les scénarios probables concernant
l’environnement :
-
En fonction des couples avantages-cibles
stratégique : stratégie de domination par les coûts, de différenciation,
de concentration sur un segment particulier.
-
Valider les solutions proposées en analysant
leur cohérence, en particulier avec les
finalités et les moyens de l'entreprise.
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